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Que cache l’exécution de Saddam Hussein ?

Officiellement, Saddam a été pendu pour la mort de 148 villageois chiites à Dujail en 1982. Mais d’autres raisons se cachent derrière cette exécution.

PAR Bert De Belder
PTB.be - 6 janvier 2007

Le procès contre Saddam Hussein a été présenté comme un procès du peuple irakien contre son ancien président. Les Irakiens auraient ainsi réglé les comptes avec leur passé. Vraiment ?

« Ce procès était biaisé sur plusieurs points, explique Malcolm Smart, directeur d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. L’indépendance et l’impartialité du tribunal étaient contestables. Il y a eu des interventions d’ordre politique. Trois des avocats de la défense ont été assassinés1. »

Si les juges étaient irakiens, le reste était made in USA. Partout, on trouve des traces de la présence américaine. Ce sont des troupes américaines qui ont arrêté Saddam. Il était détenu à Camp Cropper, une base des forces aériennes américaines. Les Etats-Unis ne l’ont remis aux Irakiens que quelques heures avant l’exécution.

Le tribunal spécial qui a condamné Saddam est l’œuvre de Paul Bremer, anciennement à la tête de l’occupation américaine en Irak et ce sont des avocats américains qui ont rédigé les statuts du tribunal en question. Les Etats-Unis ont injecté plus de 100 millions de dollars dans ce tribunal et sont intervenus directement dans le déroulement du procès.

La sentence est tombée juste avant les élections américaines début novembre dans le but d’influencer le résultat en faveur de Bush. L’exécution s’inscrit également dans la campagne de propagande offensive lancée par Bush et ses semblables pour  contrer les trop nombreuses mauvaises nouvelles - à leur goût - sur l’Irak. Bush voudrait en effet envoyer davantage de troupes à Bagdad, pour poursuivre une guerre qu’en réalité les Etats-Unis ont déjà perdue.

Notes

1 BBC World, 30-12-2006.

Pour de la salade et des concombres ?

« L’Occident a réglé son compte à un leader arabe qui n’obéissait plus aux ordres de Washington », a déclaré le célèbre journaliste et spécialiste du Moyen-Orient Robert Fisk.

Si, comme le prétend Bush, la pendaison de Saddam fait partie du processus démocratique en Irak et dans tout le Moyen-Orient, comment expliquer que de nombreux régimes autoritaires de la région entretiennent de si bons rapports avec les Etats-Unis ?

Le président égyptien, la dynastie d’Arabie saoudite doivent-ils également craindre la pendaison ? L’écrivain Noam Chomsky a déclaré, avec son sens de la litote, que l’on peut très difficilement croire « que les Etats-Unis auraient « libéré » l’Irak si les principaux produits d’exportation du pays avaient été la salade et les concombres et si les principaux gisements pétroliers ne s’étaient pas trouvés au Moyen-Orient mais dans le Pacifique1. »

Et les autres coupables ?

« Riverbend », célèbre bloggeuse de Bagdad toujours anonyme, se demande pourquoi « un des pays les plus développés du monde n’a absolument pas aidé à la reconstruction de l’Irak ni réussi à rédiger une Constitution convenable, mais a cependant participé à la mise en place d’un tribunal fantoche et à un lynchage. Un lynchage qui dans les livres d’histoire passera pour la plus grande réalisation des Etats-Unis en Irak. Et à présent ? Qui va-t-on pendre pour les centaines de milliers de victimes tuées par la guerre et l’occupation ?2 » 

Il y aura-t-il un jour un procès contre les responsables des 655 000 Irakiens tués depuis l’invasion en mars 2003 – pour la plupart des civils –, le 1,5 million d’Irakiens victimes des sanctions qui ont précédé la guerre, les victimes de tortures à Abu Ghraib et les nombreux autres crimes de guerre perpétrés par les Américains et les Britanniques ? Quand poursuivra-t-on Donald Rumsfeld, George Bush et Tony Blair ?

 

La Voix du Peuple - Mis à jour : le 1er janvier 2007.