L’oligarchie
vénézuelienne tente de provoquer une crise alimentaire
Par Salim
Lamrani
27
février 2007
L’oligarchie vénézuelienne, opposée aux réformes économiques
et sociales du président Chávez, tente de nouveau de déstabiliser
la nation en spéculant sur les prix des produits de première nécessité.
Après le coup d’Etat d’avril 2002 et le sabotage pétrolier
de décembre 2002, l’élite souhaite provoquer une crise
alimentaire et déclencher des troubles dans le pays.
Les hypermarchés vénézueliens
ont augmenté de manière démesurée le prix des produits de
base tels que la viande, le sucre et les céréales, les rendant
inaccessibles à la population et créant ainsi de sérieuses
difficultés alimentaires. Selon la Banque centrale du Venezuela
(BCV), près d’un quart du panier de la ménagère est affecté
par l’inflation artificielle qui touche en premier lieu les
couches les plus modestes. Ainsi, les prix se sont accrus en
moyenne de 66% et, dans certains cas, ont plus que doublés. Par
exemple, le prix du poulet a subi une inflation de 110% et celui
du fromage de 245%1.
« La hausse
qui a été observée sur le prix de la viande depuis janvier et
dans la première semaine de février est due à l’intérêt
de quelques distributeurs à maximiser les profits, étant donné
que les Vénézueliens ont actuellement un plus grand pouvoir
d’achat », a expliqué María Cristina Iglesias,
ministre du Pouvoir populaire pour les industries légères et
le commerce2.
Le gouvernement a
immédiatement pris des mesures en signalant que les prix
devaient respecter la régulation en vigueur depuis 2005. « Celui
qui ne respectera pas les prix fixés et régulés du panier de
la ménagère devra en payer les conséquences [car] nous ne
reculerons pas d’un millimètre » dans la lutte
contre la spéculation, a averti le vice-président du pays,
Jorge Rodríguez. Un Comité d’inspection sociale pour
l’approvisionnement, géré par les communautés, a été créé
à cet effet afin de « construire une patrie sans spéculateurs,
sans accaparateurs et […] sans grèves patronales3 ».
Plusieurs supermarchés,
manipulant les stocks et pratiquant des prix supérieurs à ceux
fixés par la loi, ont reçu la visite des inspecteurs et ont été
sanctionnés par les autorités. Leurs produits ont été saisis
et vendus à leur juste valeur dans les magasins populaires Mercal.
« Les spéculateurs sont des délinquants, des
criminels et des ennemis du peuple et doivent sentir l’action
ferme de la loi », a déclaré William Lara, ministre
du Pouvoir populaire pour la communication et l’information.
Il a rejeté l’argument de pénurie évoqué par les grandes
surfaces et les a accusé d’accaparer les produits4.
En effet, plusieurs
grands magasins ont décidé de suspendre la vente de viande
provoquant une crise alimentaire. Le président Chávez a aussitôt
réagi et a envoyé un message aux propriétaires des supermarchés
les instant à mettre un terme aux spéculations et à garantir
la sécurité alimentaire des citoyens. Il a averti qu’il procèderait
à la nationalisation des hypermarchés, des abattoirs et des
chambres froides qui continueront à vendre des produits de
première nécessité au-dessus des prix légaux5.
« J’ai
envoyé des messages aux producteurs, aux intermédiaires des
abattoirs, des chambres froides et des magasins
d’alimentation. Mais s’ils continuent à violer les intérêts
du peuple, la Constitution, les lois, je vais leur retirer leurs
chambres froides, les magasins d’alimentation et les abattoirs
et je vais les nationaliser », a annoncé le président
vénézuelien. Il a invité la population à effectuer les dénonciations
nécessaires et tout établissement qui vendra au-dessus des
prix fixés sera nationalisé et sa gestion confiée aux
conseils communaux. « Nous ferons tout pour atteindre
la justice et l’égalité alimentaire », a-t-il
conclu6.
Une loi a été
adoptée contre la spéculation et le boycott. La Loi pour la défense
populaire établit un strict contrôle des prix et stipule que « les
fournisseurs et les établissements qui violeront cette mesure,
ou auront recours à des délits de spéculation, accaparement,
usure, refuseront de vendre, restreindront la circulation ou la
distribution des produits sous un régime de régulation des
prix, ainsi que ceux qui réaliseront des pratiques évasives de
toute nature ou des autres délits connexes, pour évader les
prix maximum de vente au public des produits alimentaires,
seront sanctionnés conformément à la Loi7 ».
L’article 4
souligne également que « tous les biens nécessaires
pour développer les activités de production, fabrication,
importation, provision, transport, distribution et
commercialisation d’aliments ou de produits soumis au contrôle
des prix » sont d’utilité publique, permettant
ainsi au gouvernement de prendre légalement le contrôle des établissements
abandonnés ou fermés, ou pratiquant la spéculation8.
Le gouvernement
bolivarien a malgré tout tenu à faire preuve de sa bonne
volonté et a effectué un geste en faveur des producteurs et
commerçants. Il a décidé de supprimer la TVA de 14% sur
certains produits alimentaires tels que les viandes, le maïs,
la mayonnaise, le fromage blanc et l’avoine, ainsi que sur le
transport terrestre d’aliments de première nécessité à
partir du 1er mars 2007. Cette exonération d’impôt
concerne toute la chaîne alimentaire, du producteur jusqu’au
commerçant9.
Cette nouvelle
tentative de déstabilisation orchestrée par l’oligarchie vénézuelienne
est illustrative à plusieurs égards. Tout d’abord, elle
montre que l’élite du pays n’arrive toujours pas à
accepter la perte de son pouvoir politique et l’implication de
plus en plus grande des citoyens dans la construction d’une démocratie
participative et d’une société nouvelle qui se veut
inclusive. Elle se trouve également dans l’incapacité
d’admettre que le système politique, économique et social du
Venezuela est train de changer de manière radicale et que ce
processus, entamé en 1999, est désormais irréversible. Enfin,
les Vénézueliens doivent rester vigilants car l’opposition,
antidémocratique et activement soutenu par Washington, a démontré
par le passé qu’elle était prête à tout arriver à ses
fins.
Notes
1
Casto Ocando, « Se desata escasez de alimentos en
Venezuela », El Nuevo Herald, 9 février 2007.
2
Agencia Bolivariana de Noticias « Gobierno no
permitirá venta de carne a precios superiores a lo regulado »,
10 février 2007.
3
Agencia Bolivariana de Noticias « No vamos a
retroceder en la lucha contra la especulación », 11 février
2007.
4
Casto Ocando, op. cit.
5
Aline Leclerc, « Hugo Chávez menace de nationaliser des
supermarchés », Le Monde, 15 février 2007.
6
Suhelis Tejero Puntes, « Amenazan con estatizar los
comercios », El Universal, 15 février 2007 ; Agencia
Bolivariana de Noticias « Serán nacionalizados
supermercados y frigoríficos que violen precios regulados »,
14 février 2007 ; Casto Ocando, « Chávez amenaza con
intervenir comercios de alimentos », El Nuevo Herald,
15 février 2007.
7
Ibid.
8
Agencia Bolivariana de Noticias « Aprobada en
Consejo de Ministros Ley Especial de Defensa Popular », 17
février 2007.
9
Associated Press, « Exoneración de IVA comenzará
en marzo en Venezuela », 12 février 2007 ; Agencia
Bolivariana de Noticias « Gobierno elimina el IVA a
las carnes de bovino y de cerdo », 11 février 2007.
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