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L'espoir d'un travail
au chantier de la Davie Ship
refait surface et
 c'est tant mieux mais ...

 

Par Guy Roy (*)
Publié une première fois en octobre 2006

On ne peut que se réjouir qu’une fois encore se manifeste l’espoir de travail pour les ouvriers du Chantier. C’était toute la qualité de vie dans la ville Lévis elle-même qui était menacée. Beaucoup pensent que les ouvriers n’auraient pas une place de premier ordre dans l’économie, que la classe ouvrière serait en train de disparaître. C’est bien sûr complètement faux. Le poids des salarié-e-s dans l’économie mondiale ne cesse de grandir. Nos sociétés modernes n’y échappent pas. Même dans le Tiers-Monde concurrentiel à cause de ses bas salaires, les paysans pauvres se transforment en ouvriers. C’est un des enjeux majeurs de la mondialisation. Même en étant très heureux de ce retour de la possibilité de gagner sa vie en travaillant à Lévis, je pense bien qu’il ne faille pas trop se faire d’illusion sur l’acquisition du Chantier par Teco Management puisqu’il y subsistera sans doute un certain ressentiment parmi les travailleurs de la Davie.

On les a affamés et fait chanter pendant cinq ans pour qu’ils renoncent à des conditions de travail qu’ils avaient mis des années à acquérir, souvent à l’avant-garde de bien d’autres travailleurs au Québec. Leur dernière bataille est sans doute la plus difficile, celle pour le droit au travail dans le privé. Et peut-être, si on y songe bien, la question non négligeable de la mobilisation de ce travail humain au service de qui ?

Ceux, entrepreneurs, qui appellent à la prise de décision en fonction du rendement en profits et les décideurs eux-mêmes se sont entendus, mais n’ont rien trouvé d’autre comme repreneur qu’un investisseur … étranger. On lui a servi, comme par le passé à d’autres, sur un plateau d’argent, un joyau de l’économie québécoise, un chantier efficace et moderne, mais dont il faudra sans doute re-former la main d’œuvre au frais du secteur public.

La nationalisation, et la reconversion des investissements militaires pour saccager l’Afghanistan en production civile maritime, auraient assuré au Chantier un avenir plus prometteur. Les investissements actuels ne sont la garantie d’aucun contrat de travail vraiment durable et l’emploi au Chantier restera aussi précaire qu’auparavant, c’est à dire, lié aux fluctuations de l’économie de marché mondiale très instable. Loin de s’amenuiser, la concurrence de ceux qui exploitent les salariés pauvres du Tiers-Monde est là pour rester, le temps au moins où ces derniers s’organisent. La productivité, dans les sociétés où cela arrive, progresse. Mais il n’est pas dit qu’elle augmentera toujours aussi vite. La résistance ouvrière pourrait la rendre conditionnelle au progrès des conditions de travail, comme chez nous. L’appel à la productivité des ouvriers seuls tente de les culpabiliser alors que les moyens techniques d’amélioration de cette productivité ne sont pas invoqués. Il n’est pas dit que la productivité s’accompagne de baisse des conditions de travail par le bas en comparaison avec celles du Tiers-Monde. Cela ne saurait être que contre-productif et finira par amener une perte de confiance dans le salariat comme nous le connaissons. Cela pourrait même venir plus vite qu’on ne le conçoit dans les milieux bien pensant

Une proposition nationale de financement plutôt liée aux besoins locaux, comme la reconstruction d’une flotte de cabotage sur le St-Laurent, aurait fait vivre plusieurs années l’entreprise et aurait pu occuper les salariés de manière plus permanente. Pour ça, il faudrait le courage politique de dépasser les ententes sur le libre-échange et une attention plus axée sur la protection du travail des ouvriers comme contribution essentielle à une économie prospère. Les États-Unis interdisent à des bateaux étrangers leurs eaux intérieures et ne permettent le cabotage qu’aux navires construits dans leur pays. Parlez-moi de libre-échange !

Le retour du cabotage sur le fleuve aurait une portée écologique et économique importante pour les régions. L’entretien des quais comme biens sociaux et le peu dispendieux transport maritime pourraient éclipser les lourds camions qui accélèrent la détérioration des équipements publics que sont les routes. La présence de tant de camions est justifiée par la livraison « just in time », i.e. une trouvaille pour réduire les inventaires coûteux des fabricants sans considération pour les coûts de l’entretien des routes transférés au secteur public. Des taxes qui sont directement mises à la disposition de l’entreprise privée qui en demande toujours plus. Comme ces soutiens financiers au nouveau propriétaire du Chantier sans aucune contrepartie vraiment solide pour la sécurité d’emploi !

Les décideurs ne se sont pas rangés du côté du travail, mais du côté de ceux qui continueront à engranger les profits au lieu de servir le bien commun national. Le camp du travail ne pourra, comme l’usage du mouvement ouvrier québécois l’a montré, que compter sur lui-même … sans ces décideurs qui affichent leurs préjugés favorables au néolibéralisme qui consiste à mettre les salarié-e-s à la disposition du grand capital international en prétextant assurer du travail, ici comme dans le Tiers-Monde. En fait ce travail devient une marchandise comme les autres au lieu de constituer une contribution notable à une économie fondée sur des progrès technologiques et humains constants et le bien commun.

(*) Guy Roy est un militant syndical de l'AFPC-FTQ et est également un membre du Comité central du PCQ 

La Voix du Peuple - Mis à jour : le 1er janvier 2007.