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Est-ce qu’il faut aller jusqu’à la catastrophe finale pour se réveiller ? L’exercice d’un bon jugement politique peu prévenir les coups. Et si le cataclysme arrive, le dénouement pourra être tout autre puisque nous aurons été des gestionnaires clairvoyants et courageux ayant contribué à éviter la lourde fatalité prévue. C’est en envisageant le pire, comme le fond les stratèges éclairés, que l’on peut prendre toute la mesure de la menace et la contrer.
Confrère Massé, que proposerez-vous aux travailleurs forestiers lorsque la forêt aura été abattue au grand complet ?
Tout le monde y a goûté avec la morue : propriétaires d’usines, pêchers de haute mer, petits pêcheurs, économie régionale de subsistance. Attendre que la forêt soit rasée n’augure rien de bon pour les travailleurs des bois. Laisser les entrepreneurs décider de qui aura un emploi et qui ne disposera plus de revenu pour nourrir sa famille est, absolument et irrévocablement, irresponsable puisque leurs objectifs de fournir des emplois sont subordonnés à l’accumulation de profits. Et ne venez pas surtout pas me dire que ces intérêts, des uns et des autres, sont conciliables. Vous aurez bien un jour à choisir. Et j’espère que comme syndicaliste, vous opterez pour vos membres. Pensez que les secours d’urgence peuvent être indéfiniment des solutions tient de l’illusion naïve et de pensée magique.
Il est nécessaire de prendre en compte le plus vite possible les appels multiples des écologistes, aussi alarmiste que soit leur message, pour une exploitation durable de la forêt. Le minimum, c’est d’arrêter le pillage.
Il y a une limite à se laisser berner par les statistiques des compagnies et de l’État. Même là, et à y réfléchir par soi-même, on peut déceler la contradiction : les compagnies réclament à grands cris des baisses dans les tarifs d’exploitation parce que, disent-elles, la ressource est de plus en plus loin à aller chercher et que les routes pour y parvenir sont de plus en plus coûteuses. C’est donc une évidence admise que la forêt recule vers le Nord, vers la toundra désertique où les arbres ne poussent plus. C’est donc admettre qu’elle ne se régénère pas assez vite près des lieux de transformation. Jusqu’où iront ces reculs ? Jusqu’à imposer la disparition de la forêt exploitable ? Et avec elle tous les emplois que l’on veut maintenir ?
Je déplore que ces idées à courte vue se manifestent de l’intérieur même de notre centrale. Elles ne sont d’ailleurs perpétuées, à mon avis, que comme préjugés sur la façon d’envisager l’exploitation de la nature sous le capitalisme. Si ce système et son mode de gouvernance sont à ce point arrivés au bout du rouleau, il faudra bien un jour miser sur cet « autre monde possible » et y chercher, y compris, et même surtout, avec les travailleurs, des solutions pratiques et alternatives à l’exploitation des richesses naturelles sur lesquelles est basée une grande partie de la « prospérité » québécoise, si tant est qu’il y en existe une, au Québec ou ailleurs, sans la concours des salariés.
D’autres parts, au lieu de revendiquer que le Québec fonce à grand train dans le cul-de-sac où nous mène un mode de gestion néolibéral de l’économie, nous devrions nous préoccuper, et des pertes d’empois annoncés par la destruction de la ressource sous la pression des exigences marchandes, et du pouvoir sur leur vie et leur destin des travailleurs eux-mêmes, comme producteurs et comme Québécois.
Dans ce sens, la FTQ pourrait contribuer à assurer un avenir au monde du travail en s’intéressant de plus près aux pouvoirs nouveaux qu’acquièrent les ouvriers au Venezuela, par exemple. Il s’y déploie des forces du genre qui percèrent avec Tricofil. La preuve a été faite, qu’émancipés d’un environnement capitaliste, les travailleurs peuvent, avec un minimum de support d’un État d’un autre genre que le nôtre (malheureusement soumis aux impératifs des seuls propriétaires), s’associer et user de leurs forces de travail pour produire et enrichir ainsi toute la société de leur labeur … sans patrons, … comme les journalistes et le personnel cadenassés de Média Matin Québec.
Confrère Massé, je vous soumets ces réflexions sur la place publique, non pour discréditer ma centrale, mais pour apporter mon point de vue dans les débats permanents qui animent la vie politique et démocratique du Québec moderne. À mon avis, il n’a de chance d’évoluer ce Québec, que l’on accuse faussement d’immobilisme, que si les talents du plus grand nombre sont mis à contribution pour que nous restions, ou devenions, c’est selon, les véritables maîtres de notre destin commun. Cela implique une perspective d’avenir où le pouvoir changera de main radicalement pour se retrouver assumé par « les producteurs librement associés » dans une société à la recherche d’un progrès constant.
(*) Guy Roy est un militant syndical, membre de l'AFPC (FTQ) et est
également un membre du Comité Central du PCQ; comme tous les autres membres
du PCQ, c'est aussi un militant actif au sein de Québec solidaire.
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