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Par Alexandre Boulerice (*),
Conseiller syndical (SCFP-FTQ), Montréal
Le mouvement syndical devra passer un test crucial au cours des prochains mois. Ce sera le moment de voir de quel bois il se chauffe et où il se positionne sur l'échiquier politique au Québec.
Désormais, quel choix effectuer quand notre action est guidée par
l'amélioration des conditions de travail et de vie des salariés, pour des
programmes sociaux de qualité, par le maintien des services publics et par
la justice sociale en général ? Ainsi, les syndicalistes doivent aujourd'hui
se poser une question, de prime abord, bien embêtante : comment réagir
devant la dérive néolibérale du Parti québécois et le défi lancé par
l'apparition d'une nouvelle formation de gauche qu'est Québec solidaire ?
Pour tirer les choses au clair, passons en revue les prises de position qui
touchent le monde du travail et abordons quelques considérations d'ordre
stratégique.
Tout d'abord, les reniements du PQ quant à toute vision progressiste
s'accumulent dangereusement. Et ce ne sont pas les tentatives désespérées du
SPQ-Libre qui semblent pouvoir y changer quoi que ce soit. Les déclarations
répétées de leur nouveau chef devraient normalement plonger dans l'embarras
tout militant syndical. André Boisclair ne souhaite rien changer aux lois (7
et 8) qui briment les droits de travailleuses à la syndicalisation, approuve
les changements en faveur de la sous-traitance, appuie les partenariats
public-privé (PPP), continuera d'appliquer le décret du gouvernement Charest
qui a imposé le dernier contrat de travail des employés de l'État, s'oppose
- contre son propre parti - à la nationalisation de l'énergie éolienne et
souhaite faire du Québec "l'endroit au monde ou le capital est le mieux
accueilli" ! Après tout cela, on comprend que le pauvre homme ne sache plus
très bien ce que cela signifie "être de gauche"...
Mais pour ceux qui s'en rappellent un tant soit peu, quel est donc l'attrait d'appuyer une telle orientation politique ? En premier, lieu, on peut souhaiter voter "gagnant" - comme si le bulletin de vote était un billet de loto. Sinon, la crainte du pire peut être une motivation jugée suffisante. De ce second sentiment, résulte ce qu'on appelle le "vote stratégique", la démocratie cessant d'être l'expression de nos valeurs et de nos projets pour se rabattre vers un rassurant moindre mal. Comme si ce "moins pire" devait être l'ambition du mouvement ouvrier ! C'est une lapalissade, ce n'est jamais en entérinant des reculs ou faisant du surplace qu'on fait progresser notre société.
Le raisonnement qui aboutit au "vote utile" procède en fait d'un calcul qui était cher, en d'autres temps, à certaines formations staliniennes d'Europe occidentale. En effet, pour contrecarrer l'arrivée au pouvoir de "l'adversaire principal", on appuyait "l'adversaire secondaire", celui qui nous apparaissait alors comme moins menaçant. On pouvait même s'allier à lui. Cela fonctionnait parfois. Mais il y a une faille à ce raisonnement, et elle est de taille. En bout de ligne, à force de jouer ce petit jeu, ce sont toujours les adversaires qui gagnent...
Et si aujourd'hui, abandonnant ces calculs piégés, les syndicalistes québécois appuyaient une formation réellement progressiste ? Une formation comme Québec solidaire qui propose, entre autres :
de créer Éole-Québec pour que l'énergie éolienne profite à tout le monde;
d'étendre la durée des vacances selon les normes du travail;
d'abolir les lois antisyndicales (7,8,31 et 142);
d'embaucher des employés issus des communautés culturelles pour atteindre 5 % de la fonction publique en 2011;
de renforcer le rôle des services de santé et de services sociaux de proximité ;
de réduire le nombre d'élèves par classe ;
d'établir un plan d'urgence d'alphabétisation;
d'augmenter progressivement le salaire minimum à 10 $ l'heure.
Voici une série de mesures qui seraient des premiers pas significatifs pour un gouvernement véritablement préoccupé des besoins de la population. Est-ce qu'il y a un risque de voter pour Québec solidaire ? Probablement. Il y a le risque de gagner. Pour nous. Enfin.
Mais il y avait aussi un risque dans les années 70 d'appuyer le Parti
québécois de Lévesque. On pouvait alors nuire à l'Union nationale et "faire
élire" les libéraux, ou l'inverse, peu importe. Certains ont eu le courage
de leurs convictions et, au bilan, cela a fait progresser le Québec.
Aujourd'hui, nous voilà de nouveau à cette croisée des chemins. Quelle
audace saurons-nous exprimer ? Quelle cohérence avec nos luttes quotidiennes
allons-nous démontrer ? La réponse nous revient.
(*) Ce texte fut publié une première fois sur le site Internet de
Presse-toi à gauche, dans le journal Le Soleil
du samedi 25 novembre 2006, puis sur le site Internet de Québec
solidaire. Nous le reproduisons à nouveau pour le bénéfice de
nos lecteurs et lectrices avec l'accord de l'auteur.
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