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Par André
Parizeau,
Chef du PCQ
Tous les hommes et les femmes sont supposés être égaux devant la loi. Cela, c'est sur papier.
Mais La réalité est souvent différente et on en a encore un cas patent dans l'affaire Conrad Black. Hier encore, c'était un magnat de la presse. Aujourd'hui, c'est un homme déchu; il vient d'être déclaré coupable pour différentes affaires de fraudes et pourrait éventuellement faire de la prison. Rien n'est encore décidé et il pourra toujours faire appel, de toutes manières.
En théorie, Conrad Black pourrait se retrouver derrière les barreaux pour plusieurs années. Cela, c'est encore sur une fois sur papier. En attendant, il demeure toujours très riche ... et demeure également toujours en liberté, malgré sa condamnation. Il reste d'autre part à voir s'il fera même un jour de la prison ... et, si oui, pour combien de temps.
À bien y
regarder, je ne peux m'empêcher de faire un parallèle avec un autre procès
célèbre, chez nous, soit celui de Fred Rose.
Quand tu viens de la "haute", c'est jamais la même chose ...
N'aurait été de tout l'argent que Conrad Black a, de ses nombreux avocats, de ses amis, et de l'influence dont il dispose toujours, son procès se serait terminé beaucoup plus vite que cela s'est finalement passé... et il serait déjà en prison. Mais, et c'est évident, Conrad Black n'est pas comme monsieur et madame tout le monde car il fait partie de la "haute".
Conrad Black n'était pas juste un homme d'affaires très en vue. C'est également un homme aux nombreuses connections politiques. Anciennement très lié au Parti conservateur du Canada, sous Brian Mulroney, puis couronné "Lord" par la reine d'Angleterre, aujourd'hui plus lié au Parti conservateur en Angleterre (il a d'ailleurs dû abandonné sa citoyenneté canadienne de manière à pouvoir devenir un "Lord" anglais), Conrad Black était également un admirateur de longue date de l'ancien premier ministre du Québec, Maurice Duplessis.
Le Parti Conservateur du Royaume Uni, auquel il appartient, et qu'il était supposé représenté à la Chambre des Lords, en Angleterre - même si dans les faits il n'y est pas allé très souvent au cours des dernières années - vient de lui enlever le droit de parler en son nom. "Big deal "! Comme on dit en anglais. Pour le reste, il demeure toujours un "Lord" ...
Il est plutôt rare de voir un homme politique se voir condamné par une cour de justice. Encore moins un "Lord". Mais tous n'ont pas justement la chance d'être un "Lord"...
Ici même au Canada, tout au moins au niveau fédéral, je crois qu'il n'existe qu'un seul cas d'un politicien ayant jamais été arrêté et condamné alors qu'il était encore député. Cela se passait en 1946. Fred Rose, qui était alors un des leaders du Parti communiste au Québec, était aussi une personnalité publique bien connue à Montréal Il venait tout juste d'être élu pour la 2e fois au Parlement à Ottawa avec plus de 10 000 voix. Il représentait alors les citoyens de la circonscription de Montréal Cartier, soit entre autre le quartier Mile-End. Cette circonscription n'existe plus aujourd'hui mais cela correspondait grosso modo à la partie Ouest de l'actuel comté de Mercier, sur la scène provinciale.
Fred Rose
n'était évidemment pas un "Lord". Pire, il était communiste. Ce
qui se passa alors pour Fred Rose est clairement sans commune mesure avec le
traitement reçu jusqu'ici par Conrad Black.
Lorsque Fred Rose fut arrêté en 1946, cela n'avait strictement rien à voir avec des questions de fraudes, comme cela est actuellement le cas avec Conrad Black. Fred Rose était plutôt accusé d'avoir été à la tête d'un réseau d'espionnage qui aurait fonctionné au profit de l'URSS, durant la 2e guerre mondiale, laquelle venait juste de finir. Les accusations découlaient d'une défection qui venait juste d'avoir lieu à l'ambassade de l'URSS, à Ottawa, et étaient, pour l'essentiel centrées autour de démarches soit disant prises pendant toutes ces années de guerre pour obtenir des renseignements sur un certain nombre de recherches d'ordre militaire, lesquelles recherches auraient été effectuées à Montréal et portaient notamment sur des explosifs. Mentionnons d'entrée de jeu que cela n'avait strictement rien à voir avec le projet pour une bombe atomique.
Les allégations étaient-elles fondées ou pas ? Fred Rose avait-il utilisé sa position de député et de leader au sein du Parti communiste pour agir en même temps comme espion pour le compte de l'URSS ? Encore aujourd'hui, il est difficile de porter un jugement sur le sujet même si cela demeure toujours possible. Ce qui est cependant très clairement établi, c'est que les fameuses informations qui auraient été transmises à l'URSS, n'avaient pas vraiment de portée stratégique et que le Canada et l'URSS étaient de toute manière des pays alliés au moment des faits allégués. On ne pouvait donc pas vraiment parler de "collusion avec l'ennemi". Pour vaincre les forces fascistes, une très large alliance avait été bâti à l'échelle internationale et il n'était que normal que toutes ces forces collaborent entre elles.
Quoiqu'il en soit, tout cela n'avait pas vraiment d'importance au moment où le procès contre Fred Rose eut lieu. On était bien au dessus de telles considérations. On était au tout début de la guerre froide (cette affaire contribua en fait à lancer la guerre froide, en Amérique comme en Europe) et tous les moyens étaient bons pour justifier la chasse aux nouveaux ennemis : les communistes. La justice -- la vraie -- n'avait finalement rien à voir avec ce qui se passait alors.
Fred Rose est donc rapidement amené devant une cour de justice et condamné lors d'un procès qui sera plus tard largement contesté. Comparativement au procès de Conrad Black, où ce dernier eut tout le loisir de se défendre et continue, du reste encore aujourd'hui, à se tirer relativement bien d'affaires, toutes proportions gardées, c'est bien différent.
Pendant six ans, Fred Rose croupira ensuite en prison. Mais ce n'est pas la fin de l'histoire. Ne pouvant en effet se trouver de travail, au sortir de la prison, et ne voulant pas vraiment nuire au Parti communiste, à cause du climat de chasses aux sorcières, plus intolérant que jamais, Fred Rose décide alors de retourner en Pologne, là où il est né. Il quitte donc le Canada mais jamais, le gouvernement ne voudra pas la suite qu'il y remette à nouveau les pieds. Même pour aller visiter ses petits enfants ! Même défait et vieillissant, il demeurait encore une "menace très sérieuse à la sécurité de l'État". Il meurt finalement paisiblement, à Varsovie, au début des années 80. Questionné juste avant de mourir à savoir s'il avait des regrets par rapport aux gestes posés dans sa vie de militant communiste, sa réponse fut courte et simple : non.
On nous dira ensuite que la justice avec un grand J existe malgré tout, sauf que ...
Sujets reliés :
À propos des liens qu'avait auparavant Conrad Black
et le Parti conservateur du Canda (source: l'aut'journal)
Pour consulter le reste de
notre dossier sur le système judiciaire
Pour avoir un supplément d'informations sur Fred Rose et tous les autres militants et militantes qui ont bâti le Parti communiste