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Note: Ce texte fut mis en ligne sur ce site le 4 novembre
2008 et fut récemment reformaté pour tenir compte des plus
récents standards utilisés sur ce site pour les modalités
d'affichage; ce texte fut aussi légèrement modifié pour
tenir compte du fait que nous sommes aujourd'hui en 2013.
***
Par André Parizeau
Quand une compagnie annonce des mises à pied,
qu'un conflit de travail éclate, il y a souvent auprès des gens qui ne sont
pas directement concernés par la nouvelle, une certaine hésitation avant de
se dire : qu'est-ce qu'on fait ? Même au sein des forces de gauche, et
c'est bien dommage, on a souvent peur d'être trop associé aux syndicats et
d'être perçu comme tel. C'est comme si cela pouvait être une tare.
Même au sein de Québec solidaire,
on peut parfois sentir cette hésitation ou cette réticence. Le même
commentaire pourrait aussi s'appliquer auprès de certains de nos nouveaux
membres, sympathisants et sympathisantes.
Juste avant les élections de mars 2007,
l'ex-chef du PQ, André Boisclair, n'avait pas hésité à déclarer que le PQ
voulait désormais se distancer de plus en plus
des syndicats. Cela n'avait alors pas manqué de ramener au devant de la scène les
débats au sujet du mérite ou non d'être justement associé aux syndicats.
Encore aujourd'hui, et sous la gouverne de la chef Pauline Marois, le PQ
continue encore à faire attention de ne pas être vu comme étant trop
directement associés aux syndicats. Comme si cela était mal vue et
ne cadrait plus avec leur vision pour un Québec de demain.
Tout cela n'est pas sans ironie. Il y a
une époque -- dans les années 60 et 70 -- où c'était plutôt le
contraire et où il était en fait très à la mode, dans certains milieux, de
se dire et d'être vu comme étant du côté des syndicats. Autre temps,
autre moeurs, diront certains. Mais il est loin d'être aussi évident
que cette hésitation d'aujourd'hui soit pour autant une bonne chose.
Une force incontournable
Nous, au Parti communiste, ne souscrivons pas
à une telle approche. Pour nous, non seulement les syndicats
représentent une force majeure dans le cadre d'une stratégie pour changer la
société mais j'oserais même dire qu'ils sont une force incontournable, avec
laquelle nous nous devons de développer le maximum de connivence. Tel a
toujours été notre point de vue et ce l'est encore. Nous n'avons pas
changé. Ce n'est même pas une question de choix. C'est plutôt
une simple question de réalisme.
Lisez notre programme politique et vous verrez
que le mouvement ouvrier y a toujours une place très importante. Ce
n'est pas pour rien. Pour nous, le mouvement ouvrier représente encore
aujourd'hui la principale locomotive de changement social.
Les travailleurs et les travailleuses représentent la majorité de la
population. Les syndicats, quant à eux, sont les principales
organisations des travailleurs et des travailleuses. De part leur
niveau d'organisation, les syndicats possèdent en même temps des ressources
sans aucune commune mesure avec la plupart des autres organisations.
Au fond, c'est assez simple. Ou bien les
syndicats embarqueront dans nos projets de changement en profondeur de la
société et finiront même par jouer un rôle de premier plan dans la
bataille, ou bien cela n'ira nulle part.
Certains rétorqueront que les syndicats sont
encore très loin d'embrasser la cause du socialisme et ils auront raison de
le souligner. En fait, ils n'auront raison qu'à moitié. Car, si
on prend la pleine de relire notre propre histoire, alors on verra que les
syndicats ont déjà eu des positions beaucoup plus radicales et socialisantes
que ce à quoi nous sommes présentement habitués.
Évidemment, cela n'est plus vraiment le cas.
Cela est partiellement dû à toute cette fameuse guerre froide qui nous a
fait si mal. C'est également dû à bien des erreurs fait par la gauche,
y compris par le Parti communiste. C'est également dû ,au moins en
partie également, au travail et aux actions pas toujours très reluisantes et
glorifiantes de certaines forces politiques, plus associées au courant
social-démocrate.
Cela dit, vous remarquerez en même temps le
fait suivant : quand les syndicats appuient un mouvement et décident
finalement de mettre toutes leurs énergies et leur ressources dans la
bataille, cela paraît et cela aide alors énormément ceux et celles qui
avaient la responsabilité d'assurer la mobilisation.
Quand, en contrepartie, les syndicats décident
par contre de retirer leurs billes du jeu, cela a assez rapidement un effet
plutôt néfaste. Tout cela tend à confirmer ce que je disais déjà plus
haut.
L'important devient donc, dans les
circonstances, à travailler d'autant plus fort pour renforcer et étendre les
liens entre les syndicats et des mouvements comme Québec solidaire.
Un exemple : le rôle joué par les syndicats
lors des dernières élections aux EU
Le rôle joué par les syndicats aux États-Unis,
lors des deux dernières rondes électorales, soient en 2008 et en 2012, où les Républicains ont à chaque
fois subi une défaite, illustre également assez bien mon propos.
Pour des considérations propres à la situation
existant aux États-Unis et qui sont très liés aux règles très contraignantes
en ce qui a trait aux fonctionnement des élections (et qui rendent
extrêmement difficiles pour n'importe quel tiers parti d'y participer), la
plupart des progressistes américains appuyaient le parti démocrate
lors de ces élections. Cela valait en particulier pour les syndicats.
Même si le parti démocrate américain est un parti bourgeois, et compte tenu
juste de la situation et de ces fameuses restrictions, la plupart des gens
considéraient qu'il ne pouvait y avoir d'autre choix (ce n'est pas comme
ici).
Ils n'appuyaient pas forcément tous les
candidats et candidates démocrates, quelqu'ils soient et en bloc. La
stratégie consistait plutôt à concentrer le maximum d'efforts à soutenir
ceux qui avaient les positions les plus progressistes en même temps que ceux
dont l'élection ou la réélection avaient besoin ... d'un petit coup de
pouce.
On connaît aujourd'hui les résultats. Ce
qu'on connaît moins, c'est l'étendue des efforts qui furent consentis par
les syndicats américains afin d'assurer ce succès. Les chiffres
fournis par l'AFL-CIO, contenus dans un rapport portant précisément sur le
sujet, et rendu public après les élections de 2008, parlent d'eux-mêmes :
Près de 200 000 bénévoles, provenant des rangs
des syndicats, furent mis à contribution pendant ces élections ;
Plus de 30 millions d'appels
téléphoniques et 8 millions de visites à domicile furent effectués par les
militants syndicaux.
Selon l'AFL-CIO, les efforts effectués par
cette centrale syndicale furent les plus importants jamais consentis jusqu'à
par celle-ci, en termes d'implication politique.
Bien sûr, et tout le monde, moi le premier,
conviendra du fait qu'on est encore très loin d'un véritable changement de
régime aux États-Unis. Néanmoins, et là-dessus, c'est tout aussi
évident, tout le monde reconnaîtra je crois, que cette défaite de Bush est
certainement une des meilleures nouvelles à laquelle on pouvait s'attendre. Le parti démocrate aurait-il pu obtenir
les mêmes résultats sans l'appui des syndicats ? Cela est plus que
douteux. Tout cela nous ramène finalement au rôle majeur que peuvent
et devraient jouer les syndicats.
Revenons maintenant à la situation d'ici
Ici même, au Québec, la clé d'un éventuel
succès des forces de gauche dépendra pour une bonne part du degré
d'implication des syndicats.
Au tout début du PQ, dans les années 70, les
dirigeants de ce parti étaient eux-mêmes très clairs sur l'importance
d'avoir les syndicats de leur côté. Du reste, et sans l'appui assez
rapide des syndicats, jamais le PQ n'aurait pu se rendre aussi loin qu'il
l'a par la suite fait.
Nous avons la chance aujourd'hui d'avoir, avec
Québec solidaire, un véhicule politique qui soit tout à la
fois rassembleur, qui a déjà un rayonnement comme jamais aucun mouvement de
gauche avait pu en avoir jusqu'à là sur la scène électorale, et qui est en
même temps assez clairement situé à gauche. De toute les formations
politiques d'importance qui seront sur les prochains bulletins de vote,
Québec solidaire est également la seule à avoir autant intégré jusqu'à
présent les grandes revendications ouvrières. Je n'irai pas jusqu'à
dire que cela est parfait. Loin s'en faut. À mon sens, il y
aurait encore beaucoup à faire pour renforcer et améliorer encore plus cet
aspect là de la plateforme de Québec solidaire.
Une fois cela dit, la présence de ce véhicule
nous offre, comme jamais jusqu'à présent, dans l'histoire récente du Québec,
la possibilité de développer nos ponts avec les syndicats. Cela
devrait même être une de nos priorités. Cela nous place en même temps
dans une position nettement meilleure que ce qui peut exister ailleurs, sur
le continent nord-américain.
Bâtir de tels ponts serait non seulement à
l'avantage des syndicats (qui verraient ainsi leurs revendications reprises
plus largement, au delà des rangs de leurs propres membres) mais également
de Québec solidaire dans la mesure où cela pourrait l'aider à
passer par dessus tous les obstacles se dressant encore devant nous et
empêchant du fait même Québec solidaire d'aller encore plus
vite dans son implantation.
Pour cela, il faudra bien sûr combattre la
vieille habitude de beaucoup consistant à privilégier le vote stratégique en
lieu et place d'un vote qui place en haut de priorités l'importance des
idées. Il faudra tout autant combattre l'autre tendance, tout aussi
dangereuse, de dire que les élections ne sont finalement plus si importantes
et qu'on peut donc tout simplement ne plus aller voter.
Cela n'implique pas pour autant que l'un ou
l'autre, que se soit les syndicats ou Québec solidaire, doive abandonner sa
propre liberté d'action et de pensée. Il ne s'agit pas ici d'avoir ou
de faire la promotion, d'une quelconque manière, d'une sorte de lien
organique qui devrait exister entre les syndicats et les partis politiques.
Cette manière de voir les choses a déjà existé dans le passé et ont sait
aujourd'hui que cela n'était pas la meilleure chose à faire. Sachant
très bien que le neutralisme (ou l'abstention) ne peut véritablement être
une alternative au marasme politique actuel, dans la mesure où cela favorise
justement le maintien du statu quo, il s'agit plutôt de voir, des deux
côtés, comment le développement d'une alternative comme Québec
solidaire peut justement tous nous aider collectivement à se sortir
de ce marasme et favoriser l'émergence d'une éventuelle nouvelle société.
Donner l'exemple
Nous, au Parti communiste, n'avons jamais eu
peur de nous afficher comme ayant un très clair préjugé favorable aux
travailleurs et aux travailleuses. Contrairement à d'autres, nous ne
tenons pas à garder nos distances vis à vis des syndicats; c'est plutôt le
contraire; au jour le jour, notre objectif est plutôt de s'en rapprocher
toujours un peu plus.
Défendre l'autonomie des syndicats fait partie
de notre programme. Faire la promotion de leurs actions ainsi que de
leurs revendications, en fait aussi partie.
Par ricochet, nous avons en même temps une
approche assez différente de bien d'autres mouvances à gauche, lesquelles
ont plutôt tendance à critiquer constamment les syndicats et à rejeter
ceux-ci, soit disant parce qu'ils ne seraient pas assez à gauche.
Pour nous, une telle approche manque vraiment
le coche. Cela ne tient pas compte de la réalité bien concrète à
laquelle nous sommes confrontés. Au delà de la rhétorique utilisée,
cela reflète également un bien faible degré d'analyse quant à la stratégie à
suivre pour changer notre société. Cela ne veut pas dire pour autant
que nous n'avons pas nous mêmes, à l'occasion, nos propres critiques à faire
aux syndicats car ceux-ci ne sont pas eux-mêmes exempts de critiques.
Trop souvent, les syndicats se tirent eux-mêmes dans le pied, en se
cantonnant beaucoup trop dans une action purement défensive et en ayant
eux-mêmes peur de trop se mêler de politique. Eux-mêmes font également
face à toutes sortes de problèmes liés à une très lourde bureaucratie.
Mais en lieu et place d'une approche consistant à toujours tirer à boulets
rouges contre les syndicats, une approche qu'on pourrait identifier d'ultra
gauchiste, nous préférons plutôt y aller par la positive, en se concentrant
sur ce qui pourrait être fait et sur ce que nous avons nous-même à proposer
dans les circonstances. Pour nous, cela est beaucoup plus utile.
Nous au Parti communiste, on ne cherche pas,
en général, à plaire à tous. On ne prétend pas vouloir défendre les
intérêts de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, sans
distinction de classe. De toute manière, cela ne peut marcher.
En lieu et place, on regarde d'abord ce qui sert les intérêts des
travailleurs et des travailleuses et de leurs organisations. On fait
un choix conscient. On peut du reste remonter aussi loin qu'on veut,
le Parti communiste a toujours eu à coeur à défendre les intérêts du monde
ouvrier. La plupart des membres du Parti communiste, en 1921, année où
fut fondé notre parti, étaient eux-mêmes des dirigeants qui oeuvraient déjà
dans les syndicats.
Une approche qui est au fond la plus
démocratique
Pour nous, le fait de défendre les intérêts
des travailleurs et des travailleuses est une approche profondément
démocratique puisque ce sont eux et elles qui forment la majorité de la
population (même si cela ne se reflète généralement pas sur la scène
politique et qui devrait justement changer).
Est-ce en définitive la meilleure approche à
suivre ? Nous le pensons et nous essayons en même temps, au niveau de
la pratique de tous les jours, de mettre en pratique cette vision de
l'action politique pour que cela ne reste pas de simples voeux pieux.
Le fait que le PQ veuille tout au contraire de
ce que nous préconisons, se distancer de plus en plus du mouvement ouvrier,
ne nous surprend pas. La tendance est la même avec le NPD, au Canada
anglais. Cela fait partie du virage de plus en plus à droite et de
plus plus en évident de ces deux partis, sur la scène politique. Cela
cadre également très bien avec les intérêts de classe qu'ils veulent de plus
en plus clairement servir. Malgré que
le PQ ait mené la dernière campagne électorale sur la
base d'une plate-forme nettement plus à gauche que ce à
quoi le PQ nous avait habitué par les années passées, ne
changent pas la tendance lourde se développant entre le PQ
d'un côté, et les syndicats, de l'autre.
Le vide que le PQ crée ainsi, en agissant de
la sorte, pourrait à terme lui jouer un bien mauvais tour parce qu'il est en
même temps en train de se mettre de plus en plus à dos ceux qui étaient
jusqu'à peu parmi ses principaux appuis. En contrepartie, et
dépendamment de la manière qu'un mouvement comme Québec solidaire
réagira à terme, dans un tel contexte, cela pourrait finalement devenir un
atout majeur pour la gauche. À condition bien sûr qu'on mette les
énergies nécessaires pour reprendre justement, là où le PQ les a laissé, et
en sachant tirer les bonnes leçons par rapport au passé, les ponts avec le
mouvement ouvrier.
Chef du PCQ