www.pcq.qc.ca - Parti communiste du Québec (PCQ)
Dernière mise à jour :

Note : le samedi 7 juin 2008, à Québec, les membres du Comité Central du PCQ se réunissait et la question du rapport Bouchard-Taylor faisait alors partie des points à l'ordre du jour de la réunion.  Ce qui suit découle de la discussion qui s'en suivit.  Récemment, ce texte était reformaté pour respecter les nouveaux standards en place sur notre site Internet.

***

Par le Comité Central du PCQ

Que devrait-on penser des recommandations émises par la Commission Bouchard-Taylor ?  Les principaux partis politiques ont déjà réagi à ce sujet.  Au PCQ, nous avons aussi pris le temps de regarder chacune de ces 37 recommandations.

Voici notre analyse du dossier, accompagnée bien évidemment de nos propres réflexions de communistes modernes.  Même si nous sommes souvent d’accord avec plusieurs des recommandations émises et que la plupart d’entre elles représentent de fait un pas en avant, ce qui était du reste déjà souligné, dès la sortie du rapport, dans un communiqué émis par le chef du PCQ, nous avons en même temps des critiques à formuler, ainsi que certaines appréhensions.

Ces appréhensions concernent d’abord et avant tout ce qui pourrait advenir de ces mêmes recommandations.  Compte tenu de l’attitude générale du PQ, de l’ADQ, mais aussi des libéraux, il ne faudrait pas se surprendre si plusieurs d’entres elles, notamment en ce qui concernent les plus intéressantes d’entre elles, finissent en effet sur une tablette.  La rapidité avec laquelle ces trois grands partis ont très rapidement mis de côté l’une de ces recommandations, en ce qui a trait aux signes religieux existant dans la grande salle de l’Assemblée nationale, à de quoi nous préoccuper.  Cela, nous l’avons dit dès la sortie du rapport et cela reste toujours à propos.

Mais il y a aussi plus.  Le fait qu’il existe toujours dans ces mêmes recommandations certaines contradictions, quant à l’orientation suggérée, de même que plusieurs faiblesses quant à leur portée véritable, a aussi de quoi nous préoccuper quant à la suite des choses.  Dans les faits, et comme le font déjà remarquer bon nombre d’organismes sociaux et syndicaux, les auteurs du rapport auraient pu aller encore beaucoup plus loin dans leurs recommandations.  Certaines formulations et recommandations auraient aussi pu être beaucoup plus claires et moins ambiguës.  Sauf que cela n’aurait pas forcément plu au gouvernement de Jean Charest, soit celui qui, au départ, avait commandé la commission, pliant ainsi sous la pression des adéquistes, qui ne fournissent toujours pas de solutions aux problèmes qu’ils créent, bien plus qu’ils ne révèlent.

Le fait qu’une bonne partie de l’attention médiatique se soit éventuellement redirigée, dans les jours qui ont suivi la publication du rapport, vers un débat aux implications, sommes toutes assez limitées, à savoir si oui ou non les femmes professeurs et de religion musulmane devraient ou non avoir le droit de porter le hidjab (soit ce foulard que certaines femmes musulmanes portent sur la tête; à ne pas confondre avec le voile cachant la majeure partie du visage, ce qui est une toute autre affaire) a aussi de quoi nous interpeller.  Car, pendant ce temps, bien d’autres aspects et recommandations incluses dans le rapport Bouchard Taylor passent relativement inaperçues.

Cela n’est pas sans rappeler également les soit disantes fuites qui ont eu lieu dans The Gazette, juste avant la publication du rapport et qui, dans la manière dont le tout était présenté, n’avait finalement que très peu à voir avec ces fameuses recommandations.  Comme si, le tout avait été prémédité…
 

Le sujet était sur la table lors de la dernière rencontre du Comité Central, le 9 juin dernier

Comme le faisaient remarquer en même temps plusieurs membres du Comité Central, lors d’une rencontre de celui, qui se tenait à Québec, le samedi 7 juin dernier, tous ces débats à propos de la pertinence ou non de tel ou tel accommodement, dit « raisonnable », ainsi que tous ces débats autour de ce qu’est ou de ce que devrait être l’identité québécoise, a aussi eu pour effet d’éclipser bon nombre d’autres débats tout aussi importants, dans le contexte de l’actualité courante.  Nous voudrions en mentionnons deux d'emblée.

Comment se fait-il en effet qu’on continue toujours à envoyer des soldats en Afghanistan alors qu’une majorité de Canadiens – et une majorité encore plus grande de Québécois -- sont contre la poursuite de notre présence militaire dans ce pays ?  N’est-ce pas là une contradiction flagrante de notre système, soit disant démocratique ?  Que devrait-on donc faire pour contribuer à ce que cela arrête ?  La question se pose avec beaucoup d’acuité mais elle demeure, encore aujourd’hui, et c’est vraiment malheureux, très largement occultée et oubliée.  La lutte à l’impérialisme mérite tout autant notre attention que la question identitaire; mais celle-ci serait déjà réglée avec un Québec indépendant puisque la Constitution ne serait pas soumise à un autrui.

Que devrait-on également faire pour mettre un terme à la privatisation de notre système de santé ?  Là encore, on fait face à un très important défi.  Pourtant, les médias n’en parlent encore une fois que très peu et cette autre question ne soulève finalement que peu d’attention.  Quel dommage !  Quand un politicien de Hérouxville, en mal de publicité, se fait aller avec des déclarations à l’emporte-pièce, tous les médias se ruent alors sur l’affaire, créant encore plus de sensationnalisme.  Mais quand des gens font une ligne de piquetage devant une clinique privée pour dénoncer la privatisation de notre système de santé, c’est comme si ce n’était soudainement plus vraiment intéressant ; et pourtant les répercussions de la commission Castonguay seront importantes pour le système de santé public québécois.  Mais est-ce vraiment normal que les médias agissent de la sorte, eux qui sont dominés par des intérêts privés, tout à l’opposé du bien commun et de l’intérêt général ?

Dans le cadre de la discussion qui eut lieu, lors de la rencontre du 7 juin, tous les membres du Comité Central n’étaient pas forcément d’accord, de manière uniforme, sur tout.  Ainsi, et en regard avec cette fameuse question de la pertinence ou non de permettre, ou au contraire, d’interdire, au sein du corps professoral, le port du hidjab, bon nombre pensaient qu’il valait mieux faire preuve de plus de flexibilité et que cela ne comportait pas forcément un grave problème.  Cela revenait, dans une large part, aux propos déjà énoncés par Québec solidaire sur la question.

D’autres, au contraire, parmi nos camarades, pensaient plutôt qu’on devrait être beaucoup plus strict.  Pour eux, cela revient en effet à une question de principe.  Un État laïc comme le Québec, disent-ils, ne devrait jamais tolérer, à l’intérieur des enceintes de ses institutions, para et péri-publiques, y inclus de la part de ses représentants, qu’on mêle affaires publiques avec la religion.  Pour ces camarades, la religion est une liberté personnelle qui n’a à être enseignée qu’après les heures normales de classe ; les lieux d’enseignement servant de lieu d’apprentissage pour la vie adulte, non pour s’enfermer encore plus. Point final.

Au-delà de ces nuances et de ces différences, tous s’entendaient cependant sur ce qui suit :
 

a) Concernant les recommandations de la commission en matière d’apprentissage de la diversité :

Au niveau de l’information, les commissaires insistent beaucoup sur de la nécessité de bien la transmettre celle-ci, de sorte à ce que chaque personne puisse être convenablement outillé pour revendiquer ses droits et respecter ceux des autres.  Nous sommes d’accord avec cela.  Il  reste cependant à voir d’où va venir les argents que cela nécessitera et dont l’État se dit pourtant ne jamais avoir en assez grande quantité.  Évidemment, quand il s’agit d’octroyer des baisses d’impôts à des gens qui n’en ont pas besoin, c’est une autre affaire; mais quand il s’agit d’aller chercher l’argent là où elle est, on trouve toujours une excuse pour dire que cela ne serait pas vraiment possible.  La richesse existe ; il est temps de cesser de la cacher et de commencer à la partager !

 

b) À propos des recommandations formulées en matière d’harmonisation :

Dans la section sur la déjudiciarisation du traitement des demandes d’harmonisation, les commissaires mentionnent le fait qu’il faudrait « faire en sorte que, dans le monde scolaire, on évite d’imposer à des élèves des pratiques contraires à leurs croyances, dans les limites de la contrainte excessive. »  Sans vouloir chercher absolument des bibittes, il reste qu’une telle formulation pourrait, dans la pratique, maintenir le flou juridique par rapport à ce qui est raisonnable et ce qui ne le serait plus; cela pourrait donc laisser la porte ouverte à des situations contraires à ce qui irait dans le sens d’un véritable processus d’intégration.  Cela reviendrait également à poursuivre cette fameuse politique de multiculturalisme, de plus en plus décriée (même si elle est pourtant toujours reconnue par la Constitution canadienne) et que même les auteurs du rapport critiquent eux-mêmes.  Le multiculturalisme n’est pas approprié pour le peuple québécois.

Rappelons ce qu’est le multiculturalisme. Il se définit d’abord et avant tout comme un agencement de diverses communautés culturelles, où celles-ci coexistent ensemble MAIS – et c’est là le caractère dangereux du multiculturalisme– où chacune de ces communautés se retrouve également sur un pied d'égalité; tout finit aussi par être permis.  Cette façon de penser autorise même la présence de la religion dans l’espace public puisque la personne est perçue indissociable de sa religion.  Bref, pour intégrer il faudrait tout accepter.  Cela est possible puisque tous les discours se valent, s’équivalent, faisant qu’il n’y a plus aucune vérité, ni plus aucun vivre-ensemble axé sur des valeurs communes, alors qu’il y a effectivement et assurément des valeurs fondamentales qui sont publiques, telle l’égalité des sexes.  Dans la conception qu’est le multiculturalisme, il n’y a plus de peuples ; il n’y a que des communautés culturelles…ce que n’est évidemment pas le cas pour le peuple Québécois, ni d’ailleurs pour les peuples canadiens et autochtones.  Cela revient dans les faits à nier les aspirations légitimes du peuple québécois.

À notre point de vue, et contrairement à ce que peut amener le multiculturalisme, les milieux d’enseignement ne devraient pas accorder de place particulière pour la pratique d’une religion ou d’une autre, à l’intérieur même des enceintes de ces maisons d’enseignement, que ce soit par l’octroi de locaux ou d’autres ressources à la disposition des écoles.  Le droit de croire, étant un droit individuel, il en revient donc au croyant à financer lui-même son lieu de culte, à l’entretenir et à aller pour les services religieux ; l’État laïc n’a pas à accorder temps, ressources et argent pour les pratiques religieuses d’un groupe ou d’un autre.  S’il le faisait, dans le principe d’égalité, il devrait financer chacune des autres religions … ce qui pourrait en même temps devenir assez onéreux et on s’éloignerait en même temps de la mission de l’école.

De telles pratiques n’existent de toute manière pas dans les lieux de travail, alors pourquoi devraient-elles exister dans les écoles.  Les écoles ne sont-elles pas, de toute manière, supposées être des lieux d’apprentissage vers la vie adulte ?  Si nous voulons être conséquent avec nous-mêmes, alors de tels lieux de culte ne devraient tout simplement pas exister dans les écoles.

Dans les situations où les gens ne pourraient pas avoir facilement accès à leur propre lieux de culte – par exemple, lorsqu’ils sont hospitalisés --, alors l’État pourrait prévoir dans ces mêmes endroits, par exemple dans les hôpitaux, certains accommodements pour que ces mêmes personnes, qui le désirent, puissent effectivement exercer leur croyance.  De toute manière, de telles pratiques ont déjà lieu et cela ne pose pas vraiment problème.  Mais cela ne devrait jamais être généralisé au-delà de ces quelques situations très particulières.

Par rapport à tout le débat, à savoir si la charte québécoise des droits et libertés devrait ou non inclure un amendement qui pourrait impliquer une certaine hiérarchisation de nos valeurs, notre position est la suivante : à notre sens, certaines valeurs sont plus importantes que d’autres, telle l’égalité entre les femmes et les hommes.  Si cette valeur était à égalité avec le droit à l’accommodement, cela pourrait faire que la femme aurait moins de droit en tant que femme mais davantage en tant que croyante d’une religion.  C’est insensé !  Les êtres humains sont d’abord du genre humain, ensuite de l’un des deux sexes, ensuite citoyen d’un État et peut-être croyant d’une religion, non l’inverse.

Nous sommes conséquemment tout à fait d’accord avec le changement qui vient juste d'être apporté à la Charte des droits et des libertés, il y a à peine quelques jours , et qui assure justement cette prédominance du droit à l’égalité entre les femmes et les hommes.  Cette question était au coeur de bien des revendications soumises par bon nombre d'organismes, lors des audiences de la commission; elle faisait également partie des recommandations émises par la Commission.  C'est au moins cela de gagné, à ce point-ci.

Cela dit, il nous faudra encore batailler fort pour que les lois aillent éventuellement encore plus loin, notamment en ce qui à trait à la protection économique qu'un tel droit à l'égalité devrait aussi accorder.  Dans un contexte où les femmes sont encore, dans une large proportion, moins bien rémunérées que les hommes, cela s'impose.

La question des congés religieux va dans le même sens que ce qu’il a déjà été dit plus haut.  Bien que les recommandations des commissaires ne prônent aucun congé religieux, en tant que tel, ce que nous appuyons, elle donne néanmoins une certaine ouverture à ce qu’il puisse éventuellement y en avoir.  Les conditions de travail font partie de ce vivre ensemble public qui permet l’organisation de la vie en société.  Permettre de tels congés religieux équivaudrait, à notre sens, à permettre un empiètement de la sphère privée sur l’espace public, en plus d’accorder des congés à des gens ayant une religion, mais à l’interdire aux autres qui n’ont pas de religion, ou qui croient tout simplement à une autre religion.  Cela reviendrait à favoriser la croyance personnelle, non le travailleur pour ses efforts au boulot.  Là encore, il serait donc utile que l’État québécois soit ultimement beaucoup plus explicite sur le sujet.
 

c) Concernant les recommandations en matière d’intégration des immigrants :

Les commissaires reconnaissent, comme bien d’autres gens au Québec, le sous financement dans les mesures visant l’apprentissage du français chez les immigrants, sans parler de la nécessité de leur allouer plus de temps ainsi que la formation nécessaire pour qu’ils s’intègrent plus efficacement.  Nous avons souvent souligné l’importance accordée par les gouvernements à toute la question du Déficit Zéro, ainsi que leur refus d’aller chercher l’argent où il est.  Comme c’est déjà le cas dans une foule de domaines, une telle obsession ne peut faire autrement que d’avoir également un impact direct et très négatif sur l’intégration des immigrants.

À l'occasion du dernier budget, le gouvernement Charest aurait pu conserver ces surplus pour aider à financer ces programmes sociaux.  Il ne l'a pas fait; il a plutôt décidé d'aller vers des baisses d'impôts qui profiteront d'abord aux plus riches.

Lorsque que le fédéral décida pour sa part de diminuer la TPS, le gouvernement de Jean Charest aurait également pu réagir, selon un de nos camarades au Comité Central,  en se réappropriant pour lui-même ces mêmes points d'impôts.

Même s'il n'est jamais gagnant politiquement de vouloir hausser les taxes à la consommation, et même si le PCQ, de même que la majeure partie des forces de gauche, sont en général contre l'idée d'avoir au départ des taxes à la consommation (parce qu'il s'agit en fait de taxes régressives), il reste que le gouvernement de Jean Charest aurait tout de même pu rehausser, aux dires de ce camarade, d'autant la TVQ, tout en expliquant à la population à quoi cela allait servir : mieux financer le secteur public de la santé, créer une politique menant à la gratuité scolaire, améliorer les programmes d'apprentissage du français chez les nouveaux arrivants, etc.

Dans la mesure où un gouvernement peut expliquer pourquoi il agit dans un sens ou dans un autre, alors la population peut ensuite êtres en mesure de comprendre et peut donc aussi cesser d’agir de manière émotive.  Ça les gens le savent et le comprennent …

Lors de notre discussion au Comité, cette suggestion, bien qu'intéressante, ne faisait pas forcément consensus.  Tous les camarades s'entendaient par contre pour dire que le gouvernement Charest aurait pu taxer davantage les riches et les grosses entreprises.  Il est depuis déjà longtemps établi -- et la Chaire d'Études socio-économiques de l'UQAM vient d'ailleurs de sortir de nouveaux chiffres à cet effet  -- que le milieu des affaires pourrait payer beaucoup plus d'impôts, mais ces compagnies ne le font pas.  Pire, elles multiplient les actes d'évasion fiscales, contribuant d'autant à aggraver le manque à gagner, au niveau des finances publiques.

Pour aller plus loin dans le cas de l’intégration des immigrants, il est important que les gens venant vivre au Québec puissent pouvoir s’établir sur tout le territoire national.  Un tel effort pour régionaliser le processus d’intégration des immigrants devrait en même temps aider les régions à se reconsolider au niveau de leur population déclinante, là où cela est effectivement le cas.  Il est important d’éviter la concentration démographique, ou autrement nommée la ghettoïsation.  Cela devrait en même temps encourager, par ricochet, un meilleur partage des valeurs d’accueil ainsi qu’une francisation plus facile.

Le budget du ministère de l’immigration devrait être à la hauteur du nombre d’immigrants qui a plutôt tendance à augmenter actuellement.  Ce devrait même être l’un des ministères prioritaires de tout gouvernement à partir de maintenant.  En fait, cela aurait dû déjà l’être depuis des années.

En parallèle, il faudrait aussi développer de nouvelles approches visant à améliorer l’intégration des groupes et communautés, déjà installés depuis longtemps au Québec, mais qui ont toujours tendance à demeurer en ghettos.  Il faut se rappeler que toute la supposée « crise » au niveau des accommodements raisonnables, telle qu’amorcée à la fin de 2006 et au début de 2007, commença d’abord et avant tout à cause d’événements impliquant, non pas avec de nouveaux immigrants, récemment arrivés au Québec, mais bien des groupes installés depuis longtemps ici, tels les Juifs hassidiques.
 

d) À propos de la notion d’interculturalisme :

Bien que le processus d’intégration, qui est mentionné dans les sections 2 et 3 soit intéressant, et qu’il faille aussi saluer le rejet du concept de multiculturalisme par les auteurs du rapport, l’utilisation de l’interculturalisme, comme nouveau mot fourre-tout conserve en même temps une bonne dose d’incertitude et de questionnements quant à ce qu’il pourrait vouloir dire.  Ce terme mériterait très certainement d’être mieux définie à l’usage.

On ne peut qu’espérer que le projet de loi, ou l’énoncé de principe que l’Assemblée nationale pourrait adopter, à propos de cette fameuse idée d’interculturalisme, choses que les auteurs du rapport suggèrent, servira à l’avenir, à mieux définir les contours de ce concept.

Les commissaires contribuent eux-mêmes, dans leur rapport, à maintenir une bonne dose d’incertitude quant à l’éventuelle signification que pourrait avoir un tel terme.  On peut, entre autres choses, lire dans ce rapport que l’interculturalisme serait « la version québécoise de la philosophie pluraliste, tout comme le multiculturalisme en est la version canadienne ».  Si tel devait être le cas, et qu’il ne s’agirait enfin de compte que de simplement adapter certains concepts à la réalité du Québec, alors on pourrait se demander en quoi cet interculturalisme nous permettra vraiment d’éviter les travers du multiculturalisme.  Chose certaine, cela n'aurait alors rien de vraiment positif.

De toute évidence, on sent bien ici que les commissaires voulaient éviter de trop se mouiller, d’autant que toute la question du multiculturalisme est déjà consacrée dans la Constitution canadienne et que le simple fait de soulever cette question pourrait, de fait, et par la bande, contribuer à aussi relancer tout le débat à propos de la place du Québec dans le Canada.  Rappelons que le Québec n’a toujours pas signé, ni endossé cette fameuse constitution.

Il ne devrait pas juste être question de favoriser les échanges interculturels, comme le font pour l’essentiel les commissaires, mais aussi de reconnaître, de manière claire et explicite, la présence sur le territoire québécois de la nation québécoise, avec tout ce que cela implique en tant qu’histoire commune, de langue et de culture commune.  La même chose devrait aussi être faite pour ce qui concerne les peuples autochtones.

Proposer une solution dans le dossier des différentes questions nationales au Québec ne faisait pas partie, en tant que tel, du mandat de la Commission, soulignait, il n’y a pas si longtemps encore, les porte-parole de Québec solidaire.  Et nous sommes d’accord avec cela.  De toute manière, cela n’aurait pas été dans l’intérêt de personne de suggérer que cela s’ajoute à leur mandat.  Par contre, les commissaires auraient quand même pu tenir un peu plus compte de toutes ces questions, ne serait-ce que pour souligner l’existence de ces fameuses questions nationales.  Ils auraient tout aussi bien dû rejeté aussi leur fameuse formule de « Québécois d’origine canadienne française ».

Bon nombre de Québécois se sont sentis, avec raison, insultés par une telle formule.  Sans doute les commissaires pensaient-ils avec cette formule dépasser les problèmes reliés à l’utilisation de cette autre formule, également controversée, à propos des « Québécois de souche ».  Dans les faits, les commissaires n’auront réussi, en agissant de la sorte, qu’à se mettre encore plus les deux pieds dans les plats.
 

e) Par rapport à toute la question de la défense et la promotion du français :

La commission Bouchard-Taylor suggère, à propos de la question de la défense du français, que le seuil d’applicabilité de la Loi 101 soit révisé pour désormais inclure les entreprises de 20 employés ou plus.  Comme tous ceux et celles qui estiment déjà que la Loi 101 devrait, de fait, être renforcée, nous sommes bien sûr d’accord avec une telle recommandation.  Qu’une telle mesure soit éventuellement prise, aiderait très certainement à la défense et à la promotion du français, ainsi qu’à la préservation de l’identité québécoise en Amérique du Nord.

À propos d’une telle recommandation, on peut d’ailleurs s’attendre à ce que les lobbys anti-loi 101 finissent, une fois encore, par s’objecter à celle-ci.

Une fois cela dit, on pourrait en même temps se poser la question suivante : les 19 autres employés restants, ceux et celles qui oeuvrent dans de plus petites entreprises de moins de 20 employés, ne devraient-ils pas, eux aussi, avoir un jour le droit de parler le français et/ou avoir également le droit aux mêmes services de l’État, de manière à mieux maîtriser cette langue ?  Le français, ce devrait être la langue de travail POUR TOUS et TOUTES, et non pas juste en milieu de travail, dans les entreprises ayant 20 ou plus employés.  C’est d’autant plus vrai qu’une langue de travail commune est très certainement un très puissant stimulant pour faciliter une intégration plus harmonieuse.

Pour nous, la question du français comme langue commune dans les lieux de travail relève de la même logique que pour l’équité salariale : cela doit éventuellement s’appliquer à toutes les entreprises.  Sans restriction.  Autrement, cela voudrait dire qu’il y aurait, une fois encore, différentes classes de citoyens et de citoyennes, lesquels n’auraient pas forcément les mêmes droits.  N’ayons donc pas peur d’avoir non seulement des revendications pour le court terme mais aussi une vision de l’avenir, par rapport à toute cette question … et n’ayons pas peur non plus d’en parler dès maintenant !

Il demeure en même temps évident qu’un Québec complètement indépendant aurait du même coup tous les outils pour véritablement défendre sa langue commune.
 

f) À propos du dossier des inégalités et de la discrimination :

Québec solidaire avait raison de demander la judiciarisation des droits 39 à 48, tels que contenus dans la Charte Québécoise des droits et libertés de la personne, un sujet également repris par les commissaires.  C’est une excellente mesure qui devrait nous aider à vaincre les inégalités économiques. Cela devrait en même forcer les employeurs et les entreprises à prendre plus de mesures correctrices.  Cependant, et là encore, les commissaires auraient pu aller plus loin, notamment en ce qui concerne la situation des femmes et des enfants.

Le système capitaliste, et la société libérale que nous connaissons, ne sont pas conçues, ni ne veulent d’ailleurs, que l’instruction soit accessible et gratuite … car cela leur permet de maintenir leur monopole par l’ignorance, ce que nous combattons sur tous les fronts (voir l’article 40 de la Charte Québécoise) .  Il nous semble tout aussi important de dire que nous devrions tous remettre en cause la quasi obsession, qui existe dans notre société à propos des droits individuels, tandis que les droits collectifs, ceux-là (notamment pour ce qui est de l’environnement, de l’éducation ainsi que de notre santé collective, la défense de la biodiversité, la démocratie directe et participative, etc.), sont continuellement relégués à l'arrière plan.

Une dernière constatation s'impose dans ce domaine.  Sans une remise en cause du capitalisme –- un système économique basé dans ses fondements sur l’exploitation de l’humain par l’humain -- il est fort à parier que le meilleur gouvernement qui soit, même avec les plus belles intentions, aura forcément de la misère à véritablement lutter contre les inégalités et la discrimination.  Considérant l'état actuel du rapport de forces entre la gauche et la droite, de même que le développement encore très faible des forces qui remettent carrément en cause les fondements du capitalisme, cela veut aussi dire que les vrais changements ne sont probablement pas encore pour demain.

 

g) À propos de tout le dossier de la laïcité ainsi que de la nécessité de renforcer le caractère laïc de l’État québécois :

Les recommandations, au niveau de ce dossier plus particulier de la laïcité, sont en général assez bonnes.

Alors que les commissaires insistent de manière assez claire sur l’importance de renforcer le caractère laïc des grandes institutions de l’État québécois, il pourrait sembler contradictoire que ceux-ci aillent en même temps jusqu’à recommander – comme ils le font -- qu’on permette à certaines catégories d’employés de l’État qu’ils et elles puissent porter, sur eux, certains signes religieux.  Comme nous le mentionnions plus tôt, toute cette question ne fait pas forcément l’unanimité, au sein du PCQ (comme du reste dans le reste de la société aussi).  De fait, cela représente une certaine contradiction.  La majorité de nos camarades pensent néanmoins que cela pourrait être un compromis acceptable.

Comme le disait un de nos camarades, lors de notre rencontre du 9 juin, on devrait toujours faire la distinction entre les institutions proprement dites de l'État  et ce que les personnes (y compris ceux et celles qui peuvent œuvrer pour l’État) peuvent décider comme individus.

Les seules véritables balises devraient au fond rester très simples, selon la majorité de nos camarades.  Tout le monde, dans la société, devrait respecter les lois ainsi que les règlements, y compris lorsqu’on est à l’emploi de l’État.  Ceux et celles qui ont, dans le cadre de leurs fonctions, un uniforme à respecter, devraient également le faire.  Sans dérogation possible.  La même chose vaut quand il y a des questions de sécurité en jeu.  Pour le reste, la majorité de nos camarades pensent que cela relèveraient d’abord et avant d’un choix individuel. L’État pourrait certes chercher à faire campagne sur le fait qu’il serait préférable, spécialement pour les employés de l’État qui ont une position d’autorité, qu’ils gardent pour eux-mêmes, à la maison, leurs signes religieux, si bien sûr, ils en ont.  Mais l’État ne devrait pas pour autant, pensent ces mêmes camarades, chercher à jouer à la police sur cette même question.

Bien sûr, le voile devant le visage (et qui le cache quasi complètement) ne devrait pas être toléré dans nos lieux publics.

Pour la plupart des camarades, il apparaît en même temps important de souligner combien il serait tout aussi important que l’État donne lui-même l’exemple, au niveau de la gestion de ses propres lieux publics, avant de commencer à dire aux simples citoyens, ainsi qu’à ses propres employéEs, ce qu’ils devraient ou non faire.  Or, et à ce propos, c’est plutôt mal amorcé (surtout quand on songe à la manière dont les partis politiques à l’Assemblée nationale ont finalement traité toute la question du crucifix, toujours présent, dans la salle où ils siègent) … Un débat rapidement fait, basé sur une émotivité non conjurée, est toujours une mauvaise chose pour la population.  Voilà encore des vieux partis, déconnectés de la réalité, incapables de dialogues, mais très bons pour l’opportunisme politique.

L’écriture éventuelle d’un livre blanc sur la laïcité, telle que proposé par les commissaires, nous semble d’autre part être une mesure qui pourrait être très utile.  Cela pourrait ainsi servir à cerner encore mieux nos objectifs communs, en tant que société, sur ce dossier.

Quoiqu’on fasse pour faire avancer encore plus le processus de laïcisation de nos institutions publiques, il nous faudra forcément, et à un moment ou un autre, faire face à une autre dure réalité : à savoir le fait que la Constitution canadienne, là encore, se dresse devant nous, comme un obstacle nous empêchant de nous prendre véritablement en mains.

Prenez en effet la Constitution canadienne et vous verrez que, non seulement continue-t-elle à affirmer notre assujettissement à la couronne britannique – ce qui en soit est un problème et un archaïsme – mais elle stipule également, de manière explicite, la « suprématie de Dieu » dans nos institutions publiques, ainsi que dans notre société en général.  Dans les faits, cela va complètement à l’encontre de ce que la majeure partie des Québécois et des Québécoises a comme vision de ce vers quoi l’État québécois devrait se diriger.  Tout cela nous ramène finalement, et y compris quand on parle de laïcité, à la nécessité d’en finir un jour ou l’autre avec la domination du Canada sur le Québec.  La suprématie de Dieu –déjà que nous questionnons son existence en tant que communistes– établit, par le fait même, une inégalité de principe entre croyants et incroyants dans leurs rapports avec la loi et les institutions publiques puisque le croyant peut réclamer ce que ne peut l’athée.

Tout cela nous rappelle finalement comment, dans le cadre fédéral actuel, nous, Québécois et Québécoises, pourront difficilement nous sortir du statu quo actuel, y compris au niveau d’un combat aussi élémentaire que celui visant à assurer une véritable laïcité à nos institutions publiques, à moins de devenir nous-mêmes, et ce le plus vite possible, souverain et indépendant.

« Les peuples qui ne contrôlent pas leur État ne peuvent qu’être soumis aux règles du plus fort ou, en tout cas, aux règles des autres : au lieu d’agir, ils ne peuvent que subir » nous souligne la Société St-Jean-Baptiste.  Nous ne sommes pas nécessairement d’accord avec tout ce que peut dire ce mouvement.  Loin s’en faut.  Mais sur ce point-ci, nous sommes certainement d’accord avec eux.

Finalement, et toujours en ce qui a trait à ce dossier de laïcité, une majorité de camarades pensent que le nouveau cours d’éthique et de culture religieuse – soit ce fameux cours qui doit entrer en fonction à l’automne prochain et qui est supposé remplacer nos anciens cours de religion de même que les anciens cours de morale -,  constituera un pas important en avant dans la mesure où il devrait encourager, dès le primaire, le développement de l’esprit critique chez nos jeunes, de même qu’une plus grande ouverture sur les différentes réalités de notre société.

Par contre, il y en a en même temps plusieurs autres qui pensent plutôt le contraire et qui disent que ce cours irait, en fait, dans le sens du  multiculturalisme où tous les discours (religieux) seront présentés sur un même pied d’égalité.  Selon eux, il reviendra finalement au professeur à faire part de sa propre conscience critique aux élèves, s’il la leur témoigne, ce qui n’est pas en soi garanti.  Comme on le voit, le débat quant à la meilleure voie à suivre pour faire avancer le dossier de la laïcité dans notre société n'est pas terminé au sein du PCQ, reflétant de ce point de vue également, ce qui se passe aussi, au niveau de toute la population du Québec.



Autres hyperliens à consulter :