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Par André Parizeau (*)


La récente décision du CRTC de donner son feu vert au démantèlement du service des nouvelles, chez TQS, dans le cadre de la reprise de cette chaîne de TV par les frères Rémillard, a semé un très large mécontentement.  Mais la nouvelle met aussi en relief le manque flagrant de contrôle existant sur ce secteur pourtant névralgique que ce sont les médias et les télécommunications en général.  Une situation déplorable au plus au point et qui, conséquemment, devrait aussi être au centre des priorités d'un éventuel gouvernement souverainiste et de gauche.

Cette situation est à nouveau sur la sellette, depuis le déclenchement d'un autre conflit de travail au sein de l'empire Quebecor, cette fois au Journal de Montréal.  À cause de l'attitude particulièrement rétrograde des cadres dirigeants de l'empire Quebecor, à la tête duquel on retrouve bien sûr Pierre Karl Péladeau, et qui de multiples manières, y compris dans la façon dont il traite ses employés, nous rappellent tous les problèmes se rattachant au fait que cette industrie est sans conteste une des plus monopolisée que cela puisse être, il me semble que cela pousse plus que jamais vers une intervention beaucoup plus énergique de l'État québécois dans ce secteur névralgique des mass médias.

Advenant l'accession d'un gouvernement souverainiste et de gauche, à Québec, on devrait nécessairement prendre des mesures énergiques pour contrer très rapidement une telle situation. Il est tout simplement inconcevable que des entreprises privées puissent tout simplement "hijacker" et mettre ainsi la hache dans un service aussi important qu'un service de nouvelles, sans qu'ils n'aient vraiment à se préoccuper qu'on vienne à un moment donné leur dire : cela suffit !  Ils ne peuvent non plus agir comme s'ils pouvaient faire ce qu'ils veulent avec la manière dont ils gèrent ces mass médias.  Cela revient dans les faits à bafouer un droit pourtant essentiel à l'exercice de toute démocratie qui se respecte, soit le droit à l'information.

C'est d'autant plus grave que ce n'est pas la première fois que cela se produit.  C'est également d'autant plus inquiétant que le secteur des mass médias et des télécommunications, incluant la production et la distribution de nouvelles, est déjà très largement monopolisé et sous contrôle, dans une très large mesure, du secteur privé (entendre par là de très grands holdings et multinationales).  Quand on sait d'autre part, le genre de ligne éditoriale que possède en général ce genre de compagnies, alors tout cela devrait vraiment avoir de quoi nous préoccuper.

Entre temps, la plupart des organismes à but non lucratif, oeuvrant dans ce même secteur, arrivent de moins en moins à survivre.

On n'hésite pas à dire, dans certains milieux, qu'il n'y avait probablement pas d'autre choix possibles, dans le cas de TQS.  Compte tenu justement des impératifs de rentabilité, absolument nécessaires quand il s'agit d'une entreprise privée.  Chose certaine, si tel est le cas, alors peut-être devrait-on penser à changer complètement les règles du jeu dans ce secteur parce que cela n'a juste pas d'allure.

Une des toutes premières mesures à prendre, dans un tel contexte, devrait être, à mon sens, de mettre en place les fondations d'une nouvelle société d'État, chargée de faire le contre poids au secteur privé dans le domaine des mass médias et des télécommunications.  Je sais.  Il y en a qui vont dire : pas encore une autre société d'État !  Sauf que cela s'impose une fois encore et qu'on n'a pas vraiment le choix.

Une telle entreprise pourrait bien sûr compter sur la présence de Télé Québec -- un télévision d'État déjà existante et qui pourrait assez rapidement être intégrée à cette nouvelle société; mais il faudrait en même temps prévoir aller beaucoup plus loin.  Cela aurait en même temps, et du même coup, l'avantage de régler une fois pour toute l'incertitude qui règne toujours vis à vis de l'avenir de cette chaîne qu'est Télé Québec.  À mon sens, le mandat d'une telle société devrait, dès le départ, inclure non seulement la production télévisuelle -- ce qui inclurait évidemment la production, à large échelle et en continue, de services adéquats et de qualité de nouvelles -- mais aussi toucher et inclure également le secteur de la distribution (exemple : via le satellite), celui de la radio-diffusion, le secteur de l'Internet, ainsi que l'appui au développement et la mise en place de médias plus locaux ou régionaux, notamment grâce à la formule des journaux régionaux, lesquels pourraient cependant être plus directement pris en charge par les populations locales (via des coopératives ou autrement).  Ce serait donc un mandat assez large.  Dans le fonds, il ne faudrait pas avoir peur de "fronter" le secteur privé sur son propre champ de bataille, ainsi que sur l'ensemble des terrains qu'il occupe déjà.

L'autre volet, qui ne devrait pas non plus être sous-estimé, dans le cadre d'une politique visant à corriger une telle situation, dans le secteur des télécommunications et des mass médias, serait de favoriser le plus possible le développement justement de médias plus alternatifs et, ce faisant, développer en même temps diverses autres formes de propriété démocratiques et collectives, lesquelles n'auraient pas forcément besoin -- quand cela est possible -- d'être directement sous contrôle de l'État.

Autant il est évident que certains aspects des télécommunications devront forcément relever de l'État -- à cause notamment de l'importance des sommes qui pourraient être requis pour ce faire --, autant, on devrait également favoriser toutes sortes d'autres formes de contrôle plus populaire.

La mise en place d'une telle société d'État, de concert avec le développement de ces fameux médias alternatifs, lesquels pourraient également fonctionner avec des formes plus innovatrices de propriété, deviendraient alors, avec le temps, un élément central pour s'assurer d'une véritable participation de la population à la prise en main de son propre avenir.  Cela pourrait (et devrait) en même temps favoriser la décentralisation du pouvoir populaire.  Pour nous, communistes, la question du contrôle populaire, est véritablement au coeur de notre objectif d'établir à terme une nouvelle société socialiste.  Sans contrôle populaire, on ne peut vraiment parler de socialisme.

Il ne s'agirait pas, à mon point de vue, de simplement chercher à vouloir reproduire ici une sorte de nouveau Radio-Canada, à la sauce québécoise.  Ou encore de chercher à créer une sorte de 2e Hydro Québec.  Il faudrait s'assurer que cette nouvelle institution soit beaucoup plus démocratique -- cent fois plus ne serait pas exagéré -- et, aussi, beaucoup plus ouverte vers une réelle implication de la population, surtout dans la prise de décisions de ces grandes orientations.

Par ricochet, et toujours avec le temps, cela réduirait d'autant l'influence que la bourgeoisie pourrait avoir sur la suite des choses.  Les médias, sous contrôle privé, auraient encore la possibilité de fonctionner; mais, et la différence est de taille, ils n'auraient plus le monopole qu'ils ont actuellement, notamment grâce à cette nouvelle société d'État qu'on créerait, et la population aurait conséquemment, pas mal plus de moyens pour faire valoir de son côté, et au besoin, ses propres critiques ainsi que ses propres priorités, en matière de télécommunications et de mass médias.

Tous les employés de cette nouvelle société d'État seraient bien sûr syndiqués et la direction de celle-ci aurait également des comptes à rendre, sur une base régulière, devant les élus de l'Assemblée nationale.

Bien sûr, et parce qu'il n'est jamais souhaitable de mettre tous ses oeufs dans le même panier, il nous faudrait encore une sorte de CRTC québécois; de manière à s'assurer qu'il puisse effectivement jouer son rôle, un tel organisme serait forcément indépendant, aussi bien du secteur privé, que des instances gouvernementales, ainsi que de la nouvelle société d'État qui serait constituée ; comme c'est déjà le cas actuellement, au niveau du CRTC canadien, ce nouveau CRTC québécois aurait également le pouvoir d'émettre ou d'enlever le droit d'opérer à une entreprise voulant oeuvrer dans le secteur des télécommunications et des mass médias.

Parce que ce secteur de l'économie ne serait plus soumis, comme c'est présentement le cas, au diktat quasi total du secteur privé, et que cette nouvelle société d'État aurait aussi sa place (sans parler des autres formes de médias alternatifs qui, il faut aussi l'espérer, auraient également plus de moyens pour percer), les commissaires siégeant sur ce nouveau CRTC québécois n'auraient plus autant à se préoccuper des fameux critères de "profitabilité", si chers au secteur privé.

Aussi bien cette fameuse société d'État que ce CRTC, sous contrôle québécois, pourraient en fait être créées bien avant que l'indépendance du Québec soit, en tant que telle, complètement finalisée.

En fait, et à mesure que les négociations pour le partage des actifs (ainsi que du passif), entre le Québec et le reste du Canada, avancerait dans le cadre d'un processus d'accession du Québec vers l'indépendance, la récupération des ressources, utilisées sur le territoire du Québec pour des fins de télécommunications, mais toujours sous contrôle de la Société Radio-Canada, serait d'autant plus facilitée que nous aurions déjà cette société d'État, oeuvrant clairement sous contrôle du gouvernement du Québec.

 

(*)  Lors du XVIe congrès du PCQ, qui se tenait du 17 au 19 octobre, un nouveau chef du parti fut élu en remplacement d'André Parizeau, lequel avait déjà annoncé plusieurs mois avant qu'il ne demanderait pas un renouvellement de son mandat lors de ce congrès, préférant laisser la place à la relève.  André Parizeau demeure cependant porte-parole principal du Parti.  Le nouveau chef est maintenant Francis Gagnon Bergmann.



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