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Par André
Parizeau (*), Samuel J. Walsh, qui dirigea de 1962 à 1990, les destinées du PCQ, s'est finalement éteint à l'âge de 91 ans, le 18 mars 2008.
Bien qu'il soit beaucoup moins connu que plusieurs autres personnes qui ont façonné l'histoire du Parti communiste au Québec, tels les Norman Bethune, Fred Rose, Henri Gagnon, Léa Roback, etc, nous n'en devons pas moins beaucoup à Samuel J. Walsh.
À plus d'un titre, c'était un pionner. C'est à lui qu'on doit le fait que le PCQ obtienne, dès 1964, sa pleine autonomie (par rapport au Parti communiste du Canada) pour tout ce qui touche la politique sur la scène québécoise.
Dans un contexte où le Parti communiste du Canada (PCC), auquel le PCQ était alors associé, et qui a toujours été marqué par une très nette tendance à la centralisation, au niveau de sa vie interne (même si le PCC fut en même temps le premier parti pancanadien à reconnaître le droit à l'autodétermination pour la nation québécoise), c'était en soi un exploit. Cela l'était d'autant plus que toute la sensibilité à la question québécoise n'était encore que très faiblement développé dans le reste du Canada anglais à cette époque. Rappelons que cela se passait alors, il y a plus de 40 ans.
Notons en passant que le PCQ n'est plus d'aucune manière lié au PCC, à la suite d'une série de conflits qui se conclurent finalement, au milieu des années 2000, par une crise majeure. Durant cette crise, cette fameuse autonomie pour laquelle Samuel J. Walsh s'était si fortement battu, fut complètement bafouée par la direction du PCC.
Samuel J. Walsh joua également un rôle de tout premier plan dans le fait que le PCQ donna finalement son appui à la campagne du OUI, lors du tout premier référendum sur la souveraineté du Québec, en 1980. Cela ne fut pas chose aisée, selon les témoignages de ceux et de celles qui vécurent alors les débats qui précédèrent cette prise de position. Ce fut en même temps le premier test d'importance pour faire respecter les principes d'autonomie que le PCQ venait justement d'obtenir pour lui-même.
Au Canada anglais, le PCC était plutôt contre l'idée d'appuyer le OUI. L'argument utilisé pour s'opposer au OUI (et qui fut ensuite souvent utilisé dans les années d'après) consistait alors à dire que le projet de souveraineté du Québec nuirait à l'unité des travailleurs et des travailleuses à travers le Canada et que cela, en bout de ligne, nuirait donc aussi à la lutte pour le socialisme, aussi bien au Québec qu'ailleurs au pays.
Le fait que le premier ministre canadien de l'époque, Pierre Elliot Trudeau, était vu par le grand frère soviétique comme un leader plus ouvert aux grands principes de la détente internationale (et donc, du même coup, était aussi moins enclin à tomber dans la surenchère de la Guerre froide) n'avait rien non plus pour aider les choses.
Samuel J. Walsh était pour sa part catégoriquement contre l'idée d'appuyer le NON et considéraient en même temps que le mot d'ordre d'annulation (lequel fut repris par la plupart des organisations maoïstes de l'époque) ne tenait pas non plus la route.
Samuel J. Walsh, et le PCQ sous sa gouverne, furent également au coeur d'un très important débat, vers la fin des années 60 et le début des années 70. Ce débat porta sur la nécessité ou non de réunir toutes les forces politiques de gauche au Québec, de manière à créer un nouveau parti de masse. L'idée s'appuyait alors sur un double constat.
D'une part, l'éclatement et le sectarisme des différentes forces de gauche , une situation qui caractérisait une bonne partie de toutes ces forces de l'époque, ne menait nulle part. D'autre part, et des suites de tout le bouillonnement qui existait alors au sein des syndicats, il y avait en même temps une très nette ouverture, au sein des ces organisations, pour que celles-ci fassent elles aussi le saut dans l'arène politique. À la CSN, on parlait en effet de la nécessité d'ouvrir un 2e front, tandis qu'à la FTQ, on parlait également, et de manière ouverte, de l'opportunité de créer un parti des travailleurs, versus la possibilité également de plutôt se concentrer vers un appui au PQ.
Une fois encore, Samuel J. Walsh faisait oeuvre de précurseur. L'idée du PCQ, et de Samuel Walsh, en faveur d'un "parti fédéré de masse des travailleurs", ne put jamais se réaliser. Sans doute, toutes les conditions pour faire une telle unité n'étaient-elles pas encore toutes réunies. Bien des gens, surtout dans les syndicats, décidèrent ultimement de joindre plutôt les rangs du PQ. Il faut dire que le PQ avait alors le vent dans les voiles et n'avait pas encore fait ses preuves, au début des années 70. À l'extrême gauche, la plupart des militants et des militantes eurent plutôt tendance à bouder le projet, allant même jusqu'à le traiter d'opportuniste et de solution de cul de sac ...
Une autre partie importante des raisons qui firent que le projet ne put déboucher, résidait dans le fait que le PCQ insistait alors pour faire de l'appui officiel des syndicats une condition essentielle à sa réalisation, alors que les syndicats n'étaient alors pas vraiment prêts -- et ne le sont toujours pas d'ailleurs -- à s'associer formellement et organiquement à un parti politique. Cela mettait la barrière trop haute.
Quarante ans plus tard, et alors que le processus d'unité de la gauche va maintenant très bien, surtout avec la présence de Québec solidaire, on ne peut faire autrement que de rendre hommage à tous ceux et celles, tel Samuel J. Walsh, qui se sont battus, souvent contre vents et marées, et dans des conditions pas toujours faciles, mais toujours au meilleur de leurs propres possibilités, pour qu'un tel projet puisse éventuellement voir le jour.
Samuel J. Walsh était né de parents juifs en 1916, à Montréal. Depuis des années, il n'était plus actif politiquement, à cause d'importants problèmes de santé. Ceux qui participèrent au XIIIe congrès du PCQ, en 1999, lequel marqua en quelque sorte une renaissance pour nous, se souviendront de sa présence; bien qu'il avait déjà une santé chancelante, il avait alors accepté, avec coeur, notre invitation de participer à un court hommage en son honneur.
Son parcours est et restera à l'image de celui
de milliers d'autres militants et de militantes dont la vie, ainsi que leur
propre volonté à s'impliquer et à se battre pour faire changer les choses,
demeure intimement lié à notre propre histoire. |