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Par André Parizeau (*)
 

Un récent communiqué émis par le PCQ, au lendemain des événements de Montréal Nord, et qui soulignait la nécessité de pousser plus loin la réflexion sur nos corps de police, ainsi que sur l'importance qu'il y aurait à lutter pour démocratiser en profondeur les services de police, a suscité un certain nombre de réactions.  Ce fut, notamment le cas sur le site Internet du Centre alternatifs des médias du Québec (CMAQ), où il avait été reproduit  et mis en évidence sur la page d'accueil.  Au delà des attaques gratuites ultra sectaires et ultra gauchistes de certains, qui sont plutôt puériles, certaines des réactions soulèvent une question très pertinente et à laquelle nous  voudrions répondre aujourd'hui : la police  est-elle réformable ?

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D'entrée de jeu, tout le monde conviendra que les services de police au Québec sont à mille lieux d'un fonctionnement démocratique, ayant même l'apparence d'un certain niveau de transparence et de redevabilité.

Même l'Ontario est mieux à ce niveau-là puisque les enquêtes, effectuées au lendemain d'incidents malheureux ayant causés la mort de personnes, sont au moins faites par un organisme nommé et relevant du gouvernement ontarien et qui est complètement indépendant et autonome par rapport aux différents corps de police.  Cela ne veut pas dire pour autant qu'il y ait vraiment, et dans les faits, bien plus de transparence quand de tels événements se produisent, mais il y a au moins apparence d'un minimum de transparence.  Comme nous le soulignions déjà dans notre communiqué, la multiplication des structures n'est pas forcément signe qu'il y aura plus d'accès à l'information et cela ne veut surtout pas dire qu'on aura plus notre mot à dire, comme citoyens, quand il y a bavures de la part des services policiers. Mais le fait que l'Ontario ait depuis déjà plusieurs années mis en place un tel organisme est au moins un bon pas dans la bonne direction.

Les simples citoyens ne devraient jamais non plus avoir à remuer ciel et monde pour simplement pouvoir revendiquer la mise en place d'une commission d'enquête publique quand cela s'impose, comme c'est présentement le cas.  Tout cela nous rappelle une fois de plus à quel point des changements s'imposent.

Certains ont commencé à demander la démission du maire d'arrondissement à Montréal Nord.  On devrait tout autant exiger des comptes de la part de la direction de la police de Montréal.

En même temps, il faut également se dire que ce à quoi nous faisions référence dans notre communiqué, implique d'aller beaucoup plus loin que de simplement prendre certaines mesures d'ordre circonstanciel.  Ce que nous voulions alors suggérer, et qui demeure toujours autant d'actualité, c'est une transparence la plus complète possible de la part de la police en tout temps, et pas juste quand il y a des drames, ainsi que la possibilité d'exiger des comptes, de pouvoir questionner, ainsi que de pouvoir recommander, auprès des pouvoirs publics, que des changements puissent se faire, chaque fois que cela s'imposerait.

Les services de police sont un élément central de n'importe quel appareil gouvernemental, qu'on fasse ici référence au niveau municipal ou national.  Si les dirigeants de très importantes sociétés d'États, telles que l'Hydro Québec, peuvent être forcées de témoigner en public sur ce qu'ils font ou ne font pas, pourquoi telles ou telles choses se sont produites, etc, alors, et à notre point de vue, la même chose devrait aussi pouvoir s'appliquer au niveau des services de police.  Ces sociétés et autres organismes para publiques ont des CA, sur lesquels siègent souvent des représentants de divers organismes de la société civile, tels que les syndicats, et leurs opérations sont très souvent également sujets au contrôle par d'autres organismes para publiques.  De fait on est très loin de ce qui se passe au niveau de la police.  Mais pour nous, cela ne change rien.  Tout ce que cela veut dire, c'est de démontrer la nécessité qu'il y aurait à exiger justement des changements en profondeur à ce niveau.

Une fois encore, tout le monde conviendra que pour qu'on puisse effectivement aller dans cette direction, il faudrait au départ une sorte de mini révolution au sein des corps policiers.  Et pour que cela se réalise de fait, il faudrait également, et au préalable, qu'il y ait aussi, au sein même du gouvernement, une réelle volonté politique de changer les choses et d'aller dans cette direction.  Ce qui n'est clairement pas le cas.  De toute évidence, de tels changements ne se feront pas tout seuls.

Certains diront que de tels changements ne sont pas vraiment faisables (tout au moins dans leur entièreté ) dans le cadre du système capitaliste actuel et ils auraient raison de le dire.  Car pour pouvoir mener à terme de tels changements, il faudrait non seulement une très claire volonté politique (ce qui sous-entendrait du même coup que la gauche puisse au départ prendre le pouvoir), mais aussi que la population  en général ait aussi les moyens de plus s'impliquer dans la gestion de la chose publique.  Notre propre vision d'une société plus démocratique ne repose pas seulement sur des directives ou une gestion qui viendrait d'en haut (dans une large mesure, c'est ainsi que bien des pays socialistes ont tenté de changer les choses avec les succès plutôt mitigés que l'on connaît).  Pour nous, il faudra nécessairement que cela vienne aussi, et dans une large mesure, d'en bas, des simples citoyens.

Il faudra très certainement éviter, ce faisant, les écueils des expériences passées de socialisme. D'autant que dans la plupart de ces pays, la gestion des forces policières n'étaient pas forcément plus démocratiques qu'ici.  Dans une large part, il nous faudra forcément innover en la matière.  Tout cela fait qu'une telle revendication est en soi éminemment révolutionnaire.

Tout cela impliquera forcément que les gens aient aussi plus de temps libre pour s'impliquer.  Ce n'est clairement pas le cas aujourd'hui et la soi disante société du loisir est restée pour l'essentiel un rêve toujours aussi inaccessible pour la très grande majorité de la population.  Cela prendra aussi des efforts soutenus pour changer les mentalités, puisque les gens sont depuis déjà beaucoup trop habitués à se fier à d'autres pour s'occuper de politique et ou de s'impliquer.  Ce sera, sous toute réserve un travail de longue haleine.

Comme on le voit, les obstacles à franchir seront nombreux.  Est-ce à dire qu'on devrait conséquemment arrêter d'en parler ou ne pas y faire référence, uniquement parce qu'un tel objectif risque uniquement de se réaliser sur une plus longue période ?  Pour nous, cela n'aurait juste pas d'allure.  Si on devait suivre une telle route, alors on ne devrait plus parler de socialisme, ni de communisme.

Certaines personnes, plus orientés vers les théories anarchistes, nous demanderons : mais pourquoi vouloir démocratiser la police ?  Pourquoi ne pas tout simplement revendiquer l'abolition de toutes les forces policières ?  Les anarchistes considèrent en effet qu'il ne devrait pas y avoir d'État du tout.

L'idée d'abolir toute forme d'État est louable, en soi.  Un jour, il faut l'espérer, nous y arriverons.  Mais les conditions pour se faire ne sont justes pas là et ne le serons pas pour encore un bon bout de temps.  Cela impliquera, selon nous, que nous ayons déjà aboli le capitalisme, pas juste ici, mais aussi, et au strict minimum, sur une bonne partie de la planète, et que la reprise en main de la société par les travailleurs et les travailleuses eux-mêmes, ainsi que par tous les citoyens, sera déjà dans sa phase supérieure, et que, finalement, les divisions entre classes sociales se seront également estompées pour l'essentiel.  D'ici là, cela va nécessairement nous prendre un État, certes beaucoup plus décentralisé et démocratique que ce que nous connaissons aujourd'hui, mais un État quand même.  Nous en aurons besoin pour nous aider à faire avancer les choses.  Tel est notre point de vue et ne pas penser en ces termes ne pourrait, à nos yeux, que nous envoyer vers un cul de sac.

Tout cela nous amène finalement à une autre sous question, à savoir la relation existant entre les questions de démocratie et nos objectifs à plus long terme.

Lutter pour le socialisme, et ultimement pour le communisme, tout en luttant en même temps pour la démocratie n'ont rien d'incompatible. Bien au contraire. En agissant ainsi, les communistes démontrent d'abord qu'ils et elles ont à coeur les intérêts du peuple. En luttant pour une plus grande démocratie (y compris au sein de la police), et en faisant en sorte que des gains puissent effectivement se faire à ce niveau, quand cela est possible, ils et elles contribuent en même temps à démontrer que ce n'est finalement seulement un manque de droits qui peut expliquer l'état de la situation actuelle, mais qu'ils nous faudrait aussi, de manière inévitable, en venir à changer de fonds en comble les fondements même du capitalisme. Et ils concluront alors que c'est en bout de ligne le capitalisme lui-même qui est à la source de nos problèmes. En disant pareilles choses, je n'invente rien. C'est Lénine lui-même, il y a bientôt 100 ans, qui disait cela et cela reste toujours d'actualité aujourd'hui.

Plus une société est démocratique, et que les gens ont déjà l'expérience de cette démocratie, et plus la prise en main ultérieure des affaires publiques par la population elle-même, s'en trouvera également facilitée.  Au départ les avancées seront forcément parcellaires puisque ce sont des partis de droite qui sont encore au pouvoir.  Mais ce n'est pas grave.  Ce sera au moins cela de gagné et ce ne pourra être que positif.

De toutes les époques, les communistes ont toujours été aux premières lignes du combat pour une plus grande démocratie. Y compris ici même. Les communistes ont été aux premiers de la lutte pour le droit de vote des femmes. Ils se sont battus et ont souvent versé leur propre sang pour que les ouvriers puissent s'organiser en syndicats, améliorer leur sort, obtenir le droit de grève, etc.

 

(*)  André Parizeau était jusqu'à récemment le chef du PCQ.  Lors du XVIe congrès du PCQ, qui se tenait du 17 au 19 octobre 2008, un nouveau chef du parti fut élu en remplacement de ce dernier; André Parizeau avait déjà annoncé plusieurs mois avant qu'il ne demanderait pas un renouvellement de son mandat lors de ce congrès, préférant laisser la place à la relève.  Celui-ci demeure cependant porte-parole principal du Parti.  Le nouveau chef est maintenant Francis Gagnon Bergmann.



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