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Note: Publié à l’origine sous forme de brochure en 2003, ce texte était récemment reformaté pour respecter les nouveaux standards sur notre site Internet

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Par Dominique Théberge

On pourrait croire qu'il est inutile de définir ce qu'est la démocratie. N'est-ce pas là une notion élémentaire que tout le monde connaît ? En effet, et justement elle est souvent présentée de manière si élémentaire qu'on en fait un terme vague qui veut dire n'importe quoi.

Le sens de ce mot est pourtant évident. Il est formé de deux mots grecs signifiant "le pouvoir du peuple", et c'est à prendre littéralement. Pourquoi alors en dire qu'il est vague ?

C'est que la démocratie, ou du moins son nom, a été utilisée depuis des décennies comme vulgaire outil de propagande par des gouvernements affirmant en détenir le monopole. Quelle absurdité que prétendre que l'opposition est le pire ennemi de la démocratie! Certains l'insinuent pourtant. Qui, même sachant que c'est là une grossière tactique de manipulation, n'a pas pensé en prenant ce document à la contradiction entre son titre et le parti qui le publie?

La propagande en ce sens a été abondante et souvent extravagante, mais de tous les mensonges et exagérations, on peut au moins conclure une affirmation importante, et qui déplaît peut-être à ces mêmes idéologues qui l'utilisent: la démocratie est une chose désirable. Elle ne pourrait pas être le prétexte de guerres et de sacrifices si le peuple n'en était pas conscient.

Lorsqu'une tranche de la société détient le pouvoir, elle a beau être contrainte à garder l'ensemble du peuple en vie pour subsister, elle aura toujours tendance à servir avant tout son propre intérêt et peut répandre une misère insoutenable pour mieux satisfaire ses appétits et écraser le peuple pour garder ses privilèges. Peu importe le pays et le gouvernement, n'importe qui peut dire que c'est ce qui se produira tôt ou tard si le peuple n'a pas son mot à dire sur la gestion de l'État. Si une "dictature bienveillante" n'est pas techniquement impossible, on ne peut pas s'y fier.

La démocratie sert donc de garantie comme quoi le gouvernement ne prendra pas de décisions allant à l'encontre de l'intérêt du peuple. Voilà pour la théorie, mais il y a un mais.

Prenez quelques secondes pour dresser une liste des décisions de n'importe quel niveau de gouvernement qui ne servaient pas le bien de la population. En un instant, combien en avez-vous trouvé ? Et on sait qu'il y en a plus… Comparez le salaire des ministres avec le salaire minimum qu'ils ont jugé décent…

Voilà où réside le problème: le niveau de démocratie de notre pays, qui ne fait pas vraiment exception par rapport au reste du monde, est nettement insuffisant. Il n'empêche pas les membres et proches du gouvernement de se garnir les poches sur le dos des petites gens. Nous ne saurions nous en contenter!

Autre accroc, certains ne croient pas qu'il est nécessaire que tous les éléments du peuple détiennent le pouvoir. En Grèce antique, à qui nous devons le nom de ce concept, seuls les citoyens libres, un dixième environs de la population, participaient au pouvoir. En étaient exclus les femmes, les immigrants et… les esclaves. Est-ce un système dont nous voudrions? Une démocratie sans l'égalité des droits ne signifie rien, en définitive.

La démocratie et le communisme

On en a fait une brève mention plus tôt, et on élabore la question un peu plus en profondeur ici. Quelle est la relation entre le communisme et la démocratie?

On a souvent mis ces deux systèmes en opposition, comme si l'un était le contraire de l'autre, et l'expérience de certaines dictatures soi-disant socialistes n'a rien fait pour corriger ce mythe! Pourtant la possibilité que l'un existe sans l'autre, à long terme, est ce qu'il y a de moins certain.

Un gouvernement pourrait avoir une parfaite démocratie parlementaire, s'il permet à une minorité de privilégiés d'accumuler toute la richesse, donc tout le pouvoir économique, celle-ci devient bien plus puissante que le gouvernement qui peut être aussi démocratique qu'il veut sans faire le poids devant les vrais maîtres non-élus de la société. La démocratie sans le socialisme n'est pas vraiment démocratique.

De même, un gouvernement communiste se doit d'assurer l'égalité des droits de ses citoyens, s'il se réserve tous les droits politiques, il devient lui-même l'élite qu'il aurait dû combattre. L'objectif du socialisme étant justement d'abolir le système de classes sociales, un pouvoir politique qui renforce une classe dirigeante composée de ses membres trahit cet idéal. Le socialisme sans la démocratie n'est pas vraiment socialiste.

Un communiste qui se respecte ne cherchera pas à diviser la société entre dirigeants et dirigés. Au contraire, éliminer les relations de pouvoir entre fractions de la société (classes sociales) n'est-il pas un des plus grands gages de liberté possible?

Il est évident qu'un climat de guerre n'est jamais favorable à la démocratie, et cela s'applique aussi à une révolution. Pour établir une véritable démocratie lorsqu'une frange étroite de la société détient tout le pouvoir, il faut le lui arracher car elle ne l'abandonnera pas de bon cœur. Lorsqu'un parti communiste, socialiste ou autrement plus à gauche que les anciens dirigeants prend le pouvoir, même pacifiquement, il faut s'attendre à une résistance de ceux qui sont puissants et qui veulent le rester, et il peut être nécessaire dans ces circonstances de recourir à l'autorité. Mais lorsque les intérêts d'une minorité sont confrontés à ceux de la majorité, même les plus libertaires vous diront que la majorité doit l'emporter!

Ce qui importe est de ne jamais perdre de vue le seul objectif légitime du socialisme, construire une société juste et libre où chacun a sa place, et qui peut mieux dire que le peuple ce qu'il faut au peuple? Si le communisme et la démocratie ne sont pas tout à fait la même chose, ce sont tout au moins les deux faces de la même médaille.

La démocratie représentative

Il existe plus d'un système démocratique, mais beaucoup voient la démocratie représentative comme la seule option possible.

Il s'agit d'une démocratie indirecte où les citoyens ne vont pas débattre des enjeux et y prendre leurs décisions mais délèguent cette tâche à des députés représentant chacun une certaine fraction de la population. Dans notre pays, le système est basé sur les circonscriptions, divisées selon le territoire. Un député représentera sa zone, peu importe la force de l'opposition dans son comté.

On n'a pas à aller loin pour voir des défauts à ce système. Si un parti obtient une minorité relativement large dans plusieurs comtés mais la majorité dans aucun, on peut se retrouver avec un parti ayant obtenu 20%, 30% peut-être, des voix, sans avoir un seul siège au parlement! On peut penser à l'Action Démocratique qui, toutes déplorables que soient ses politiques, a été victime du système, ayant seulement le tiers des sièges qu'elle en aurait eu s'ils avaient été attribués selon le total des votes. Les deux autres tiers de ses électeurs n'ont tout simplement pas été pris en compte.

De plus, ce modèle part de l'idée selon laquelle un député élu localement représente les intérêts locaux de la population. L'existence des partis politiques, dévoués à un programme commun, renie ce principe. Bien des députés sont l'agent du gouvernement dans leur comté, plutôt que l'agent de leur comté dans le gouvernement. On ne s'étonnera pas que ce modèle ait été abandonné dans tous les pays dits démocratiques sauf quatre - le Canada, la Grande-Bretagne, les États-Unis et l'Inde.

Ce qui se fait un peu partout ailleurs n'est pas radicalement différent, mais ne se base pas sur la géographie. Un certain nombre de sièges est toujours réservé à la représentation locale, mais bon nombre est attribué en proportion du total des votes. Ce qui est arrivé souvent ici tout comme aux États-Unis, un gouvernement prenant le pouvoir avec moins d'appui que l'opposition officielle, ne se produit pas sous ce système. Voter pour un parti jeune ou moins populaire n'y est pas un gaspillage puisque les votes minoritaires sont aussi pris en compte. Pensons à un souverainiste qui habiterait Westmount; il ne peut pas espérer influencer le choix de son député, si le système ne lui donne pas un autre moyen d'avoir du poids sur le bilan total, autant dire qu'il n'a pas le droit de vote!

Certains pourraient tout de même craindre qu'en ne votant pas pour le moins pire, ils permettent au pire de l'emporter, car la proportionnelle seule ne brise pas la loi du moins pire. C'est pourquoi il y a le scrutin à deux tours. Le premier inclue tous les partis et détermine la composition du parlement. Le second tour ne comprend que les deux partis les plus populaires et détermine lequel sera officiellement au pouvoir. Ainsi on peut voter pour le meilleur au premier tour et pour le moins pire au second! L'avantage est évident; en faisant une place aux petits partis, le monopole de deux ou trois grands est incertain et ils devront en tenir compte plutôt que se complaire dans une médiocrité juste un peu moins profonde que le rival.

Si cela serait déjà une amélioration par rapport à notre système, rien ne dit que nous devrions nous en contenter. Car peu importe comment ils sont choisis, les élus demeurent au-dessus du peuple, sans que les citoyens aient de moyen direct de s'affirmer au cours d'un mandat.

Qu'on donne aux élus carte blanche pour quatre ans fait qu'ils ne sont pas tenus de respecter leurs promesses - le pire qu'il puisse leur arriver est de ne pas être réélus, si ce n'est pas oublié avant les prochaines élections! - et quatre ans, c'est terriblement long. Il n'est pas surprenant que de plus en plus de gens se désintéressent de la politique, n'y voient rien d'autre qu'un nid de corruption et de mensonge qu'ils ne voudraient toucher pour rien au monde, et s'abstiennent de voter.

La démocratie directe

La démocratie représentative a un vice profond, celle de séparer le peuple du pouvoir. Mais quel est donc l'autre choix? Vous devez avoir en tête "la démocratie directe", puisque c'est le titre que vous voyez tout juste au-dessus de ces lignes… Oui mais… qu'est-ce que c'est?

Cette forme de démocratie, aussi appelée participative, consiste à remettre le pouvoir entre les mains du peuple. S'il reste impossible d'entasser sept millions de personnes dans le parlement pour débattre des enjeux politiques, rien ne dit qu'il n'est pas absolument possible de faire participer chaque citoyen à la prise de décisions.

Le modèle le plus évident de démocratie directe se structure par l'entremise de conseils. Les conseils sont des organisations de base où peuvent se rassembler les citoyens intéressés par les enjeux du jour, en débattre et prendre leur décision. Un délégué élu, l'équivalent en quelque sorte d'un député, les représentera ensuite devant les autres délégués, chacun strictement tenu de respecter les décisions prises à la majorité par son conseil. C'est là que réside toute la différence.

Certains prétendent qu'il serait mauvais de laisser le peuple influencer les décisions politiques, que ce serait donner le pouvoir aux idiots puisque ce la majorité de la population n'a pas de diplôme en quelque domaine proche de la politique. Comme si une ministre ayant dirigé successivement - et désastreusement - les ministères de l'éducation, de la santé et des finances pouvait être experte dans tous ces domaines…

Il est vrai que le premier venu n'est pas nécessairement un expert, mais c'est à cela que servent les fonctionnaires. Le peuple n'a pas besoin de savoir au cent près de combien a besoin un hôpital pour fonctionner pour savoir qu'il veut qu'il fonctionne, en cela il est parfaitement qualifié pour l'exiger de l'état. Affirmer qu'il ne le devrait pas revient à dire que seuls les mécaniciens devraient être autorisés à conduire une voiture.

D'ailleurs rien n'empêche les gens de s'éduquer, sans aller à l'université il est possible d'apprendre les rudiments du fonctionnement d'un état et quiconque en ressent le moindre intérêt devrait pouvoir obtenir tous les renseignements qu'il désire.

Les gouvernements élus pour une période interminable sans qu'on puisse les renvoyer s'ils sont malhonnêtes ou incompétents, qui ont la voie libre pour faire tout ce que bon leur semble et se pensent au-dessus du peuple sont une véritable farce. Nous n'avons pas choisi ce système électoral qui nous laisse un semblant de pouvoir aussi mince. Il n'y a pas de démocratie sans un véritable contrôle par le peuple. Ce pays nous appartient, à tous, ne tolérons plus qu'il soit accaparé par une minorité prétendant agir en notre nom.