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Par André Parizeau,
Chef du PCQ

L'essentiel continue toujours à être passé sous silence dans le dossier des 550 tonnes d'uranium irakien, qui sont entrés au port de Montréal vendredi dernier, et qui seront par la suite réacheminées vers une usine d'enrichissement de la compagnie Cameco en Ontario.

Quelques journalistes n'ont pas hésité à se questionner à propos de la "profitabilité" de l'opération (entendre, par là, la question de savoir si cela allait ou non rapporter beaucoup d'argent).

Greenpeace a surtout beaucoup parler, pour sa part, du danger qu'un tel événement pouvait représenter, dans la perspective d'un possible "attentat" terroriste". Comme si c'était vraiment la question No 1; un tel discours serait allé comme un gant à un membre du gouvernement Harper; cela n'aurait pas non plus trop détonné de la part d'un chef de police; mais venant d'une organisation écologiste, cela sonnait plutôt bizarre. Bref, bien peu ont finalement osé soulever les vraies questions.

La compagnie Cameco affirme, au départ, qu'elle a acheté cet uranium en toute légitimité des mains des Américains.  Le problème, c'est que cet uranium n'appartenait pas aux États-Unis, mais faisait plutôt partie du trésor de guerre qu'ils se sont accaparés, une fois que leurs soldats avaient réussi à prendre le contrôle de l'Irak.

En fait, une telle déclaration, de la part de Cameco, fait surtout penser à un collectionneur d'art qui se serait procuré du stock volé et qui réagirait en disant qu'il avait agi en toute bonne foi en en faisant l'achat ...

Le 2e problème, sous jacent à toute cette affaire, a trait à la nature même du trafic en jeu ici.  Cameco prétend que la production d'uranium, qu'elle est capable d'extraire de ses mines, demeure bien en dessous de la demande mondiale et que c'est finalement pour cela qu'elle doit aussi s'approvisionner sur les autres "marchés mondiaux".  Il faut dire que l'industrie du nucléaire vivrait depuis déjà un certain temps un véritable "boom".  Pourtant, il est également établi, depuis déjà longtemps, que le nucléaire représente une très grave menace, aussi bien pour ceux et celles qui oeuvrent dans les mines pour l'extraire, que pour ceux qui le retravaillent ensuite, pour l'enrichir, de même que pour ceux et celles qui habitent autour de ces fameuses centrales nucléaires, ou des sites d'enfouissements des déchets nucléaires.

Parlez en aux Indiens Navajos, aux États-Unis, qui ont jadis cru à la bonne foi du lobby pro-nucléaire, et qui vivent aujourd'hui des problèmes majeurs.  Parlez en également avec ceux qui ont pendant des années oeuvré dans les mines d'Elliot Lake, dans le nord de l'Ontario, qui y ont ruiné leur santé, et qui se retrouvèrent de surcroît sur le carreau quand les mines furent ensuite fermées parce que plus aussi rentables.  Parlez-en également avec ceux qui, aussi bien du côté de l'Irlande, ou de l'Angleterre, doivent également subir les contrecoups des déversements de produits hautement toxiques et qui proviennent du site de stockage et de recyclage de produits nucléaires à Sallafield (voir raccourcis dans la colonne de gauche de cette page).

En fait, on serait en droit de se demander pourquoi les autorités canadiennes ont finalement autorisé cette cargaison d'uranium irakien d'être déchargée chez nous.  Cela aurait carrément dû être refusée à nos yeux.  Problèmes de sécurité ou pas, cela n'avait finalement que peu à voir avec les questions de fond.

Au lieu de se rendre ainsi complices de l'expansion de cette industrie, on devrait bien plutôt revendiquer, dans un premier temps, qu'un moratoire sur les importations et les exportations de produits nucléaires soit rapidement introduit.  Seule la vente et l'exportation d'isotopes, devant servir à des fins médicales, pourrait en fait être permise.

En lieu et place de maintenir un discours mi-chair  mi poisson, comme ce fut le cas dans ce dossier, Greenpeace Canada, ainsi que la section québécoise de ce mouvement, devraient plutôt faire comme le font déjà leurs confrères de l'Australie et appeler carrément à la reconversion graduelle de l'industrie nucléaire vers des sources d'énergies réellement plus propres.  D'autant que nous sommes plutôt privilégiés à cette égard, grâce à l'énergie hydro-électrique, ainsi que l'énergie éolienne.  On pourrait également mettre pas mal plus de ressources vers le développement de l'énergie solaire.

Une telle direction aurait en même temps comme conséquence de contribuer à relancer le combat pour un véritable désarmement des arsenaux nucléaires, déjà existants ou en devenir.  Cela est d'autant plus vrai que le Canada demeure aujourd'hui un des principaux producteurs d'uranium au monde (avec l'Australie justement, ainsi que la Russie).

Nous, au PCQ, avons déjà pris position très clairement contre le nucléaire (voir également, et pour cela, nos raccourcis dans la marge de gauche de cette page).

Un dernier point à noter : depuis que l'affaire a été rendue publique, on sait maintenant que Cameco possède, en Saskatchewan, la plus importante mine d'uranium au monde, représentant à elle seule près de 17% de toute la production de ce minerai à travers toute la planète.  Autrement dit, pendant que les pétrolières sont carrément en train de détruire une bonne partie de l'Alberta (et aussi de rejeter dans l'air d'énormes quantité de gaz à effets de serre) avec leur exploitation des sables bitumineux, on est aussi, juste à côté, en train de s'empoisonner avec ce fichu uranium.  Belles perspectives pour ces provinces de l'Ouest !

On estime d'autre part (et c'est Greenpeace elle-même qui l'a souligné la première fois, il y a plusieurs années) que les réserves mondiales d’uranium, telle que connues pour le moment, seront toutes épuisées d'ici au plus tard 2071 !

Franchement, il était plutôt désolant de voir, il y a quelques jours, le porte-parole de Greenpeace au Québec, Arthur Sandborn, répéter à la virgule près ce que son pendant au Canada anglais avait déjà répété la veille et s'en tenir essentiellement à cette fameuse histoire de danger pour une "attaque terroriste".  Nous ne sommes pas, du reste, les seuls à l'avoir remarqué; la plupart des médias le firent aussi.  Depuis déjà un bon bout de temps, Greenpeace Canada s'objecte à la relance de la prospection par l'industrie du nucléaire, notamment pour ce qui est du nord de l'Ontario.  On aurait donc pu s'attendre à mieux ...

L'affaire est d'autant plus désolante que ce n'est pas la première fois que Greenpeace déçoit.  Il y a à peine quelques semaines, Greenpeace faisait également le choix  -- discutable s'il en est un -- d'appuyer le programme des libéraux fédéraux en faveur de leur fameuse et tout autant controversée taxe sur le carbone.  Tout cela est bien dommage, d'autant plus que Greenpeace a déjà prouvé qu'elle était aussi capables de faire de très bons coups.  À suivre.

 



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