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Déclaration du Comité exécutif central du PCQ
L'exploitation des sables bitumineux en
Alberta est au coeur du boom économique dans cette province mais cela est
également devenu au Canada, au fil des années, une des principales sources de gaz à effets de serre. Dans l'état actuel des choses,
compte tenu surtout des plans en cours pour quintupler cette production
d'ici les prochaines années, tous les principaux spécialistes s'accordent à
dire qu'on s'en va littéralement vers une catastrophe d'une ampleur
incalculable. Un véritable crime contre l'environnement et l'humanité.
Un désastre sur une échelle encore jamais vue
Non seulement, le Canada ne pourra jamais remplir ses objectifs, tels que fixés par l'Accord de Kyoto, mais le Canada pourrait également se retrouver avec un désastre écologique, sur une échelle encore jamais vue, si rien n'est fait pour corriger le tir.
Le pire dans tout cela réside dans le fait que la production de pétrole découlant de cette exploitation des sables bitumineux est, à 100%, destinée au marché américain et n'est donc pas essentielle. Pas une goutte de ce pétrole n'est envoyée ailleurs au Canada; tout ce pétrole est envoyé via différents oléoducs vers les USA. Ici même, au Québec, c'est à l'étranger qu'il faut acheter notre propre pétrole. Et c'est d'ailleurs à la suite des pressions américaines qu'on parle maintenant d'aller encore plus loin dans l'exploitation de ces sables. Encore une fois, nos politiciens, en Alberta comme à Ottawa, semblent plus préoccuper à faire plaisir aux maîtres de la Maison-Blanche à Washington qu'à réfléchir aux conséquences de leurs actes.
Pendant ce temps, les sables bitumineux sont
devenus le théâtre du plus important chantier de construction au monde.
On parle là-bas d'une des plus grandes réserves de la planète, encore
très peu exploitée.
Un projet absurde
Le gigantisme du projet fait peur tout autant que l'absurdité du projet. Pour séparer le bitume des sables et produire un seul baril de pétrole, il faut en effet, et au départ, brûler d'énormes quantités de gaz naturel, sources premières de gaz à effet de serre. Eh oui ! Vous avez bien lu. Pour produire cette source d'énergie si polluante à partir de ces fameux sables bitumineux, il faut utiliser de l'énergie à profusion. À côté de cela, le projet de centrale thermique du Suroît qui avait semé tant d'émoi, ressemble à de la petite bière.
Avant même d'être consommé, ces barils auront déjà causé un tort irrémédiable à l'environnement. Qui plus est, Il faut également utiliser jusqu'à cinq barils d'eau douce pour obtenir ce même baril de pétrole. Cette eau sera par la suite tellement souillée et hautement toxique qu'elle ne pourra plus être recyclée et devra conséquemment être stockée dans de gigantesques réservoirs de rétention. Que fera-t-on avec toute cette eau souillée et toxique ? Personne ne le sait vraiment. Au moment où l'on se parle, après seulement 10 ans d'opérations, la superficie de ces réservoirs égalise la grandeur du lac Memphémagog. C'est là un aspect tout autant préoccupant de ce terrible scandale.
Et comme si cela n'était pas assez, on détruit
en même temps des forêts et un territoire gigantesque, plus grand que la
Floride, ramenant le tout à un paysage quasi-lunaire. Les
trous laissés par l'exploitation de ces sables pourront se voir de
l'espace. Pendant des années, les populations autochtones habitant
autour de ces exploitations ont essayé de sonner l'alarme, sans vraiment que
cela change.
Une oeuvre amorcée par les libéraux et poursuivis par les Conservateurs
Quoique puisse dire Stéphane Dion, ce sont d'abord les libéraux, sous Jean Chrétien, puis sous Paul Martin, qui ont donné le feu vert à cette exploitation éhontée et qui ont également accordé, de surcroît, dès le milieux des années 90, tous les avantages fiscaux aux entreprises oeuvrant dans ce secteur (on parle ici du "meilleur" programme d'avantages fiscaux jamais élaboré, dans le monde, pour l'industrie pétrolière). Stéphane Dion ne peut prétendre qu'il n'en savait rien puisqu'il fut lui-même, pendant des années, durant cette période, un membre influent du Conseil des ministres, y compris à titre de ministre de l'environnement. Cela en dit finalement long sur la soi-disant détermination des libéraux à contribuer au règlement du problème des gaz à effets de serre.
Les conservateurs ne sont pas en reste
puisqu'ils continuent, depuis leur accession au pouvoir, le sale travail et
parlent même d'accentuer encore plus la cadence, en se déclarant notamment
favorables à l'adoucissement du peu de contrôle environnementaux qui
pouvaient encore exister dans ce dossier. On comprend en même temps un
peu mieux maintenant pourquoi Stephen Harper demeure si attaché à ses liens
avec Bush. Au fond, il ne s'agit pas seulement de maintenir des
affinités idéologiques; on parle aussi de gros sous.
Près de 100 milliards de dollars et un environnement plus sécuritaire
D'ici à ce que toutes les différentes phases de développement des sables bitumineux soient mis en places, 100 milliards de dollars y auront été investis. C'est une somme colossale. Une bonne partie de cet argent vient des États-Unis, mais aussi d'Europe, du Japon et même de Chine, selon Radio-Canada. Il faut dire que la chose est des plus rentable ... d'un point de vue des investisseurs. Il en coûterait moins de 20$ pour produire un baril de pétrole. Quand on connaît le coût du brut sur les marchés mondiaux, le calcul est vite à faire... Question environnement, c'est évidemment une toute autre affaire.
Une fois en pleine opération, les différentes exploitations de sables bitumineux de l'Alberta, pourront fournir jusqu'à 50% de tous les besoins pétroliers des USA.
Interrogée par les journalistes de Radio-Canada sur les raisons pouvant motiver les États-Unis à porter tant d'attention aux sables bitumineux de l'Alberta, une porte-parole américaine de l'industrie pétrolière faisait le commentaire suivant; il peut se résumer ainsi: avec tous les problèmes que nous avons au Moyen-Orient et en particulier en Irak, c'est pas mal plus sécuritaire; au moins, "aucun de nos soldats américains n'a besoin de mourir en Alberta pour obtenir ce pétrole".
On pourrait cependant se demander si les
États-Unis seraient prêts à envoyer leurs soldats là-bas, si besoin était...
... et nous donnons en plus aux compagnies des centaines de millions de dollars en cadeaux, à chaque année, pour que notre environnement soit souillé à jamais
Et comme si tout cela n'était pas assez, on apprenait par dessus le marché que le total des largesses fiscales accordées aux compagnies concernées par cette exploitation totaliserait au moins 200 millions de dollars par année en manque à gagner pour les gouvernements. On parle en effet de quelques 1, 2 milliard de dollars de cadeaux à ces entreprises déjà multimilliardaires, entre 1996 et 2002. Dans un contexte où ces mêmes gouvernements n'arrêtent pas de dire qu'ils n'ont plus assez d'argent pour payer pour nos programmes sociaux, tout cela devient proprement surréaliste.
C'est comme si, non content de détruire de
manière incroyable notre environnement, on payait pour accentuer encore plus
cette destruction !
Une situation inacceptable
Officiellement, tous les partis d'opposition, à la Chambre des communes, disent vouloir s'opposer à ce que tout cela continue. Compte tenu de l'implication passée des libéraux dans le dossier, y compris celle du nouveau chef, Stéphane Dion, on peut cependant douter de la sincérité réelle de ceux-ci face à tout ce dossier. Les récentes déclarations de Stéphane Dion, survenues -- il faut bien le préciser -- après l'éclatement du scandale, comme quoi les libéraux préfèreraient que les futures élections n'aient pas lieu tout de suite, laissent plutôt indiquer que cette opposition pourraient rester molle.
Jack Layton, du NPD, de même que le Bloc Québécois disent pour leur part qu'ils feront tout en leur pouvoir pour bloquer les plans de Stephen Harper. Sauf qu'aucun ne s'est vraiment commis très clairement, et de manière explicite, à dire qu'ils sont prêts à faire tomber ce gouvernement sur cette question. De surcroît, le NPD nous a déjà fait faux bond une première fois dans le dossier de Kyoto et il pourrait donc encore le faire. De toute manière, et à moins d'avoir l'appui des libéraux, ni le Bloc ni le NPD n'ont assez de voix au sein du parlement fédéral pour faire tomber les conservateurs.
Conséquemment, et même s'il s'agit ici d'un scandale incroyable, il se pourrait bien que, d'ici aux prochains mois, les conservateurs puissent encore une fois s'en tirer assez bien et que cette exploitation des sables bitumineux puisse finalement continuer comme si de rien n'était. Les conservateurs pourraient même bénéficier du fait que des élections pourraient être déclenchées très bientôt au Québec, dans la mesure où l'attention du public, tout au moins ici, au Québec, serait forcément plus orientée vers ces élections, ce qui leur donnerait un peu de répit.
Réalisant très bien l'impact que ces
révélations pourraient avoir sur l'humeur de la population, les
Conservateurs semblent vouloir faire marche arrière sur une partie de leur
politique en matière environnementale, mais tout cela semble surtout être
une opération de "public relations". Pour l'essentiel, c'est "business
as usual".
Le Canada : vers une sorte de république de bananes ?
Ici même, au Québec, nous n'avons finalement que peu d'influence sur les grandes orientations qui peuvent se prendre à Ottawa. Encore moins, quand cela touche l'Alberta. Chose certaine, ce n'est pas le fédéralisme canadien qui pourra ressortir plus fort d'un pareil scandale, lui qui est déjà en train de transformer le Canada en une sorte de république de bananes au service des USA. À ce scandale, on pourrait ajouter plusieurs autres scandales encore tous chauds, tels à la Banque Royale ou chez Bell Hélicoptères. Tout cela nous consolide d'autant dans notre conviction que le Québec a plus que jamais besoin de sa propre souveraineté politique.
Une fois tout cela dit, et de part les dangers
posés par le maintien (et l'expansion prévue) de cette exploitation des
sables bitumineux, nous n'avons pas le choix. Il faut se lever. Il
faut trouver les moyens de faire valoir notre opposition devant une telle
situation. Il faut s'unir à ceux qui, ailleurs au Canada, crient
également au scandale et il ne faudrait surtout pas que toute cette question
des sables bitumineux, après avoir fait tant de vagues, finissent par être
reléguées aux oubliettes avec le temps.
Ce que nous réclamons :
Les accords présumées entre l'industrie pétrolière, le gouvernement canadien et le gouvernement américain pour quintupler la production des sables bitumineux n'ont jamais fait l'objet d'aucun débat public. Cela ne fut jamais discuté ouvertement, ni à la Chambre des communes, ni ailleurs. Pourtant, et à cause justement de tous les impacts écologique d'une telle production, cela concerne tout le monde. Dans un tel contexte, la seule attitude correcte devrait consister à exiger l'annulation pure et simple de ces accords et tous les projets visant à étendre encore plus l'exploitation de ces sables devraient, au moins et jusqu'à nouvel ordre, faire l'objet d'un très clair moratoire.
Qui plus est, nous devrions aussi exiger, non pas l'adoucissement des contrôles environnementaux sur cette fameuse exploitation, mais bien, et au contraire, leur renforcement. Tous les cadeaux fiscaux devraient également être annulés. Le message à envoyer aux compagnies pétrolières impliquées dans l'exploitation des sables bitumineux devraient finalement être très clairs : vous commencez à changer dès maintenant vos procédés d'exploitation pour mieux respecter l'environnement ou vous devrez en payer le prix et il sera cher ! C'est tout simplement non négociable. Ce message doit en même temps être assorti de délais précis pour l'implantation de ces changements. Autre point : il ne saurait être question de régler une partie des problèmes en ayant recours à l'énergie nucléaire. On ne règle pas un problème en créant un autre ! On ne devrait pas hésiter à aller jusqu'à exiger l'arrêt des opérations dans les sables bitumineux, si cela devait s'avérer nécessaire. Question de leur faire entendre raison.
Aux politiciens siégeant à Ottawa, le message devrait être tout aussi clair : vous serez entre autres jugés sur la base de ce dossier, lorsque viendra inévitablement les prochaines élections fédérales.
Tout ce dossier devrait également avoir ses répercussions sur la scène politique plus spécifiquement québécoise. En faisant remonter à la surface toute la question de notre dépendance vis-à-vis du pétrole et de ses multiples effets néfastes pour notre environnement, cela met en même temps en lumière l'incurie de notre propre gouvernement en matière de recherche et de développement dans cet autre dossier important qu'est la voiture électrique.
On souviendra en effet que le gouvernement, pas plus tard qu'il y a quelques mois, annonçait publiquement, et sans réelle explication, qu'il mettait définitivement la hache dans le projet de développement d'une auto électrique, "made in Québec". Plus cela va, et plus cette décision nous apparaît comme étant incroyablement stupide.
Compte tenu justement de tout ce qui arrive depuis quelques temps, sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan économique (mises à pied, fermeture d'usine, etc), nous devrions toutes et tous exiger que le gouvernement Charest fasse toute la lumière sur ce qui s'est passé dans ce dossier de la voiture électrique et qu'il prenne tous les moyens nécessaires pour rectifier le tir et relancer ce projet. Ce projet de voiture électrique pourrait être un élément important de lutte pour réduire ces fameux gaz à effets de serre (aussi bien ici qu'ailleurs et y compris dans l'Ouest canadien). Il pourrait aussi devenir à longue un élément central pour favoriser une relance économique et redonner des emplois à un grand nombre de personnes.
Québec solidaire pourrait d'ailleurs faire siennes de telles demandes.
En bout de ligne, tout cela met une fois de plus en relief l'importance pour tous les progressistes et toutes les forces de gauche d'investir beaucoup mieux l'action politique, que se soit avant, pendant, et bien sûr aussi, après les élections. Pendant beaucoup trop longtemps, nous avons eu tendance à faire confiance à des partis politiques sur lesquels nous n'avions finalement que peu de contrôles. Cela nous a amené à sous contracter de plus en plus notre propre action politique vers d'autres. Collectivement, nous avons perdu petit à petit peu cette habitude que nous avions développé dans les années 60 et 70 pour prendre nous-mêmes en mains nos propres destinées. Quitte à descendre dans la rue. Mais on peut encore changer tout cela.
21 janvier 2007
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