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Entre 1993 et 2006, 2409 travailleurs sont morts au service de l’accumulation du capital au Québec, soit près de 186 travailleurs annuellement !

Entre 1982 et 2006, près de 148 travailleurs par an ont été blessés dans un accident de travail avec perte de temps admis!  Ça représente 3552 contribuables étalés sur 24 ans dont plusieurs sont des travailleurs de production ou de distribution, donc parmi ceux dont la force de travail est la plus exploitée par les employeurs. (1)

Je m’appelle Sylvain Guillemette, et je suis l’un de ces accidentés. 

Le 12 juillet 2007, une benne à ordure recule dans une rue à l’angle trop abrupte pour la longueur du mastodonte.  Lors de secousses imprévues, mon pied droit se coince entre le marchepied et le bitume.  Depuis, une sévère contusion et des séquelles qui occasionnent des douleurs aigues et chroniques au point de me donner du mal à marcher jusqu’au cabinet de toilette. 

Je peine à me déplacer, je ne peux plus conduire.  Toute ma vie a changé.  Depuis cet accident de travail, travail pour lequel mon employeur touche la «plus-value» (2), et que j’effectuais avec les moyens de production du bord, dont les camions et le capital qu’il possède (3) , je ne peux plus profiter pleinement de la vie comme avant ce 12 juillet 2007, au moment où je prenais place dans ce camion.

Je vous signale mon cas parce que je serai prochainement moins disponible et pour cause.  Je devrai mettre beaucoup d’énergie à défendre mon dossier que la CSST et l’employeur tentent de fermer.  Il semblerait d’ailleurs que c’est une pratique courante à la CSST, lorsqu’un travailleur accidenté approche la fin de son séjour dans leur paperasse.  Ça coûte cher vous savez, les accidentés du travail !

Ce sera pénible, coûteux et bien plus grave que ce que m’auraient souhaité mes adversaires idéologiques habituels.   Mes créanciers  ne seront pas  aussi patients que moi !  Je magasine pour embaucher un avocat.  J’ai le sentiment que si je ne prenais pas action contre cette injustice, ce serait d’abandonner aussi tous ces autres camarades, leurs familles et leurs proches qui, lésés, ont dû ou auront à affronter ces tristes réalités aux côtés d’un accidenté du travail. 

Je ne demande pas de la chance, car ici, c’est de justice qu’il s’agit. Et cette justice, elle est elle-même à la solde du sacro-saint Capital.  Je tenterai donc, sans prétention, mais par principe, de combattre ce sacro-saint Capital sur le terrain de la légalité en appui à tous les travailleurs du Québec, tout en espérant que cela puisse aussi venir en aide à ceux du Canada également.
 

LE COMBAT CONTRE LA CSST

Puisque la CSST, dans toutes ses instances, conteste systématiquement les décisions du médecin du travailleur, ce dernier en est quitte pour un combat de longue haleine avec des moyens extrêmement faibles en comparaison. C’est le combat de David contre Goliath!

Le mois dernier par exemple, mon médecin a accepté de me faire essayer une assignation temporaire qui s’est avérée inefficace.  J’ai contesté cette assignation temporaire comme mes droits me le permettent, puis je suis allé me munir de deux billets, de deux médecins différents, non pas par manque de confiance envers celle qui s’occupait de mon dossier, mais parce qu’elle était en vacance. Avec ces billets en main, qui considèrent l’assignation temporaire inadéquate, je me croyais en sécurité face à ces «automates programmables» de la CSST.  Je me trompais !

Juste avant la fermeture de leurs bureaux, un vendredi après-midi, une agente de la CSST m’appelle et me rend compte de la contradiction de mon médecin vis-à-vis ses propos envers l’assignation temporaire. Or il est prévu par la loi que le travailleur a le droit de contester une assignation temporaire, tant que le médecin lui donne raison. Et c’était justement le cas, deux fois plutôt qu’une !  À cette dame, dont le ton était plus à la remontrance culpabilisante qu’à l’assistance à un travailleur en difficulté (d’ailleurs, j’avais l’impression que tous les agents de la CSST me prenaient pour un voleur de banque ou un criminel en puissance), j’explique donc mes droits et lui explique qu’après l’assignation temporaire, mon cas s’est aggravé (selon les 2 médecins !) et que les médecins en avaient donc conclu l’échec.  Elle tente de contester puis, je l’arrête pour lui dire que je mets en marche mon enregistreuse. On note déjà un changement de ton. On recommence alors ce train hebdomadaire et elle m’explique que mon médecin donne deux versions différentes alors que dans les faits, mon médecin, comme la plupart des médecins, ignore tout du lieu de travail dans lequel j’exerce mon boulot.

À la fin de la conversation la dame me dit sur un ton très arrogant qu’elle rendra SA décision.  Avant de raccrocher je lui réexpose les faits.  À ce moment on peut comprendre que je pouvais être très irrité.  « Madame !  Votre version comprend l’avis du Directeur de la Santé et Sécurité au Travail de Joliette, monsieur Michel Choquette, donc d’un simple individu n’ayant pas eu à me traiter et ne possédant pas les qualifications nécessaires pour le faire.  J’ai de mon côté, l’avis de deux médecins qui disent catégoriquement la même chose, soit que l’assignation temporaire a aggravé mon cas, ne vous en déplaise madame...! »  Rien à faire !  Il me semblait évident que la dame, «l’automate», avait déjà prise sa décision bien avant de m’appeler et que peu lui importait ma version de l’histoire.  En réécoutant la version de cette dame, je m’aperçois que l’employeur a menti sur le nombre d’heures que j’ai passé au travail.  Il n’a rien dit des 5 heures effectuées auprès de la compagnie dans un lieu non-propice à mon bon rétablissement, accomplissant des tâches très douloureuses telles que me rendre aux toilettes (4) ou simplement classer des documents (donc me lever souvent).  Il est aussi à noter que l’employeur m’a fourni une liste de tâches non-conformes à celles décrites comme correctes par mon médecin.  On a donc tenté de me jouer la comédie afin de me faire faire des choses que je ne  pouvais visiblement pas faire. Le médecin insistait pour que les travaux se fassent assis, or, je devais me lever aux 5 minutes.
 

UN COMBAT QUI TOUCHE PLUSIEURS AUTRES CAMARADES

J’aimerais également attirer l’attention du lecteur sur le fait que depuis mon accident, au Québec seulement, 3 éboueurs ont perdu la vie en effectuant les mêmes tâches que j’effectuais le matin de mon accident.  Aussi, qu’aucune enquête n’a été menée par la CSST sur les lieux de l’accident, ni même chez l’employeur alors que cet employeur affiche un haut taux d’accidents du travail.

Par exemple, le chauffeur qui m’a écrasé, et je lui pardonne quand même, ne possédait pas le DROIT de conduire, son permis étant révoqué!  La Sûreté du Québec arrivée sur les lieux, ce dernier s’est empressé de venir me voir pour me dire qu’il était dans l’eau chaude!  Je n’ai jamais eu de nouvelle de ce fait pourtant incriminant pour l’employeur!

Bref, depuis l’événement, la compagnie a clairement eu le temps de modifier le marchepied du camion ou de corriger la situation sans qu’aucune sanction ne lui soit appliquée!  Et moi dans tout ça ?  Je serais coupable de m’être blessé au travail en servant la société humaine à laquelle je crois ?!  Et quoi encore ?  Combien faudra-t-il qu’il en meure ou qu’il s’en blesse avant que la CSST n’exerce ses responsabilités ?  Est-ce d’abord son devoir, ou son devoir consiste-t-il à défendre, coûte que coûte, l’employeur, même si ce dernier est en faute ?

Je vous laisse juger, mais à titre d’exemple, le BEM, jugé inutile depuis longtemps, a tort dans 70% de ses contestations! C’est tout dire de la pertinence d’un tel outil, et rien n’existe pour dénoncer le fait flagrant que la CSST n’est là que pour défendre les droits des capitalistes contre les droits du travailleur.

Sur ce, j’espère que mon cas saura en faire réfléchir d’autres, voire qu’il créera une vraie coalition digne de ce nom, et qu’enfin, on puisse dire au Québec que d’y travailler, ça sert nos intérêts à toutes et tous!

Souhaitez-moi bonne chance, ou bon courage plutôt, car c’est ce dont j’aurai le plus besoin ces prochains mois!

Sylvain Guillemette
Membre de l’équipe de Reactionism Watch,
du Parti communiste du Québec et de Québec Solidaire.

 

Notes :

[1] Les données citées sont des lésions et des maladies entraînant perte de temps et des décès pour lesquels les demandes d’indemnisation ont été acceptées, au Québec seulement.  La source de ces données vous donnera les détails de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada.

[2] Ramasser les déchets, le recyclage et le compost avec les camions dédiés, pour que mon employeur puisse revendre cette «marchandise» aux sites d’enfouissement.  Une marchandise qui se négocie à la tonne en plus d’être généreusement subventionnée par l’État dans le cadre du «virage vert».

[3] Pour les avoir usurpé en temps de travail impayé.

[4] Les toilettes de l’endroit étaient situées très loin et j’avais à enjamber des outils qui jonchaient le sol pour y accéder.  Elles se situaient également dans un endroit non-chauffé et humide, rien pour améliorer mon sort.  L’employeur nie tout !

 

 



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