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Par André Parizeau
Chef du PCQ
Considérant l'urgence de mettre fin à l'hémorragie des emplois ainsi qu'au démembrement graduel de notre économie, nous vous soumettons ici des pistes de solutions. Ces pistes de solutions pourraient éventuellement servir d'ossature pour un plan plus compréhensif et à plus long terme de développement de notre économie. D'autres mesures pourraient s'ajouter avec le temps.
Dans le cadre d'un nouveau gouvernement, se disant ouvertement socialiste, et dans la mesure où ces mesures n'auraient pas déjà commencé à être implantées, celles-ci feraient évidemment partie des tous premiers chantiers à mettre en branle par ce nouveau gouvernement.
Les propositions incluses dans ce document font partie d'un ensemble plus larges de pistes de solution, portant sur différents aspects de ce que nous pensons cruciaux d'examiner en matière de stratégie pour une relance de notre économie, et qui vous sont soumises. Le document qui suit, vise en particulier à faire ressortir l'importance de reprendre en main la lutte amorcée dans les années 60 pour devenir maîtres chez nous. Ce slogan, qui fut au coeur des grandes batailles durant la Révolution Tranquille, demeure plus que jamais d'actualité aujourd'hui. Vos commentaires sont les bienvenus. (Source des photos reproduites plus bas :FTQ et SCFP-FTQ).
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Si aujourd’hui nous avons accès à toutes sortes de biens et de services, c’est en bonne partie à cause du caractère hautement socialisé de notre économie.
Que vous soyez au volant d’un camion assurant le transport de marchandise, à l’emploi dans un bureau, que vous soyez une ouvrière ou un ouvrier sur une chaîne d’assemblage, ou tout simplement en train d’acheter dans un magasin un produit ou un autre, vous contribuez tous et toutes à faire rouler notre économie et vous êtes des millions à le faire à tous les jours. C’est ce que nous voulons dire quand nous parlons du caractère social des forces productives dans notre société. C’est là une des principales caractéristiques de notre économie, au bas de la pyramide.
Une contradiction majeure
En haut de la pyramide, c’est une autre histoire car la majeure partie de notre économie demeure la propriété privée d’une minorité. Même lorsque qu’une entreprise devient très grande, que son administration ne repose plus sur une seule personne ou quelques personnes, mais bien plutôt sur des centaines de cadres et de gestionnaires, à différents niveaux, qu’elle va sur la bourse et que son capital actions se retrouve ultimement dilué parmi des milliers, sinon des dizaines de milliers d’actionnaires anonymes, le contrôle effectif de l’entreprise demeure néanmoins, et dans la plupart des cas, entre les mains de quelques bourgeois. Ces derniers continuent toujours à tirer toutes les ficelles et peuvent à tout moment décider de mettre fin à telle ou telle facette des opérations de cette entreprise, sans égard à ce que pourraient être les conséquences d’un tel geste.
C’est ce que nous voulons dire quand nous parlons du caractère privé des moyens de production dans la société capitaliste. La contradiction entre le caractère social de la production de biens et de services et le caractère très privé des moyens de production ainsi que le caractère, encore plus privé de l’appropriation du fruit du travail effectué (puisque les profits aboutissent le plus souvent dans les poches de quelques bourgeois) est une des contradictions les plus fondamentales du capitalisme en même temps que la source de beaucoup de nos problèmes.
C’est en même temps une des raisons pour lesquelles nous disons que cette société est au fond très anti-démocratique. S’il est vrai que c’est certes beaucoup mieux que ce qu’il pouvait exister avant, sous le féodalisme ou l’esclavagisme, le capitalisme demeure une société basée sur la domination de la majorité par une minorité… et cela ne peut qu’être profondément anti-démocratique.
Une raison simple pour vouloir être maîtres chez nous
Depuis plus de quarante ans, au Québec, nous avons essayé, collectivement, de devenir « maîtres chez nous ». Ce slogan était au cœur de la révolution tranquille des années 60 et demeure toujours, aujourd’hui, d’actualité dans la mesure où, justement, notre économie est encore largement dominée par des intérêts privés. Le fait que de larges secteurs de notre économie soient maintenant contrôlés par des intérêts privés québécois, ne change pas fondamentalement la donne.
Le problème en effet, et surtout aujourd’hui, en ces temps de mondialisation, réside dans le fait que le Capital (même lorsqu’il est québécois) demeure avant tout froid, inhumain, asocial, immoral et apatride. Seul la marge de profits importe et l’intérêt collectif n’a au fond que bien peu d’importance. Faut-il ensuite se surprendre quand on voit les fermetures d’entreprises se multiplier et des pans entiers de notre économie disparaître, tout simplement parce qu’il est soudainement devenu plus rentable pour ces entreprises de déménager la production ailleurs ?...
Pour être réellement démocratique et pouvoir contrôler sa destinée, une société comme la nôtre devra nécessairement contrôler beaucoup mieux les principaux leviers de son économie; autrement tous les plus beaux plans de relance de notre économie resteront essentiellement de beaux projets sans lendemain. Notre souveraineté politique doit s'accompagner d'une souveraineté plus grande sur le plan économique, sans quoi nous ne serons jamais vraiment maîtres chez nous.
Évidemment, dans ce domaine comme dans tous les autres, il faudra oeuvrer en fonction de priorités et il faudra aussi faire preuve d'imagination et tenir compte de la situation. On ne pourra tout changer d’un seul coup, par un simple coup de baguette magique.
Différents moyens pour y arriver
De manière assez évidente, cette reprise de contrôle ne pourra se faire sans une intervention beaucoup plus importante de l’État. La nationalisation de certaines entreprises devra être regardées attentivement; c’est évident; on ne devrait pas reculer devant la possibilité de même exproprier celles-ci, là où il est déjà établi que la société québécoise a largement payé aux propriétaires de ces entreprises, et ce de diverses manières, l’équivalent de la valeur réelle de ces sociétés.
D’autres mesures pourraient aussi être jumelées à ces nationalisations. Nous pourrions, par exemple, créer de nouvelles sociétés d’État avec le mandat d’investir dans tels ou tels secteurs et ainsi briser le monopole actuellement détenu par quelques grandes entreprises. Cela pourrait être une autre manière d’arriver au même but.
On pourrait également favoriser le renforcement et l’élargissement de l’influence du mouvement coopératif ainsi que des divers fonds d’investissement détenus et contrôlés par les syndicats et regarder également la possibilité pour l’État de faire conjointement, avec ces organismes, des « joint ventures ». Quoique ces divers mouvements ne soient pas exempts de critiques et aient leur propres limitations (ce qui est aussi le cas, en passant, pour nos sociétés d’État), ceux-ci demeurent néanmoins des formes plus intéressantes de contrôle collectifs que les formes de propriété privée traditionnelles, où nous n’avons finalement pas de possibilité d’exercer quelque réel pouvoir que se soit.
Une refonte en profondeur de l’État s’impose en même temps
Tout cela soulève en même temps l’importance de changer nos lois et nos habitudes afin de favoriser la participation citoyenne dans ce genre de mouvements et d’entreprises. La démocratie, la vraie, ne se limite pas à mettre un X à tous les quatre ans sur un bulletin de vote. Cela doit aussi s’appliquer dans la vie de tous les jours, y compris au travail. Une refonte en profondeur de l’État s’impose également.
À terme, c’est toute la manière avec laquelle fonctionne cet État qui devra être réexaminée. L’État québécois, comme la plupart des autres États capitalistes, est bureaucratisé à outrance. Dans le bas de la pyramide, au niveau des services de premières lignes, il n’y a pas assez de ressources allouées et l’accès aux services laisse souvent à désirer, tandis qu’en haut, au niveau des hauts fonctionnaires, c’est le contraire. C’est une situation qu’il faudrait renverser. L’État est officiellement au service de tous les citoyens mais, dans les faits, il profite et sert en premier lieu ceux et celles qui ont de l’argent. Les simples citoyens n’ont pas grands pouvoirs entre deux élections et le concept même de participation citoyenne reste essentiellement un vœu pieux.
Le résultat plutôt mitigé des multiples réformes introduites dans le domaine de l’éducation (pour ne pas dire plus à propos de ces réformes), en même temps que toutes les coupures opérées dans ce secteur, illustre assez bien notre propos à cet égard. Une des conséquences de toutes ces actions aura été de favoriser le développement du secteur privé dans l’éducation. Et comble de tout, pendant qu’on dit ne pas avoir assez d’argent pour le réseau public, on subventionne ce même réseau privé. Des fois, on pourrait se demander si tout cela n’est pas fait exprès.
C’est d’ailleurs pourquoi nous, les communistes, pensons que cet État devra ultimement être remplacé par un autre genre d’État, plus démocratique et beaucoup plus axé sur la participation du monde ordinaire en lieu et place de la bureaucratie actuelle. Nous ne parlons pas ici du même genre de réforme dont font régulièrement référence les grands partis politiques de droite; ceux-ci veulent réduire encore plus les ressources à la base, au niveau des services à la population; ils veulent en fait privatiser encore plus ceux-ci, tout en laissant la même bureaucratie en haut. Telle est l’essence même de leurs projets de réformes. À nos yeux, cela devrait être tout le contraire.
Le fait que la semaine normale de travail soit éventuellement réduite, de manière significative -- ce qui est une autre revendication des communistes (en même temps qu’une demande de longue date du mouvement ouvrier) -- devrait favoriser une telle participation citoyenne. En réduisant les dépenses en haut, cela nous permettrait d’abord d’assurer plus de services à la base et une telle refonte de l’État québécois lui permettrait en même temps d’être beaucoup plus efficace dans ses actions.
Il faut commencer dès maintenant à resserrement les lois vis-à-vis des entreprises privées
Même sous un gouvernement ouvertement socialiste, il est peu plausible que nous serons capable d’assurer, au départ, un contrôle collectif et démocratique sur l’ensemble de l’économie.
D’une manière ou d’une autre, et pour une période plus ou moins longue, nous devrons donc apprendre à composer avec un secteur privé qui continuera à exister. Mais pour s’assurer que ce secteur privé respecte beaucoup plus ce qui est dans l’intérêt de la société (plutôt que seulement la recherche d’un maximum de profits possible), il nous faudra nécessairement réviser en profondeur notre législation, notamment notre code du travail, de manière à ce qu’on puisse s’assurer que l’intérêt de la majorité puisse effectivement primer, à chaque fois que des conflits avec ce secteur privé commenceront à ressortir, ce qui est déjà le cas aujourd’hui et qui, sous toutes réserves, continuera encore à se produire dans le futur.
Les travailleurs et les travailleuses forment la classe la plus nombreuse dans notre société. Ce sont eux qui produisent toutes les richesses dans notre société. Leur travail est essentiel. Mais nos lois, actuellement en vigueur, ne reflètent pas cette situation. En matière de relations de travail, c’est en général le patron qui est favorisé. Pas le travailleur ou la travailleuses. Ni non plus leurs organisations de défense, à savoir les syndicats. Tout cela doit changer. Là encore, il faudrait tout simplement renverser la tendance. Un exemple : même encore aujourd’hui, le simple fait de vouloir se syndiquer peut toujours être extrêmement périlleux (même si nos lois sont, à ce sujet, et toutes proportions gardées, plus avancées qu’ailleurs en Amérique du Nord); cela doit changer. Les travailleurs et les travailleuses doivent être mieux protégés.
Le simple fait qu’une entreprise puisse tout simplement fermer ses portes et jeter tous les travailleurs et les travailleuses à la porte, sans crier gare et sans que personne n’ait vraiment de recours, est inacceptable. Le fait qu’elle puisse ainsi plier bagage sans égard à ses obligations au niveau des sommes dues à ceux-ci, et sans égard aux sommes qu’elles pourraient aussi devoir au gouvernement à cause de prêts consentis, etc, est tout aussi inacceptable. La facilité avec laquelle un employeur responsable de la mort d’un ouvrier ou d’une ouvrière, suite à un accident de travail, peut s’en sortir est une autre aberration qui devrait disparaître. La même chose vaut pour ces employeurs qui, de manière consciente ou non, causent des désastres environnementaux par suite de déversements de produits toxiques.
Le soi-disant droit de gérance des employeurs est consacré dans nos lois et est difficile à remettre en cause. Pourtant, ailleurs dans le monde, en Europe en autres, il existe des lois très strictes par rapport aux fermetures d’entreprises les employeurs ne peuvent pas faire n’importe quoi et ces pays ne sont même pas des pays socialistes. Alors pourquoi ne pouvons-nous pas avoir la même chose ici ? Là encore, cela doit changer.
Comme nous le disions
plus haut, la démocratie doit aussi s’appliquer dans la vie de tous les
jours, y compris au travail. L’État peut faire beaucoup à cet égard. Mais
il faudra aussi changer nos lois de manière à ce que cela puisse s’appliquer
partout, y compris dans les entreprises continuant à être contrôlés par des
intérêts privés.
En résumé
En résumé, on peut donc dire :
ü L’État québécois doit absolument reprendre une place beaucoup plus importante dans la gestion de notre économie; on doit absolument s’opposer à toutes les pressions, venant en particulier du monde patronal et visant à réduire le rôle de ce dernier;
ü Il faut en particulier s’opposer à tous ces projets de PPP et de privatisations dans des domaines qui devraient relever exclusivement de l’État. Cela est particulièrement vrai dans les secteurs qui sont, de surcroît, rentables et qui sont évidemment convoités par le secteur privé justement parce qu’ils sont rentables; on peut citer en exemple la privatisation graduelle des opérations à la SAQ (Société des Alcools) ou le secteur de l’énergie éolienne (lequel est actuellement complètement sous la coupole du secteur privé);
ü L’État québécois ne devrait pas hésiter à entreprendre, comme il a pu le faire dans le passé avec le secteur de l’hydroélectricité, à la nationalisation pure et simple de certains secteurs ou entreprises;
ü L’État québécois devrait également favoriser le renforcement du mouvement coopératif ainsi que des fonds d’investissements contrôlés par les syndicats et voir à la possibilité d’assurer conjointement, avec ceux-ci, la prise de contrôle de certains autres secteurs;
ü Le code du travail doit absolument être révisé afin d’assurer de meilleures protections aux travailleurs et travailleuses, ainsi qu’à leurs organisations de défense, soient les syndicats;
ü De nouvelles législations devraient en même temps êtres introduites afin de favoriser une meilleure participation citoyenne et permettre également que les gens puissent plus facilement se faire entendre quand ils ne sont pas satisfait de la gestion des affaires publiques au sein des sociétés d’État. À terme, c’est toute une refonte en profondeur de l’État québécois qui s’impose. Nous avons besoin de beaucoup moins de bureaucratie, en haut, et beaucoup plus de ressources en bas, pour améliorer les services à la population.
17 novembre 2006
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Vous pouvez cliquer ici pour consulter des propositions encore plus précises à propos des secteurs suivants de notre économie : le secteur bancaire, le secteur de la production et de la gestion de notre électricité, la gestion des autres formes d’énergie (ex : pétrole, gaz), notre industrie manufacturière, ainsi que le secteur des pâtes et papier ainsi que du bois d’œuvre et, finalement, le domaine de la santé.
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