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Par André Parizeau
Chef du PCQ

Il n'y a pas si longtemps encore, Stephen Harper considérait le protocole de Kyoto comme un dangereux complot ourdi par les "socialistes".  Un complot que lui, tout fin finaud qu'il est, avait vu venir depuis longtemps.  Pas question, donc, de tomber dans le panneau.  Mais voilà, l'opinion publique ne suivait pas.  Qu'à cela ne tienne, s'est-il alors dit.  Pourquoi ne pas opérer, le temps d'une mascarade, une sorte de virage "vert", question d'enlever un peu de pression dans l'opinion publique et de tromper tout le monde, tout en continuant, en catimini, de faire comme si de rien était.

Tel était le plan et les médias embarquent à plein pied.  Encore hier,  Stephen Harper paradait à Sherbrooke, avec son vis-à-vis québécois, le temps d'annoncer qu'il versera au Québec près de 350 millions de $ pour aider celui-ci à mieux combattre les gaz à effets de serre.  C'est près de 25 millions de plus que Jean Charest demandait. Wow de dire tous ces commentateurs !

Pendant ce temps, plus personne ou presque ne parle du fait que les opérations dans les sables bitumineux d'Alberta -- l'une des sources No 1 de gaz à effets de serre en même temps qu'un des plus grands désastres écologiques qui soient -- continuent de fonctionner comme si de rien n'était.  Pire.  Les plans font toujours état du fait que la production pourrait encore quintupler d'ici les prochaines années.  Le scandale a éclaté au grand jour, sur les ondes de Radio-Canada, mais c'est comme si tout cela n'avait finalement servi qu'à faire quelques ronds dans l'eau ...

Allez-y, au Québec; baissez vos émissions de gaz à effets de serre !  Beau travail !  Quand à nous, on va continuer à faire nos affaires et à ... polluer plus que jamais en Alberta.

Une entente qui n'en est pas vraiment une

Le pire dans tout cela, c'est que même ce fameux 350 millions de $ pourrait bien n'être qu'un écran de fumée.  On ne sait en effet à peu près rien sur le détail de l'entente, quand l'argent sera disponible, s'il y aura des conditions attachées à l'octroi de ces argents, comment cet argent sera géré, etc.  Car il n'y aurait en fait aucune entente.  Elle serait encore à venir, nous dit-on.  Stephen Harper et Jean Charest voulaient juste s'assurer que tout le monde, au QUébec, reçoive et comprenne bien le message avant le déclenchement de plus en plus éminent des élections au Québec : tout est revenu sous contrôle; vous pouvez donc voter du bon bord en votant pour nous.

Et comme si tout cela n'était pas assez, on nous promet en même temps de tout faire pour que la prochaine Bourse du carbone soit implantée à Montréal et non, à Toronto.  Mais on oublie juste de souligner que les cibles à atteindre en matière de réductions des gaz à effets de serre ne sont même pas encore définies par Ottawa et que rien ne semble indiquer que les choses pourraient changer à court terme. Or, sans cibles précises, une bourse du carbone devient complètement inutile.

Jean Charest est bien sûr très content de lui.  Même s'il n'a pas encore vraiment cet argent, il y a au moins apparence de gains à venir.  Lui aussi peut parader comme étant un digne protecteur de l'environnement.  Il peut même prétendre être un excellent défenseur du Québec tout en réaffirmant sa croyance dans un Canada fort et uni... Et c'est ce qui compte en cette veille de déclenchement des élections.  Cela pourrait même lui rapporter quelques votes de plus chez ceux pour qui leur coeur balance encore...

Une opposition qui brille par sa mollesse

Le chef du PQ, André Boisclair, avait raison de se dire outré par la manigance.  Reste à voir pendant combien de temps qu'il restera cependant choqué.  Si c'est comme pour les autres dossiers, cela ne devrait pas durer trop longtemps.

André Boisclair semble surtout préoccupé par le fait que cette enveloppe de 350 millions pourrait ultimement servir à occulter les revendications du Québec en matière de déséquilibre fiscal, où encore à justifier un délai supplémentaire à la solution de ce problème, lors du débat à venir autour du prochain budget fédéral.  Du reste, Stephen Harper aurait déjà fait quelques remarques dans ce sens.  Ultimement, cela pourrait même mettre son allié à Ottawa, soit le Bloc québécois, dans l'eau chaude alors qu'on serait déjà en pleine campagne électorale, ici au Québec.  Cela impliquerait alors de dire non à ces fameux 350  millions.  Bien sûr que tout cela n'a pas de quoi enchanter André Boisclair.  Considérations électoralistes obligent.  Il faut dire que le PQ est déjà pas mal bas dans les sondages.

Plus que jamais, c'est Jean Charest qui semble avoir le plus d'as dans son jeu.  Pour les forces de gauche, tout cela n'a évidemment rien de bien réjouissant.

Environnement et question nationale

Faut-il conclure de tout cela que le Bloc pourrait possiblement voter en faveur du prochain budget fédéral le mois prochain ?  Cela n'est pas exclu, de dire le leader du Bloc, Gilles Duceppe.  Cela dépendrait de ce que les Conservateurs mettront justement sur la table au niveau du déséquilibre fiscal, souligne-t-il.  Gageons que cela dépendra aussi, et pour une bonne part, de la situation qui pourrait alors exister du côté du PQ, face aux libéraux provinciaux, dans le cadre de la campagne électorale en préparation.  Cela ne serait pas la première fois, du reste, que le Bloc ferait ainsi marche arrière, pour mieux tenir compte des pressions en provenance du PQ.  Rappelons-nous en effet ce qui s'est produit à Ottawa, l'automne dernier, lors du fameux débat à propos de la place du Québec dans le Canada.

Du côté du NPD, on assiste en même temps au même genre de vacillations quand il s'agit de savoir comment le NPD votera.  L'enjeu, pour le NPD, n'est évidemment pas le déséquilibre fiscal car le NPD n'a jamais été un ardent défenseur de ce dossier; il s'agit plutôt pour ce parti de voir s'il pourrait éventuellement soutirer ou non quelques bonbons des conservateurs et ainsi remonter sa propre cote en prévisions de l'autre ronde électorale à venir, sur la scène fédérale.

Le plus malheureux dans tout cela réside dans le fait que les préoccupations environnementales des uns et des autres ne semblent finalement pas peser très lourds dans la balance des jeux politiques.  Tout cela se produit alors même où la question environnementale devient justement de plus en plus importante.

On ne peut en même temps que déplorer la manière avec laquelle le mouvement souverainiste, sous la houlette du PQ, est de plus en plus en train de s'embourber, au lieu de profiter de l'occasion pour se démarquer justement.

En bout de piste, et comme nous le disions déjà, dans le cadre d'un communiqué émis par le PCQ plus tôt en janvier, tout semble indiquer que le prochain budget conservateur pourrait effectivement passer à travers tous les écueils de la politique partisane et que le désastre généré par l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta pourra donc continuer à s'étendre et à causer des torts toujours plus grands à notre environnement, y compris ici au Québec.

Si cela devait se produire, ce serait une vraie honte.  Cela nous ramène finalement à l'importance de reprendre le contrôle de notre vie politique en même temps que de la bataille pour la souveraineté du Québec.  C'est là qu'on peut voir à quel point l'absence d'une véritable alternative de gauche, puissante et efficace, peut peser lourd sur notre vie politique.  D'où l'importance des efforts actuellement déployés pour faire sortir de l'ombre Québec solidaire.



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