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Par André Parizeau
Chef du PCQ

Depuis le temps qu'il dirige les destinées du Parti libéral du Québec, Jean Charest est passé maître dans l'art de faire des volte-face, de récupérer telle ou telle question quand cela peut faire son affaire, reculer sur une autre question quand la pression est trop forte, tout en sachant en général continuer à mener sa barque ... et continuer à nous arnaquer.

Encore en avril dernier, il n'hésitait pas à se faire un des champions de la défense de notre environnement ... tout en maintenant son projet de privatisation du Mont Orford.  Puis, il a finalement lâché du lest dans le dossier de cette privatisation mais il tente toujours de nous faire passer un autre sapin avec les projets de ports méthaniers à Gros Cacouna et à Lévis.

Hier encore,  c'est le même Jean Charest qui n'hésitait pas à concocter toute sortes accommodements dit "raisonnables" mais qui n'avaient en fait rien de bien raisonnables.  Ou encore à fermer les yeux, même lorsque les entorses à nos lois étaient évidentes.  Question de cultiver de bons rapports avec certaines personnes plutôt proches du Parti libéral et sur qui ce parti peut habituellement compter lors des élections ...  Et tout cela étaient évidemment enrobé par un beau discours à propos de la nécessité de respecter les libertés religieuses de ces mêmes personnes.

Mais voilà.  Les audiences de la Commission Bouchard-Taylor ont clairement affirmé l'attachement, de même que la volonté de la très grande majorité de la population, au concept de laïcité de l'État québécois, ainsi qu'à la nécessité que les différents services donné par cet État continuent à garder un caractère laïc.  Les gens ne veulent pas non plus que les avancées en matière d'égalité des sexes puissent ultimement être menacées, soit disant au nom des libertés religieuses.  Et c'est ce qui explique finalement que le gouvernement de Jean Charest semble à nouveau sur le bord d'opérer un autre de ses revirements de position, comme lui seul peut le faire.

Un nouveau drapeau pour Jean Charest ?...

Le voilà en effet qui affirme maintenant, haut fort, tout comme l'avait déjà fait le Conseil du statut de la femme, la nécessité d'amender la Charte québécoise des droits et libertés de façon à mettre un terme à ce qui pouvait se passer avant et à clarifier (ce qu'elle ne fait toujours pas actuellement, contrairement à la Charte canadienne qui, elle, le fait déjà) la primauté du principe de l'égalité des sexes, y compris par rapport aux libertés religieuses.  Serait-il que Jean Charest serait devenu le nouveau champion de la cause des femmes ? Faut-il pour autant bouder cette toute dernière volte-face de Jean Charest ?  Avant de répondre à cette question, il faudrait peut-être pousser un peu plus l'analyse de ce qui est en train de se produire.

Ce revirement survient, en même temps, alors qu'on parle de plus en plus de laïcité durant les audiences de la Commission Bouchard-Taylor et que la CSN a même été jusqu'à proposer que le Québec se dote, en surplus, d'une Charte de la laïcité, une proposition qui n'a sans doute pas fini de faire du bruit.

Un tel attachement, de la part de la majeure partie de la population québécoise à réaffirmer le principe de l'égalité des sexes, de même que son attachement à ce que l'État québécois continue à garder son caractère laïc, n'a rien de vraiment surprenant quand on y pense.  Comme nous l'avons nous-mêmes maintes fois répété, la religion est d'abord et avant tout une question de choix personnel.  Cela ne concerne pas l'État et ne regarde en définitive personne d'autres que ceux et celles qui décideraient de pratiquer telle ou telle religion.

Une fois cela dit, tous et chacun doivent en même temps demeurer égaux devant la loi et cela implique, entre autres choses, que tous et chacun respecte les lois et règlements que le Québec se donne, indépendamment du choix ou non de pratiquer une religion.

Un pied de nez à la politique traditionnelle

Le fait que les discussion sur les accommodements raisonnables tournent de plus en plus vers des questions de base comme la question du droit des femmes, les questions de laïcité, ou encore toute la question du manque de plus en plus flagrant de ressources en matière d'intégration des immigrants (un autre dossier sur lequel on pourrait aussi revenir) est certainement plus encourageant que si tout s'était orienté vers un débat bête et méchant à propos de l'utilité d'avoir ou non des immigrants.  À plus d'un égard, les interventions devant la Commission Bouchard-Taylor constituent une sorte de pied de nez à toute la politique de bas étage à laquelle tous les grands partis nous avaient pas mal habitué jusqu'ici.

Les libéraux n'avaient pas l'habitude, jusqu'ici, de suivre les mêmes règles qu'ils disent aujourd'hui vouloir défendre.  Cela se produisait parce qu'ils avaient d'abord et avant tout leurs propres intérêts partisans, de même que la caisse de leur propre parti, en tête et on peut certainement douter de leur soudain et apparente conversion vers des moeurs plus "adéquats".  Sauf que cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille nier l'avancée qu'une telle mesure pourrait signifier.

On peut également expliquer (sans pour autant excuser) l'attitude du PQ dans ce même dossier, du temps qu'il était au pouvoir, dans la mesure où ce parti a souvent eu tendance à louvoyer, y compris, de tasser ou de mettre de côté ses propres principes, question d'éviter trop de confrontations avec ses adversaires politiques, ou de froisser trop de monde en même temps et d'avoir, ultimement, à perdre trop de votes.  Cela fait quasiment partie de sa culture politique.  C'est ce qui les a souvent amené à endosser le même genre d'accommodements déraisonnables que les libéraux et c'est ce qui explique probablement aussi pourquoi ce parti n'avait finalement que bien peu de choses à dire quand l'ADQ de Mario Dumont est monté aux barricades sur ce sujet, lors des dernières élections provinciales.

Parlant de l'ADQ, son attitude face à la toute nouvelle volte-face de Jean Charest est vraiment à l'image de ce que fait en général ce parti.  Certaines personnes auraient pu s'attendre à ce que l'ADQ applaudisse à tout rompre à cette décision.  Eh non !  Mais là encore, cela s'explique.  C'est que le but de l'ADQ, en lançant le débat l'hivers dernier autour des "accommodements raisonnables", était avant tout électoraliste.  Mario Dumont cherchait surtout à se faire du capital politique, en surfant sur le mécontentement populaire à propos de cette question.  Du reste, il n'avait pas hésité à même user d'un certain discours anti-immigrant et xénophobe, question de faire plaisir à certains milieux très à droite ... et à mêler encore plus les cartes.  Comme si l'enjeu réel du débat était d'abord et avant tout centré autour des questions d'immigration.  Son but n'était certainement pas de mousser encore plus la nécessité de la laïcité ou du droit des femmes.  D'autant que les positions de l'ADQ sur ces deux questions sont plutôt ambiguës.

Pauvre Mario Dumont ...

Pauvre Mario Dumont.  Lui qui avait fait de cette question un des éléments importants de sa dernière campagne électorale, doit être bien frustré de voir ainsi Jean Charest lui voler maintenant (et encore une fois...) la vedette, mais aussi de voir cette question prendre une telle tournure.

Autant le PQ que l'ADQ ont rapidement réagi à l'annonce de Jean Charest en disant qu'il ne fallait pas agir de manière trop précipité dans ce dossier et que la nouvelle mesure proposée par Charest ne changerait probablement pas grand chose, de toute manière.  L'argument est également repris par certains constitutionnalistes.  Mais l'argument ne tient pas vraiment la route.  Pourquoi faudrait-il en effet s'opposer à une telle mesure si son impact (sans doute les constitutionnalistes voulaient-ils surtout parler de la possibilité qu'une telle mesure soit éventuellement contestée devant les tribunaux...) serait justement si limitée.  Cela est d'autant plus vrai que cette mesure, si elle devait se confirmer, ne ferait finalement que renforcer un état de fait qui fait déjà largement consensus et qui, rappelons-le, existe déjà sur le plan constitutionnel, au niveau canadien.

Un manque de perspective, y compris de la part du PQ

Une telle attitude de la part de ces deux partis d'opposition, surtout en ce qui concerne le PQ, ne peut que laisser songeur quant aux intentions réelles de ces partis par rapport à tout le dossier de la laïcité, de même que sur l'ensemble de leur projet pour le Québec demain.

Dans un contexte où cette question de la laïcité n'a clairement pas fini de faire des vagues (on n'a qu'à penser à la question des cours de religion dans les écoles, un sujet qui doit encore rebondir dans l'actualité politique d'ici l'automne 2008, à cause du fait que la clause non-obstant ne pourra plus être utilisée dans ce dossier au delà de cette échéance), il y a de quoi se poser des questions.

En attendant, le simple fait pour l'ADQ et le PQ de vouloir bouder -- comme cela semble pour le moment être le cas -- cette dernière volte-face de Jean Charest, sous prétexte que ce dernier pourrait essayer de s'en servir pour se refaire une beauté , fait surtout ressortir le manque évident de perspectives pour ces deux partis.  Le pire, dans tout cela, c'est que c'est nul autre que Jean Charest qui pourrait bien être, au finish, et au moins pour un certain temps encore, vu le fait que les forces de gauche demeurent encore beaucoup trop faibles pour représenter une véritable alternative en matière de prise du pouvoir à court terme, le principal gagnant de toute cette politique de bas étage.

Tout cela nous ramène finalement à l'extrême urgence de développer beaucoup plus l'influence de cette même gauche, sous le parapluie de Québec solidaire.

 

 


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