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Note de la rédaction : En janvier 2006, la revue palestinienne Al Majdal (publiée par Badil Resource Center for Palestinian Residency & Refugee Rights) se penchait sur les possibles stratégies de la lutte palestinienne. Plus précisément, quel doit être son objectif ?  Faut-il continuer revendiquer deux États séparés ?  Ou un seul État ? Nous republions dans ces pages quelques uns des points de vue exprimés sur cette question.  Ces documents sont également disponible sur le site d'Intal, un organisme belge de solidarité internationale.

Cliquez sur ce lien pour plus d'infos sur Badil et la revue Al-Majdal.

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Par Nassar Ibrahim (*)

Nassar Ibrahim est un chercheur palestinien et il est également écrivain au Centre d’Information Alternative. Il est également le rédacteur en chef des magazines Rou’iya Oukhra Magazine (rédigé en arabe) et du magazine News From Within (rédigé en anglais). Il est aussi directeur du centre culturel Jadal, à Beit Sahour.

 

Les réfugiés palestiniens et le droit au retour symbolisent l’essentiel de la cause palestinienne, aussi bien sur le plan politique qu’historique. Ces réfugiés sont le symbole de la tragédie que vit la population palestinienne. Ils posent un défi politique, humain et moral et représentent le nerf du conflit israélo-palestinien. C’est pourquoi la prise de position sur le droit au retour est devenue le test décisif pour juger de la justice, de la crédibilité et du sérieux des personnes, des organisations et des solutions politiques proposées.

La discussion sur la question des réfugiés dépasse les dimensions morales et émotionnelles car le problème est, par essence, politique. L’idéologie sioniste qui guide les pratiques et les idées politiques d’Israël, notamment l’occupation, considère le droit au retour comme une ligne rouge et une menace pour le projet sioniste dans son ensemble. C’est pourquoi, Israël, voulant fuir ses responsabilités historiques et politiques, a tout fait pour éviter les discussions sur la question des réfugiés, ou du moins pour qu’elle soit limitée à un problème humanitaire dont la solution se limiterait à permettre à un nombre restreint de Palestiniens de retrouver leur famille.

Dans cette logique, Israël ne cesse de proposer des solutions politiques qui se basent sur la réalité actuelle et sur des problèmes isolés qui ne tiennent pas compte du contexte historique, politique et juridique de la région. La méthodologie d’Israël n’est ni spontanée, ni secondaire. Elle représente une stratégie calculée et bien pensée dont le but est de définir à la fois les paramètres du conflit et ses solutions, ce qui veut dire que tous les problèmes relatifs au conflit d’avant la guerre de 1967 sont jugés non pertinents et sont exclus de la table des négociations. C’est dans ce contexte que doit être comprise la détermination d’Israël d’adopter une attitude de temporisation à l’égard du droit international dans les négociations politiques et de placer ensuite les problèmes principaux du conflit dans l’agenda des négociations.

En pratique, cela signifie que les négociations et les solutions proposées se rapportent toujours à la période d’après la guerre de 1967 et que le meilleur scénario auquel elles ont donné lieu est la création d’un État palestinien dans une partie de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Dans ce contexte, tout accord de négociation est déterminé par la logique israélienne, et donc un rapport de force et de contrôle injuste sur le processus de négociation par l’alliance américano-israélienne. Ces facteurs ont guidé tous les efforts réalisés récemment en vue de mettre un terme au conflit israélo-palestinien (des Accords d’Oslo à la Feuille de Route et à l’initiative de Genève, en passant par les initiatives de Mitchell, Tennet et Zini) à un enchaînement de crises bloquant toute tentative de paix par les soi-disant problèmes de sécurité pour Israël. Une évaluation objective de toutes ces initiatives, comprenant les conditions dans lesquelles elles ont été créées, leurs références et objectifs, nous révèle qu’elles  portaient dès le départ le fruit de leur propre défaite.

En effet, ces initiatives politiques sont parties sur de mauvaises bases. Elles parlent de paix et de solutions permanentes mais entraînent un processus dans lequel Israël règne en maître et peut transformer ses victoires militaires en victoires politiques, ce qu’on appelle les nouveaux « faits accomplis » politiques et démographiques. Tous les projets politiques récents ont pris leurs distances par rapport aux problèmes essentiels du conflit, à savoir les droits nationaux des Palestiniens et surtout le droit au retour de millions de réfugiés palestiniens ayant été chassés de chez eux par la force des armes et du terrorisme organisé. Pas étonnant, dès lors, que de telles initiatives de paix se transforment en instruments pour effacer l’essence du combat national palestinien et rallier les majorités à la vision israélienne.

Ceci dit, le problème, ou même le piège, que pose la solution des ‘deux États’ aux Palestiniens est limpide. On pourrait faire confiance à des  changements stratégiques et historiques visant à résoudre le conflit si la solution des ‘deux États’ est basée sur des dispositions claires. Une solution se baserait sur la Résolution 194 de l’Assemblée Générale des Nations Unies (faisant appel au retour des réfugiés palestiniens) et les résolutions demandant le retrait d’Israël des frontières du 4 juillet 1967 ainsi que la suppression de ses colonies situées en Cisjordanie et à Jérusalem. Quoi qu’il en soit, la logique américano-israélienne, la collusion européenne, la passivité palestinienne et le désarroi arabe ébranlent ce type de solution des ‘deux États’.

Car en pratique, les positions politiques israéliennes sont aux antipodes de cette vision. L’état envisagé par George Bush et Ariel Sharon se relève être un piège mettant en péril les droits inaliénables des Palestiniens. Les frontières de l’État sont maintenant établies sur la base du Mur de Séparation, ce qui laisse encore plus de terres à Israël. Les responsables israéliens soutiennent qu’il est impossible de démanteler les principales zones de colonisation, qui, selon eux, devraient être annexées à Israël. L’annexion de terres supplémentaires et de ressources stratégiques en eau, la rupture de la continuité géographique de la Cisjordanie et de la bande de Gaza et les changements géographiques et démographiques de Jérusalem en sont la conséquence. Tout cela mène à une situation servant exclusivement les intérêts d’Israël.

Le droit au retour reste un sujet tabou pour Israël, car il implique la destruction de l’État hébreux sioniste. L’administration américaine adopte la même attitude. Les Palestiniens font face à une politique cherchant à résoudre le conflit par la reconnaissance d’une partie du projet colonial sioniste accompli. Cette résolution déboucherait alors sur l’occupation, elle met fin au combat palestinien et permet aux faits accomplis de définir une solution permanente.

Ces éléments sont essentiels sur la scène politique mondiale. L’avenir des initiatives politiques ne promet pas beaucoup de changements. Même si l’on peut jouer sur les mots, l’axe de contrôle et de domination israélien ne sera pas vaincu de sitôt. Si l’on prend en compte l’expérience historique et politique en matière de paix depuis 1990, la question principale reste la suivante : quelle est l’alternative ? De plus, comment allons-nous aborder les défis actuels et réaliser nos objectifs stratégiques ?

En jugeant les défis actuels, nous devrions trouver comment prendre en main ce conflit et la lutte national. Nous ne devrions pas nous soumettre  à la réalité actuelle, très complexe et contradictoire. Régler le conflit entre Israël et la Palestine nécessite plus qu’un simple dialogue politique. Il est avant tout vital de s’opposer aux différents modèles israélo américains inadaptés d’un État palestinien. Les solutions doivent être fondées sur le droit international, la lutte, la résistance et le rejet des conditions israéliennes.

La résistance nous permet de maintenir une dynamique d’action : l’initiative et la capacité de passer d’une attitude défensive et réactionnaire à une attitude plus pro active. Il est donc important de s’opposer au projet américano-israélien car il nie les conditions de base et la légitimité requise pour une victoire politique. Plus important encore, il nie les principes éthiques de base, la légitimité et l’humanité. Seul le respect des droits inaliénables du peuple palestinien, en particulier le droit au retour, garantiront l’unité nationale et la victoire.

Alors que les Palestiniens continuent à se battre pour leur objectif principal, à savoir la fin de l’occupation israélienne et des territoires occupés depuis 1967, il faut relever le débat et le lutte à un niveau stratégique, plus particulièrement encore pour le droit au retour. Ce débat et cette lutte doivent s’opposer au caractère sioniste de l’État d’Israël et à son rôle colonial dans les régions, faisant tous deux partie intégrante du projet impérial au Moyen-Orient. La question principale et les difficultés profondes qui ont marqué le conflit entre les Arabes et les Sionistes ou celui entre les Israéliens et les Palestiniens depuis le début ne pourra être traité ou résolu que par le biais d’un projet démocratique, humaniste, progressiste et complet, l’antithèse du projet sioniste.

Dans ce contexte, l’idée d’un seul État démocratique en Palestine Historique peut être perçue comme une évolution humaine et politique vers une solution prenant en compte les sources et les faits du conflit. Cette solution devrait pouvoir répondre aux questions complexes d’ordre historique, politique et humain. Elle s’apparente maintenant à un rêve magnifique dépassant les manœuvres actuelle, les politiques racistes, la culture et les idées chauvines.

La solution d’un seul État permet d’aller vers une solution juste et raisonnable pour les réfugiés palestiniens en s’appuyant sur leur droit de retour vers leurs maisons d’origine. Elle nous permet également de répondre aux besoins des Israéliens de vivre dans ce pays sur une base égalitaire, en tant que citoyen traditionnel et de trouver une solution à la problématique entre l’État hébreux et les États arabes voisins. Dans ce contexte, la nature de l’État serait définie de manière démocratique pour tous ses citoyens. De plus, la solution d’un État pourrait atténuer le sentiment de haine persistant, les effusions de sang et l’injustice pour mener le Moyen-Orient vers une nouvelle ère de paix, de liberté et de développement, loin des politiques de contrôle et de domination.

Une solution fondée sur la coexistence et l’intégration dans cette région répond de manière politique et très humaine autant à la question juive qu’aux droits des Palestiniens. La coexistence ne faisait pas partie des options proposées par les pouvoirs impériaux pour la question juive en Europe, c’est pourquoi ils l’ont soumise au Moyen-Orient.

Les idées présentées dans cet article veulent être une base visant à encourager le dialogue et la discussion. Ce débat comporte d’autres dimensions que l’on ne saurait traiter ici. Par exemple, quelles sont les implications pratiques de cette vision ? Quel serait le rôle du mouvement national ? Comment réagirait la communauté israélienne ? Pourrait-on lancer un processus d’intégration complet entre les deux parties ? Quel serait le rôle joué par les communautés internationale et arabe ? Même si beaucoup de questions restent sans réponse, j’espère que cet article pourra servir de catalyseur pour stimuler les esprits et permettre l’analyse claire de nouveaux développements. Il est important de replacer les idées dans leur contexte historique, social et politique à long terme.


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