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Note de la rédaction : En janvier 2006, la revue palestinienne Al Majdal (publiée par Badil Resource Center for Palestinian Residency & Refugee Rights) se penchait sur les possibles stratégies de la lutte palestinienne. Plus précisément, quel doit être son objectif ?  Faut-il continuer revendiquer deux États séparés ?  Ou un seul État ? Nous republions dans ces pages quelques uns des points de vue exprimés sur cette question.  Ces documents sont également disponible sur le site d'Intal, un organisme belge de solidarité internationale.

Cliquez sur ce lien pour plus d'infos sur Badil et la revue Al-Majdal.

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Par Hani Al Masri (*)

(*) Hani Al Masri est journaliste palestinien et chroniqueur permanent du journal Al Ayyam, à Ramallah et du quotidien Al Haya publié à Londres. Il est le directeur général du département de publication et d’organisation des médias au ministère de l’information palestinien. Avant son retour en Palestine en 1994, il était rédacteur en chef du magazine Nida’Al Watan.

 

Quand j’ai réfléchi à ce que j’allais écrire pour votre magazine intitulé « La solution d’un seul État, celle des deux États et les droits des réfugiés palestiniens », je me suis rendu compte que ce sujet ne serait pas complet tant que l’on ne prendrait pas en compte la solution de l’État morcelé ; Et ce, parce que l’État palestinien souhaité est un État partiel, dont les frontières sont provisoires et comprenant moins de 50% des terres occupées en 1967.

J’en suis arrivé à la conclusion que l’État palestinien en formation était en fait un État morcelé caractérisé par une discontinuité géographique, un manque de souveraineté, l’exclusion de Jérusalem, de larges bandes de terres occupées par des groupements de colonies juives et la négation du problème des réfugiés. À moins que les choses ne changent, il ne faudra pas beaucoup de temps pour que cet État morcelé devienne une réalité, un peu comme quand Israël a opéré son retrait de la bande de Gaza. Nous ne devons pas nous leurrer, mais nous devons plutôt reconnaître qu’Israël est parvenu à faire de grands pas en avant pour faire de la solution de l’État morcelé la solution la plus réaliste. Lorsque Israël réalisera ses projets de colonisation, de judaïsation et d’isolement de Jérusalem et la construction du Mur de Séparation raciste, il sera difficile voire impossible de faire face à cette solution.

L’option d’un seul État est devenu très faible, plus que jamais, tout simplement parce qu’elle se passe en dehors du consensus israélien. Elle est encore plus éloignée du consensus israélien que la solution des deux États, particulièrement depuis qu’Israël a décidé que l’établissement de certaines entités territoriales palestiniennes, qu’ils appelleront État, est dans son meilleur intérêt. Une telle entité ne sera un État qu’en théorie, mais son établissement permettrait à Israël de déclarer que « l’occupation est terminée », la libérant ainsi de toutes ses obligations tout en gardant les avantages et les privilèges. Cette solution désamorcera aussi la menace de la « bombe démographique » en faisant disparaître le hasard d’une solution d’un seul État, qui mènerait soit vers un État binational et vers la fin du caractère juif d’Israël, soit vers un État d’apartheid. L’apartheid transformerait Israël en un État isolé et paria, ce qui l’affaiblirait et inviterait les autres pays à le combattre.

Le besoin d’un État palestinien est devenu un consensus international ; c’est ce qu’a affirmé l’Assemblée Générale des Nations unies et les résolutions du Conseil de sécurité, et ce besoin fait maintenant partie de la vision du président Bush et de la feuille de route de la communauté internationale. Israël prend conscience, particulièrement sous le gouvernement Sharon, qu’il est inutile d’aller à l’encontre d’un tel consensus et a décidé d’accepter ce principe en théorie même si en pratique, il le vide de son sens. Le conflit israélo-palestinien ne concerne plus la création ou non d’un État palestinien mais la nature de cet État : sa superficie, sa capitale, le type de souveraineté et l’extension du contrôle sur le pays, la population, les frontières, les check point, l’eau, et les espaces aériens.

Dans ce contexte, et sur la base du consensus de la solution des deux États, Israël soutient qu’une telle solution ne se matérialisera jamais, à moins que l’on ne restreigne le droit de retour des réfugiés à la région du futur État palestinien. Cet État devrait garantir à tous les Palestiniens le droit d’acquérir sa citoyenneté et d’y vivre et d’y travailler, peu importe si l’on trouve une solution permanente à la question des réfugiés et la manière de l’appliquer.

Les réfugiés palestiniens représentent la majorité de la population palestinienne vivant hors de leur pays d’origine, la Palestine, et quelque 40% de la population de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sont des réfugiés. Ce qui veut dire qu’un État palestinien éprouvera d’énormes difficultés pour absorber les très nombreuses personnes de retour dans leur pays d’origine, y compris ceux qui se trouvent déjà actuellement dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Accueillir des réfugiés exige une capacité d’absorption importante, des ressources financières et des terres. Vu les moyens financiers limités d’un futur État palestinien, il y a de fortes chances qu’il ne puisse pas se développer et atteindre une situation stable, ce qui à son tour, pourrait pousser ses habitants à envisager l’émigration, au lieu de chercher un travail et de la stabilité pour leurs familles.

L’une des motivations les plus importantes d’Israël le poussant à imposer la solution d’un État morcelé est le fait qu’un tel État serait actuellement incapable d’absorber un nombre important de réfugiés dans ou hors du pays d’origine. La dernière chose que souhaite Israël est le « retour des réfugiés », même si c’est vers un État palestinien. Il se peut qu’Israël accepte leur retour vers un État palestinien, mais il fera tout pour rendre ce retour indésirable ou même impossible. Israël veut le moins possible de Palestinien dans la région située entre le Jourdain et la mer Méditerranée, parce que le premier souci d’Israël est de savoir comment contenir la croissance démographique palestinienne dans la région afin de permettre plus d’expansion au pays et l’absorption de plus d’immigrants juifs.

Sur la base de tout cela, nous devons en arriver à la conclusion que ce qu’Israël a réalisé, avec le soutien des États-Unis et l’impuissance des États arabes, ne représente pas un effort visant à trouver une solution juste et équitable au conflit, mais plutôt un projet stratégique et étudié pour éliminer tous les aspects de la cause palestinienne. De nombreux Israéliens, y compris Sharon, savent qu’il est impossible d’atteindre une solution juste maintenant, ni dans un futur proche parce que le maximum qu’ils acceptent de céder aux Palestiniens se situe sous le minimum acceptable même pour des Palestiniens modérés. C’est une situation qui a donné lieu à l’idée israélienne d’une solution temporaire « en plusieurs phases » et à son désengagement de la bande de Gaza. La « guerre contre le terrorisme », un État palestinien provisoire ou une solution israélienne multilatérale, imposée pas à pas selon les besoins des Israéliens, sont des composantes additionnelles de cette même idée. Tous les Israéliens n’acceptent pas de faire des concessions limitées en échange des réalisations de la solution israélienne à la question des réfugiés palestiniens. Certains Israéliens s’opposent au redéploiement de la bande de Gaza et à l’évacuation des colonies qui y sont installées. Ce groupe d’Israéliens s’opposera aussi au retrait des « avant-postes illégaux » et des colonies juives isolées de Cisjordanie. Ils croient qu’Israël bénéficie d’une position confortable et que puisque les Palestiniens ne comprennent pas le langage de la force, de la guerre et des atrocités, aucun accord mutuel ne doit être recherché.

Ariel Sharon et ses partisans connaissent les limites des capacités d’Israël et sont prêts à faire des concessions limitées pour atteindre la sécurité en Israël ainsi qu’un rôle économique et politique plus important, pas seulement en Palestine mais dans l’ensemble de la région. En échange de Gaza, ils veulent plus de la moitié de la Cisjordanie, y compris Jérusalem. Ils ont l’intention de nier tous les problèmes liés au statut final, de bloquer le développement d’un État palestinien entièrement souverain, d’empêcher la solution d’un seul État et de détourner toute initiative internationale ou arabe susceptible d’être imposée à Israël s’il ne prend pas lui-même l’initiative.

Le  droit au retour des réfugiés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza est donc absent de ce programme, comme l’espéraient ou le préconisaient certains défenseurs de la future Palestine. En fait, le programme à long terme est de réinstaller les réfugiés palestiniens dans leurs pays d’exil. Tout comme une personne qui a donné un chèque sans provision, les réfugiés palestiniens obtiendront leur droit de retour vers un État palestinien morcelé, mais l’exercice de ce droit sera, en pratique, renié. Actuellement, il n’y a pas de débat ou de recherche pour des solutions durables et au lieu d’imposer une solution basée sur le droit international pour la question des réfugiés, on donne effectivement un droit de veto à Israël.

Les Palestiniens, les Arabes et les membres de la communauté internationale doivent rassembler leurs forces pour empêcher Israël d’imposer une solution. Jusqu’à ce qu’elle soit accomplie, le débat palestinien interne sur la meilleure solution est insensé parce qu’alors que nous nous disputons sur la signification du mot retour, à savoir s’il signifie retour pour tous, pour la moitié ou pour une partie des réfugiés vers Israël ou vers un futur État palestinien, la question des réfugiés palestiniens, l’essentiel de la cause palestinienne, est actuellement balayée d’un trait. Sommes-nous conscients de ce qui est prévu pour nous, pouvons-nous relever le défi ? Ou allons-nous nous laisser submerger par les détails et les points de discordes d’ordre secondaire ?
 

 


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