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Note de la rédaction : En
janvier 2006, la revue palestinienne Al Majdal (publiée par Badil Resource
Center for Palestinian Residency & Refugee Rights) se penchait sur les
possibles stratégies de la lutte palestinienne. Plus précisément, quel doit
être son objectif ? Faut-il continuer revendiquer deux États séparés ?
Ou un seul État ? Nous republions dans ces pages quelques uns des points de
vue exprimés sur cette question.
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et la revue Al-Majdal.
***
Par Muhammad Baraka
(*)
(*) Mohammad Baraka est le
chef du Front démocratique pour la paix et l’égalité. Il est également
député à la Knesset et chef de la coalition formée par le Front démocratique
et du Mouvement arabe pour le changement à la Knesset.
Il arrive parfois que les
choix tragiques posés dans un contexte bien déterminé ainsi que les
dilemmes politiques posés par la lutte pour la liberté et les droits du
peuple palestinien accouchent d’idées, de conférences et d’initiatives
allant à l’encontre de la paix et bloquent toute issue au conflit. Ces idées
sont fondées sur l’exagération et sont avancées par des intellectuels
désespérés et paresseux préférant les studios confortables et les
projecteurs des caméras de télévision au travail difficile que demande la
vraie bataille politique.
Je ne peux considérer
l’idée d’un seul État pour deux peuples, émergeant de temps à autre de notre
scène politique, comme une alternative à la poursuite de notre combat pour
un État palestinien et le droit au retour. Je trouve que cette idée, dans la
situation actuelle, est une expression du désespoir intellectuel et du désir
ardent de confort. Afin d’éviter toute ambiguïté, je tiens toutefois à
préciser que ce jugement ne s’applique pas aux personnes qui ont toujours
plaidé en faveur de la création d’un seul État. Le traitement de leurs
arguments et leurs thèses relèvent d’un domaine complexe et différent qui
dépasse le cadre de cet article.
Il est important de
souligner que le slogan «deux États pour deux peuples » ne signifie pas que
nous sommes en faveur de la création de deux États, un aujourd’hui et un
autre demain, étant donné que l’un des deux États existe déjà sur un
territoire qui s’étend bien au-delà des frontières qui lui était attribuées
à la base. La vraie signification du slogan qui appelle à la création des
deux États est une solution historique, humaniste et nationale à la cause du
peuple palestinien. C’est un moyen de mettre un terme à l’expulsion
criminelle des Palestiniens de leur terre et au déni de leurs droits à la
liberté et à l’indépendance.
Ahmad Qurei (Abu Alaa’),
le Premier Ministre palestinien, faisait erreur lorsqu’il proféra des
menaces à l’encontre de l’État d’Israël (le 8 décembre 2004) en déclarant
que les Palestiniens demanderaient l’établissement d’un seul État pour deux
peuples si Israël s’obstinait à ne pas reconnaître aux Palestiniens leurs
droits, à savoir le droit de créer leur propre État, et que les Palestiniens
demanderaient leur droit de vote pour élire les membres de la Knesset ou
d’un parlement commun.
Certains partisans de la
paix se sont joints aux mouvements qui revendiquent la création d’un État
comme une alternative à l’établissement de deux États. Ces revendications
ont, par exemple, été publiées dans une interview réalisée par Ari Shavit de
Haim Hanegbi, défenseur de la solution à un État, membre de l’organisation
progressiste Matzpen et activiste dans des mouvements pacifistes et
syndicaux, et Meron Benvenisti, ancien député du maire de Jérusalem Teddy
Kollek, chercheur académique et membre du Meretz. (Ha’aretz, 5 août 2003).
Qui s’est opposé à
l’établissement d’un seul État démocratique et indépendant en Palestine à
la fin du mandat britannique ? Les Arabes palestiniens qui subissaient des
blocages économiques ? Les juifs palestiniens qui subissaient également des
blocages économiques ? Personne ne demanda l’avis de ces peuples. Aucun
doute ne subside sur le fait qu’un État unique, basé sur les principes
d’égalité, de démocratie et de justice sociale, est le rêve de toute
personne intelligente qui n’est pas raciste. «Le seul moyen pour que les
juifs résidant en Palestine puissent mener une vie paisible et sereine est
qu’ils se libèrent de toute influence externe et .» C’est]
un seul État[qu’ils
oeuvrent en faveur d’une Palestine démocratique ce que le Parti Communiste
palestinien a proposé en 1944 avec le soutien de ses membres. La même année,
la Ligue de libération nationale, qui compte les Arabes communistes parmi
ses adhérents, exigeait aussi «la fin du mandat britannique et la mise en
place d’un gouvernement palestinien indépendant et démocratique.
L’histoire du mandat
britannique n’a pas encore été mise en lumière. Le mandat britannique sur
la Palestine émane d’une décision de la Ligue des Nations et, durant son
mandat, la Grande Bretagne céda la Palestine au mouvement sioniste. Il ne
pas perdre de vue que le colonialisme britannique était tout aussi sioniste
que le mouvement sioniste lui-même. Bon nombre des forces politiques ont
œuvré d’arrache pieds pour saper le projet démocratique palestinien au
profit du mouvement sioniste dans la région et des Britanniques, et par la
suite, au profit de l’impérialisme américain. Ils justifiaient toutes leurs
politiques en avançant des arguments basés sur la métaphysique d’une
promesse biblique, le sentiment de culpabilité que ressentait l’Europe à la
suite des crimes nazis ou leurs intérêts en vue de contrôler le marché de
l’or noir et de dominer le Moyen-Orient.
L’échec du projet
démocratique palestinien (un seul État) fit place à un autre projet, un plan
visant à mettre un terme au mandat britannique en instaurant le principe
d’autodétermination pour les deux peuples présents sur le territoire. Ce
projet est connu sous le nom de «plan de partition » et bénéficiait du
soutien des communistes arabes et juifs de la Palestine et ce plan voulait
empêcher le projet impérial sioniste qui s’imposa par la suite en Palestine.
Le slogan «deux États pour deux peuples » dans sa forme la plus récente
(après 1967) peut être attribué aux communistes qui avaient adhéré au
principe fondamental du Plan de partition de 1947, à savoir, le droit à
l’autodétermination du peuple palestinien une fois que l’État d’Israël
serait créé.
Il est vrai que la
solution de deux États fut rejetée par les Palestiniens et encore plus par
les Israéliens. Par la suite, Israël et ses alliés déformèrent l’idée à un
tel point que Colin Powell, en réponse à Abu Ala, écrit : « les États-Unis
sont entrain de travailler sur une solution basée sur la création des deux
États. » (9 décembre 2004). Le président Bush, dans ses garanties faites à
Sharon, déforma davantage cette solution en reconnaissant les territoires
colonisés par Israël et le mur de séparation raciste. Il a par ailleurs
parlé du droit au retour dans l’entité palestinienne qui est supposé devenir
l’État palestinien selon la conception américaine de la solution à deux
État. Et Sharon alla encore plus loin dans son discours devant l’Assemblée
générale des Nations Unies (15 juin 2005), lorsqu’il parla du droit des
Palestiniens à établir leur État indépendant, après avoir affirmé que
Jérusalem «unifiée » restera «l’éternelle capitale d’Israël et que «le
peuple juif a un droit sur toutes les terres d’Israël. » Et d’ajouter d’un
ton empreint d’un extrême sionisme que concéder le sommet d’une falaise ou
d’une colline équivalait à abandonner le cœur de la terre sainte.
La solution de deux États
est-elle réellement devenue une solution sioniste-israélienne ? Seuls les
imbéciles et les naïfs peuvent tenir un tel raisonnement, ne tenant pas
compte du fait que les forces régionales et internationales représentent un
défi et une réelle menace en essayant de changer les faits sur le terrain et
de rendre impossible l’émergence de deux États. C’est le but qui se cache
derrière le mur de séparation, l’intensification de l’occupation en
Cisjordanie, l’isolation de Jérusalem et la division en deux du nord et du
sud de la Cisjordanie par le biais du projet colonial d’établir une liaison
entre Jérusalem et Ma’ale Adumim. Les même pouvoirs, en plus, travaillent
pour contourner les lois internationales en créant des nouveaux concepts et
termes de référence pour des fins politiques. La vision du président Bush,
la « Feuille de route », « l’État palestinien provisoire sans frontières »,
la « Guerre contre le terrorisme », le « plan de désengagement », les
garanties de Bush à Ariel Sharon et les réserves émises par Israël sur la
Feuille de route, par exemple, autant d’efforts entrepris pour contourner
les lois internationales et créer des nouvelles références de discussion.
Si nous combinons les
facteurs susmentionnés, c’est à dire les changements imposés «les faits
accomplis » et le non-respect des droits internationaux, avec
l’essoufflement du camp de la paix en Israël, les alternatives proposées par
la droite israélienne, la montée croissante du fondamentalisme chez les
Palestiniens et l’acharnement d’Israël à détruire l’Autorité Palestinienne
légitime, nous nous rendons en effet compte que notre solution de deux États
pour deux peuples doit faire face à des obstacles de taille. Ces obstacles
ont conduit de nombreuses personnes à abandonner la lutte et à lancer des
slogans d’un seul État ou d’un État binational. Ils dissimulent leur abandon
en déclarant qu’il s’agit d’un pas en avant, d’un progrès, d’un pas qui va
contrer le projet impérial sioniste ou—pour reprendre les termes d’un
apologiste de la solution à un seul État—d’ «un pas nécessaire vers
l’abandon de la fantaisie de souveraineté. » Qui, au juste, devrait
abandonner la souveraineté ?
Il y a une grande
différence entre le concept d’ «un seul État » et le concept d’un «état
binational ». Je tiens seulement à signaler brièvement qu’un seul État
signifie l’État des citoyens, alors que l’État binational signifie partage
du pouvoir entre les deux peuples et ce partage se fonde sur un mécanisme
négocié. Si la création de «deux États pour deux peuples » signifie la fin
de l’occupation de la Cisjordanie, Jérusalem inclus, et la Bande de Gaza et
la résolution de la question épineuse des réfugiés, que signifierait alors
la solution d’un seul État étant donné qu’elle requière une occupation plus
complexe et plus en profondeur ? Je pense qu’à arriver à une solution basée
sur la mise en place d’un seul État est impossible dans les circonstances
actuelles, à moins que nous basions sur l’hypothèse peu judicieuse que le
Sionisme sera tout un coup dicté par les principes moraux, abandonnera son
essence et se muera en un principe civilisé et humain. Une hypothèse
alternative, tout aussi utopique et dépassée, soutient que les forces
populaires de la révolution émergeront des vagues de l’océan, traverseront
le golfe arabe et répandront la justice et la démocratie en Palestine.
Il convient toutefois de
noter que, les partisans de la solution à un seul État dans la société
israélienne ont manifesté leur désespoir quant au changement de leur propre
société. Dès lors, ils s’en sont venus à convaincre les Palestiniens à s’y
faire à l’inévitable, c’est à dire l’occupation éternelle. Selon cette
logique, la lutte vise à présent à améliorer les conditions de vie de
l’occupation et à instaurer des droits civils égaux dans un seul État,
plutôt qu’à atteindre l’autodétermination et la souveraineté. Cette logique
est une réminiscence d’une vielle idée de Shimon Pères qui prônait
l’instauration d’un mécanisme de «division fonctionnelle » et le projet de
Moshe Arens dans les années 1980 qui visait à maintenir l’occupation de la
Cisjordanie et de la Bande de Gaza en y «améliorant les conditions de vie ».
Il me paraît claire que les partisans de la solution à un seul État,
Palestiniens et Israéliens confondus, ne proposent pas de cimenter
l’occupation par divers moyens. En revanche, ils citent l’Afrique du Sud en
exemple pour prouver la validité de leur vision. La comparaison avec
l’Afrique du Sud est-elle un exemple valable ?
La question
d’autodétermination pour deux nations ne se posait pas en Afrique du Sud. De
fait, la majorité, les propriétaires du pays, était exclue du pouvoir et
c’est pour cette raison qu’elle s’est révoltée pour le prendre. En
Palestine, par contre, les propriétaires originaux de la terre dans la
Palestine historique sont devenus minoritaires. Le partage du pouvoir avec
l’actuel régime israélien d’occupation, pourrait-il dans ce cas, apporter
une solution au problème? En outre, les Sud-Africains ont réussi à résoudre
le problème des droits civils, mais les problèmes économiques et sociaux
persistent et, qui plus est, la capitale du pays est toujours sous la coupe
des Blancs. Il est vrai que les Noirs ont le droit de voter, mais il leur
manque toujours les ingrédients nécessaires pour mener une vie digne. Il
est de notoriété publique qu’il existe des différences frappantes au niveau
des conditions socio-économiques entre la communauté juive vivant en Israël
et la communauté palestinienne vivant dans les territoires occupés. L’État
hébreu a transformé ces territoires en un laboratoire servant à mener des
expériences en matière de répression, de domination, de pauvreté et de
chômage, tout en gardant le monopole sur les pouvoirs politique et militaire
ainsi que sur les relations publiques. Au vu de ce pouvoir très
déséquilibré, l’établissement d’un État unique ne nécessite même pas
qu’Israël négocie ou coopère avec le peuple palestinien, son autorité
nationale ou ses dirigeants politiques.
Est-il possible, en se
basant sur les faits, qu’une solution à un seul État négociée puisse
entraîner un système politique qui pourra surmonter la domination des
classes sociales et l’esclavage ? Peut-on concevoir que la création d’un
seul État pourrait ne pas porter atteinte à la culture et à l’héritage
national du peuple palestinien, à leur droit à l’autodétermination ainsi
qu’à leur droit au retour ?
De surcroît, le peuple
palestinien et son mouvement national ne se basent pas sur un projet
économique ou militaire. Contrairement au Sionisme britannique ou américain,
le peuple palestinien ne représente pas une réserve stratégique pour un
nouvel ordre mondial sorti de l’imagination des États impériaux. Les
Palestiniens font parti d’un phénomène naturel qui coexiste en parfaite
harmonie avec l’histoire, la civilisation et la géographie. Ils sont un cas
des mémoires collectives et individuelles qui dépassent les idées
nostalgiques et ils aspirent à recréer le temps, l’espace et l’humanité en
tant qu’une entité indépendante.
Si l’on considère le
modèle de la «citoyenneté » arabe palestinien en Israël, le droit égal de
vote dans un seul État pourrait-il signifier un partage équitable de pouvoir
? Le pouvoir entre les deux groupes nationaux n’est pas équilibré dans tous
les aspects, l’aspect socio-économique y compris, ce qui rend la solution
d’un État unique utopique. Par ailleurs, un nombre considérable de sujets,
tel que la question des réfugiés, sont étrangement exclus de la table de
négociation.
Peut-on se demander, et
ce à juste titre, si la solution d’un seul État peut résoudre le problème
des réfugiés palestiniens. Autrement dit, la solution d’un État unique
pourrait-elle donner des résultats qui diffèrent des résultats actuels et
créer le climat nécessaire à l’élaboration d’une solution aux problèmes des
réfugiés ?
La loi sur la citoyenneté
d’un seul État permettrait-elle de fournir une réponse au droit au retour
des Palestiniens et abroger la loi israélienne sur le retour qui garantie la
citoyenneté automatique à tous les Juifs de la planète ? La société
israélienne donnera-t-elle son accord pour sacrifier le caractère hébreu de
l’État et arrêtait-elle le débat archaïque sur la fertilité palestinienne et
les soucis démographiques ? Ceux qui appellent à «un seul État maintenant »
croient-ils vraiment que ce slogan est plus réaliste que la «concession »
par Israël de la Cisjordanie et de Jérusalem ?
Il n’existe guère de
partenaire israélien qui soit en faveur de la solution à un seul État et
c’est pas demain la veille qu’il y en aura. Dès lors, plaider en faveur de
la création d’ «un seul État maintenant » c’est demander clairement au
peuple palestinien d’abandonner ses demandes, sa lutte et son droit à
l’autodétermination sans avoir la promesse d’avoir une terre ou un avenir.
Après l’échec du projet
sioniste de droite de «récupérer toutes les terres d’Israël », est-il
probable que les forces de paix israéliennes vont, malgré leur
fléchissement, s’unir avec quelques Palestiniens afin de construire une
unité après cette fragmentation ?
Les batailles et les
luttes difficiles créent un affaiblissement et des problèmes qui nécessitant
un traitement à court ou à long terme. Nous faisons cependant une grave
erreur si nous voyons dans cette faiblesse et dans ces problèmes un signe de
force. L’idée d’un seul État qui s’étend de la rivière jusqu’à la mer, à ce
stage du conflit israélo-palestinien et particulièrement après la création
d’Israël, émane des personnes qui ne reconnaissent pas l’existence de
l’autre. Les forces de paix israéliennes ne peuvent pas s’engager dans ce
projet qui affaiblit leur rôle. Les forces de libération palestiniennes ne
peuvent pas promettre à leur peuple de poursuivre la lutte sans avoir
«quelques raisins doux à offrir aux gardes », l’oppresseur israélien.
La création d’un seul
État est le rêve des internationalistes, une route sans issue.
Malheureusement, les nombreuses défaites créent un besoin de ce genre
d’idées. C’est une idée démocratique et intelligente qui doit être
entièrement élaborée. Les principes profonds qui se cachent sous ce rêve
pourraient trouver leur chemin dans le cadre d’un accord entre deux États
indépendants : une Palestine libre et indépendante et un Israël libéré du
sionisme. Le peuple palestinien a besoin de se remettre de ses souffrances,
d’une chance de définir son identité et son développement économique de
façon à favoriser l’émergence d’une communauté libre après des longues
années d’occupation, de massacres, d’oppression et d’expropriation. Pour que
cela puisse se produire, il faut mettre en place un État indépendant,
souverain et unifié grâce au règlement du problème des réfugiés. La plupart
de nations de la planète ont bénéficié du droit à l’autodétermination, mais
pas le peuple palestinien. Nul n’a le droit de proposer une solution de
rechange à ce droit. Ce n’est pas un luxe mais bien une nécessité qui ne
peut être remplacé par des options invraisemblables, que ce soit la mise en
place d’un seul État ou d’un État binational.
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