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Lettre ouverte d'un camarade en réaction à ceux qui prétendent encore que le Canada est en Afghanistan pour défendre la démocratie
Note : L'an dernier, une étudiante de l'UQAM, Annabelle Berkani réagissait dans les pages du journal La Presse pour mettre en évidence les contradictions existant dans le discours de ceux et de celles qui disent que le Canada devrait rester en Afghanistan. Cette étudiante était rapidement pris à partie par le chroniqueur Richard Martineau, dans les pages du Journal de Montréal. Le texte qui suit, signé par Claude Vallée, se voulait une réponse visant à remettre les pendules à l'heure par rapport aux mythes existant toujours autour de la question de la démocratie et de la recherche d'une plus grande justice sociale. Envoyé au journal La Presse, il ne fut jamais publié par celui-ci. À cause de la pertinence du propos tenu, dans le contexte actuel où le débat entourant le maintien de la présence du Canada en Afghanistan est plus que jamais sur la scène publique, nous reproduisons ici ce texte.
***
Par Claude V.
Madame Annabelle Berkani,
Dans une ''Lettre a Catherine Déri et aux militaires québécois qui s'en vont occuper l'Afghanistan'', vous soulevez très justement le fait que les soldats devraient se poser la question sur les raisons de cette guerre et pourquoi ils devraient refuser d'y participer. Très justement et précisément, vous soulevez le fait que les pays impérialistes comme le Canada et les États-Unis, envoient de jeunes gens et de jeunes femmes servir de ''chair à canon'' pour faire la ''sale business de ceux qui soi-disant représentent le peuple...'' alors qu'ils se bâtissent des richesses sur le dos de millions de leurs concitoyens qui s'appauvrissent inexorablement dans des conditions atroces.
Vous avez très justement soulevé le point essentiel de l'hypocrisie de l'Empire contre le peuple Afghan, tantôt pro Talibans, tantôt contre, selon les intérêts impérialistes du moment.
Très justement aussi vous soulevez le point essentiel du droit a l'autodétermination des peuples reconnu officiellement par l'ONU et violé systématiquement au profit des puissances de l'argent, la Haute finance internationale. Très justement aussi et supportée par une profusion de statistiques, vous démontrer l'injustice et le sophisme de la soi-disant ''aide à l'Afghanistan'' que nous servent nos gouvernements occidentaux pour justifier l'envoi de troupes alors que les sommes considérables injectées dans l'achat d'armes sophistiquées pourraient servir bien mieux à une véritable reconstruction d'un pays sous un gouvernement qu'il se serait légitimement choisi à travers ses propres luttes et ses propres expériences, suivant ainsi sa propre évolution historique.
Il y a cependant quelques points a votre exposé qui portent litige et qui ont donné lieu à une contre offensive infâme et pourrie d'un journaliste du Journal de Montréal, Richard Martineau, le lendemain de la parution de votre lettre dans le Devoir de ce 26 juin 2007. Je transcris ici ce que vous avez écrit dans ce paragraphe:
''La démocratie ne s'impose pas. Les droits de l'homme, les droits des femmes, doivent naître d'eux-mêmes. La démocratie, c'est quelque chose qui émane naturellement d'une société quand elle est prête. La démocratie c'est peut-être aussi quelque chose de purement occidental. Les peuples moyens-orientaux, si on peut finir par les laisser tranquilles, feront eux aussi, un jour, leur révolution tranquille, mais ce sera selon leurs termes, en respect de leurs cultures respectives. La femme ira à l'école quand la société toute entière aura décidé qu'elle pourra aller à l'école. Pas parce qu'une patrouille occidentale armée jusqu'aux dents l'y accompagnera tous les matins.''
Il n'en fallait pas plus, Madame Berkani, pour que quelqu'un comme Richard Martineau saute sur l'occasion pour faire une feuille de choux dans l'unique but d'épater sa galerie a vos dépends. Il vous a pourfendu sur les faiblesses de votre exposé en escamotant vicieusement l'essentiel de votre discours. Et je m'en serais voulu de ne pas intervenir, vous le comprendrez.
Il ne faut pas oublié, en effet, que la démocratie s'est imposée tout au long de l'histoire à travers des guerres terribles surtout en Europe occidentale. La réaction féodale faisait tout son possible pour se maintenir au pouvoir pendant ces épisodes de l'histoire qui, dans un saut qualitatif, allaient faire basculer ce vieil ordre pour faire place à un plus jeune, moderne, qui répondait mieux aux besoins grandissants d'une population dont les modes d'échange et les formes de production étaient déjà en mutation accélérée. Donc, que la démocratie soit un phénomène occidental soit ! Mais ''purement occidental'', non ! Il s'est passé le même phénomène en Asie et au Moyen Orient sauf que le processus a été ralenti, voire même stoppé, par les puissances occidentales. En pleine expansion de leur production, ces dernières purent aller piller les ressources naturelles dont elles avaient besoin pour leurs jeunes industries et ce, en toute impunité, pendant des générations de travailleurs sous payés et affamés. Elles volèrent sans vergogne ces peuples, de l'Europe a l'Asie, en passant par le Moyen Orient et l'Afrique pendant la majeure partie du XVIIième et du XVIIIième siècle. Elles ont ainsi amassé des capitaux considérables qui leurs ont permis, par la suite, de solidifier leur hégémonie sur le monde jusqu'a nos jours. Il eût fallu à ces peuples conquis de prendre les armes pour chasser très tôt l'envahisseur, et il y eût effectivement d'héroïques tentatives (la résistance des peuples autochtones des Amériques et des peuples d'Afrique contre leurs envahisseurs respectifs en donnent de nombreux exemples). Mais une technologie d'armement et des techniques de guerre inappropriées contre l'envahisseur, ont amené la défaite de ces peuples et la corruption subséquente des âmes les plus fourbes au profit de l'Empire naissant de la Haute finance internationale. Non Annabelle, la démocratie ne vient pas ''naturellement'', elle se gagne de haute lutte, mais ce n'est pas la démocratie que les États-Unis et le Canada vont défendre en Afghanistan, mais bien le maintien des privilèges des familles riches du monde impérialiste qui pousse les armées a sa solde dans une reconquête et un repartage du monde et sur ce, vous avez tout a fait raison.
Il en va de même pour le droit des femmes d'aller à l'école. Là non plus ce n'est pas quelque chose qui s'est fait ''naturellement'' sinon par la ''nature'' de la lutte des classes elle-même. Les femmes occidentales ont la possibilité d'aller a l'école et de voter depuis relativement peu de temps, Annabelle. Pendant des générations les femmes étaient ici, considérées comme des citoyennes de second ordre. Elles étaient considérées sans âmes comme les animaux et on les appelait même ''créatures'' dans notre bon vieux Québec d'il y a quelques 200 ans. Les femmes québécoises ont lutté durement, essuyant les quolibets et les insultes, voire les humiliations et même l'emprisonnement par un système de classe dans lequel la classe dominante profitait énormément du fait que la femme soit reléguée à ses chaudrons et fournissent un travail social gratuit, et soit entretenue par son mari qui seul, avait le droit de gagner un salaire. Les femmes ont dû lutter pendant des années avant d'en arriver à pouvoir étudier, voter, et aujourd'hui, conduire une voiture, tenir commerce et pouvoir être considérées cheffes de famille. Si on remonte plus loin dans l'histoire, des femmes sont mortes sur le bûcher, ou ont été décapitées pour s'être tenues debout devant la répression des classes dirigeantes qui avaient besoin de cette couche de la population travailleuse qui pouvait être mise au travail gratuitement, sans compté le travail de procréation forcée, simplement parce qu'elles étaient femmes. Et une classe progressiste qui prend le pouvoir dans un pays donné aurait toutes les raisons du monde de protéger les femmes au moyen des armes quand elles se rendent a l'école ou au travail.
Cependant, vous avez raison de dire que ce n'est pas pour cette raison que les forces étrangères sont en Afghanistan. Et si les femmes sont reconduites à l'école, escortées par des troupes canadiennes ou américaines en Afghanistan, ceci ne constitue qu'un sophisme et une hypocrisie pour soutenir la propagande impérialiste auprès des populations d'ici. Et d'assujettir tout le peuple par le biais des Karsaï et compagnie.
Je m'insurge encore contre le billet de Richard Martineau dans sa rubrique FRANC-PARLER du Journal de Montréal qui fustige votre lettre de si hypocrite façon, se faisant ainsi le défenseur d'une attaque sauvage et d'une répression sanglante contre le peuple Afghan. Il ferait mieux de rendre son droit de journaliste et de rentrer sa plume dans son encrier pour ne plus l'en sortir. Avec des ''journalistes'' comme lui, l'Empire n'a plus besoin de ses propagandistes de malheur.
Je vous encourage enfin, Madame Annabelle Berkani, à continuer de vous insurger de la belle façon dont vous le faite et de ne pas lâcher prise devant les injustices de ce monde. Il vaut mieux passer pour une Cassandre que de ne rien dire devant le mal qui empoisonne les meilleurs éléments de nos sociétés. Mais, Annabelle, il y a quand même des oreilles pour entendre !
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