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Par Jocelyn Parent,
membre du Comité Central du PCQ

 

Vendredi soir, 4 avril, avait lieu à Montréal une conférence très intéressante et portant sur la démocratie à Cuba.  La salle, qui peut contenir jusqu'à une centaine de personnes, était comble .  Les deux principaux orateurs était Arnold August, auteur de plusieurs ouvrages sur la démocratie cubaine, et Claude Morin, professeur d'histoire de l'Amérique Latine, à l'Université de Montréal.  Ce qui suit, représente un résumé des présentations faites ce soir-là.

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D’abord, notons que la démocratie cubaine s’appelle ‘’démocratie participative’’, et non pas ‘’de représentation’’ comme c’est le cas chez nous, ailleurs au Canada ou aux États-Unis.

À Cuba, il y a une forte polarisation des débats politiques : il y a les pro Castro, en faveur du régime, et les anti-castristes, ceux qui veulent le renverser.  Ce débat est dû à la proximité des États-Unis, État qui applique toujours un embargo sur un autre État qui a décidé de disposer de lui-même sur son avenir.

Pour bien comprendre l’expérience démocratique que vivent les Cubains, il ne faut cependant pas la juger à partir des lunettes nord-américaines ; il est pertinent de replacer les événements historiques dans leur contexte.  La Révolution cubaine est issue d’un système politique sclérosé et corrompu, soutenu par Washington, et c’est pourquoi Fidel Castro et les autres révolutionnaires, tel Che Guevara, ont lutté pour y mettre fin.

La presse occidentale dit qu’il n’y a pas de démocratie à Cuba parce qu’il n’y a qu’un seul parti politique.  Aux États-Unis, il n’y a que deux partis, toujours les mêmes, et ce n’est pourtant pas une dictature, même si les électeurs n’ont que deux choix.  À Cuba, le Parti Communiste (PC) n’est pas le parti qui dirige l’État : ce sont les Cubains qui élisent les gens au pouvoir, mais il est vrai que la majorité des dirigeants choisis font partie du PC.  La population reconnaît le mérite des communistes à diriger leur pays, et ce pour leur engagement dévoué et leur réflexion critique sur le capitalisme.  C’est aussi pourquoi la majorité des dirigeants de Cuba sont réélus, mandat après mandat.

Cuba ne prétend pas être une démocratie libérale.  Dialoguant avec sa population, ses citoyens, elle est en fait une démocratie de participation.  Ainsi, le gouvernement cubain compte sur le consensus et met en branle ce qui est nécessaire pour le rechercher.

Entre 1959 et 1976, Cuba était une démocratie directe.  Fidel Castro y dialoguait avec le peuple et exposait ses politiques.  Il avait une relation quasi-intime avec le peuple cubain ; ce qui est bien loin d’être le cas avec nos élus, et ce même aujourd’hui.

Après 1976, Cuba s’est dotée d’une légalité socialiste incluse dans une nouvelle constitution.  Dans celle-ci, la souveraineté politique réside dans le peuple, non l’État comme en Amérique du Nord.  Les élections y sont désormais à date fixe, soit aux 2,5 ans pour les assemblées municipales et aux 5 ans pour l’assemblée nationale.

Il y a 169 élections municipales, avec possibilité d’un deuxième tour d’élection si des candidats ne réussissent pas à recevoir au minimum 50% des votes, qui est le seuil minimal pour être élu.  Actuellement, au Canada, le candidat élu est celui ou celle qui reçoit le plus de votes que les autres candidats comptabilisés séparément.

Après les élections municipales, il y a les élections provinciales et ensuite les élections nationales.

Au municipal, 1 élu représente 1500 électeurs ; au provincial, c’est 1 pour 5 à 10 000 électeurs alors que c’est 1 élu pour 10 000 électeurs à l’Assemblée Nationale.  Cela est voulu car le système politique cubain est décentralisé.  Il y a un lien étroit entre les élus et les électeurs.

L’âge de vote est de 16 ans à Cuba, bien que pour être élu il faut avoir 18 ans.  Et chacun y est automatiquement inscrit sur la liste électorale.  Cette liste électorale est d’ailleurs disponible dans chaque quartier municipal, soit environ 8 pâtés de maison.  Aux États-Unis, il n’y a que 72% des gens qui sont inscrits sur la liste électorale.  Parmi le 28% d’absents, il y a surtout et principalement des exclus, dont une grande partie composée de gens d’origine latine ou afro-américaine.  Ce fut d’ailleurs le cas lors des présidentielles en 2000 dans l’État de la Floride.  George W. Bush a volé cet État avec l’aide de son frère, alors gouverneur de cet État, en faisant trafiquer la liste électorale, empêchant plein de gens de voter.  Mentionnons que la citoyenneté cubaine s’acquiert après 5 ans de résidence.

Fait important à noter, les criminels n’ont pas le droit de vote car ils se sont rendus coupables de délits.  Il est tout à fait normal qu’ils n’aient pas à se prononcer sur une justice qu’ils ont enfreinte.

Pour qu’une personne soit candidate dans une élection, elle doit être proposée par une autre.  Aucune organisation de masse, tel un syndicat ou un parti politique, n’est autorisée à se mobiliser pour proposer et faire élire des gens à Cuba.  La personne qui en propose une autre doit expliquer son choix, soit de présenter les réalisations antérieures qu’elle a accomplies.  Parmi toutes les personnes proposées, il y a un vote à main levée et la personne qui reçoit le plus d’appuis est élu pré-candidat pour l’élection à venir, d’abord municipale, ensuite provinciale et éventuellement nationale.  En comparant aux États-Unis, où un candidat nécessite un fond de plusieurs dizaines de millions de dollars pour être élu sénateur –tout en étant prêt à changer d’opinion dès que le vent tourne–, nous pouvons dire que la démocratie cubaine est plus qu’exemplaire.

Avec une population de 11 millions de personnes à Cuba, nous en arrivons très vite à une liste de 55 000 pré-candidats, qui doit être réduite à un maximum de 614 élus pour l’Assemblée Nationale.  C’est ainsi que se mettent en branle des comités de consultation allant questionner la population et savoir ce que chacun pense des candidats possibles.  Par la suite, à titre de processus final, les assemblées municipales ont le dernier mot sur les 614 pré-candidats pour les adopter ou non.  Ayant été pré-sélectionnés par l’Assemblée Nationale, suite aux consultations, ils doivent ensuite recevoir au moins 50% des votes pour entrer en fonction et être effectivement élu, sinon ils ne peuvent siéger.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le taux de participation est très élevé à Cuba : en 1993, 99,6%; en 1998, 98,3%; en 2003, 97,6% et en 2008, 96,9%.  Au Québec, au Canada et chez notre voisin du Sud, le taux de participation dépasse à peine le 70%.  La légitimité du gouvernement cubain est bien plus forte.  Il est vrai que les cubains défendent et protègent leur mode de vie contre les assauts culturels du libéralisme, d’où une plus grande politisation.

De plus, l’Assemblée Nationale est composée à 42,16% de femmes ; c’est le 3e taux en importance dans le monde.  Notons aussi que 63,22% des élus ont été élus pour la première fois ; il y a donc là un bon taux de renouvellement des élus.  Encore, 78,34% de tous les députés ont un diplôme universitaire.  Ainsi, le degré de connaissance des élus est supérieur à bien des politiciens, notamment ceux de l’ADQ.

Concernant les lois qu’adopte l’Assemblée Nationale, elles sont directement issues de consultations populaires effectuées auprès des gens concernés.  C’est pourquoi les lois cubains correspondent aux besoins de la population, et non d’être le fruit d’une partisanerie quelconque.

Selon l’Article 68 de la Constitution de Cuba, traitant de l’imputabilité des élus, ceux-ci doivent rendre périodiquement des comptes, notamment en informant les électeurs de la politique que leur assemblée a suivi.  C’est pourquoi nous pouvons dire que les élus cubains n’ont pas peur de dialoguer et débattre avec la population.

De plus, les élus cubains sont révocables.  La Loi 89, écrite dans la Constitution, a des dents et elle peut prendre les mesures appropriées pour retirer un élu de ses fonctions.  À ce jour, depuis 1976, 22 élus ont été ainsi révoqués.  Notons que dans les démocraties libérales, tel le Québec, aucun élu ne peut révoqué par le peuple s’il commet des fautes pendant qu’il exerce ses fonctions de députés.

En conclusion, nous pouvons dire que la démocratie prend sa propre vie à Cuba : elle s’affirme sur ses bases et elle est participative.  Le fait qu’il n’y ait qu’un seul parti politique ne l’entache nullement car les personnes sont nommées par d’autres et soulignons aussi que leur appartenance au Parti Communiste n’est en rien obligatoire pour être élu.

Nous n’avons donc pas de leçons à donner aux Cubains, encore moins à leur imposer la vision du monde libérale.  En fait, c’est nous, nord-américains et québécois, qui avons des leçons à apprendre de ce peuple de résistants, de gens tenaces et fiers.

Au même titre que Cuba exporte des dizaines de milliers de docteur, peut-être en viendra-t-elle à envoyer des émissaires pour inviter les démocraties libérales à s’orienter vers la participation citoyenne.  Souhaitons-le.  Mais plus important encore, demandons-le à nos élus. 



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