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Notre camarade David Lanneville, qui est en Colombie depuis déjà plusieurs mois, et qui nous représentait plutôt cet hivers en tant qu'observateur invité lors d'un tout récent congrès du Pôle démocratique colombien (une sorte de Québec solidaire là-bas), a récemment pris la parole lors d'une séminaire portant sur l'avenir politique dans ce pays, et qui avait également lieu dans la capitale, Bogota.

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Bonjour à tous,

Le Parti communiste du Québec souhaite saluer la tenue des journées du second séminaire Antonio Gramsci et remercier les organisateurs pour leur invitation.

Nous croyons que le meilleur moyen de construire la paix en Colombie, comme partout ailleurs se trouve dans des occasions comme celle-là, où on peut débattre échanger et transmettre un savoir transformateur qui est source de progrès social et de renouveau d'une société. Nous croyons fermement que c'est par ce dialogue et cette réflexion que nous arriverons à penser la Colombie de l'après-conflit. Comment voulons-nous y arriver si nous ne nous assoyons pas pour le faire ?

Le Parti Communiste du Québec considère que le conflit colombien va bien au-delà du simple conflit armé. Il s'agit d'un conflit social opposant deux classes traditionnellement bien placées dans un environnement chargé d'une inégalité sociale et de l'absence d'une sortie politique pour contrer les injustices et les inégalités telle la concentration des terres et des capitaux, l'indigence, le travail mal rémunéré, le manque d'accès à l'éducation et une économie fortement dépendante des capitaux étrangers.

Les inégalités sont grandissantes et le conflit colombien est dû à la dégénérescence de ces problèmes sociaux où face aux injustices commises par les puissants de ce pays et de ce monde, des individus ont cessé de croire à la démocratie et à l'action politique et ont choisi la violence comme solution.

Face à cette dégénérescence, l'État colombien a choisi la répression pour mettre fin à cet état d'insurrection. Depuis soixante ans, le discours est le même: mater la guérilla pour préserver l'ordre établi. Cette politique a également entraîné l'essor des groupes paramilitaires, leur idéologie et leurs massacres, dont furent victimes des civils militant pour le changement, pour la nécessaire sortie politique du conflit. Encore aujourd'hui, le gouvernement Uribe croit encore au triomphe militaire sur la guérilla. Mais faudra-t-il encore soixante ans pour se rendre compte de l'impossibilité d'un triomphe militaire ?

Comme beaucoup de gens ici en savent plus et on beaucoup plus à dire sur le conflit colombien que moi, laissez-moi vous parler d'un exemple de chez nous afin d'illustrer mon propos. Bien que la Colombie vive un conflit infiniment plus ample, il y a des parallèles à faire. Le Québec a connu, durant les années 1960-1970, la présence d'un groupe de guérilla urbaine socialiste et pour l'indépendance du Québec, le Front de Libération du Québec. Le FLQ a fait sauter des centaines de bombes dans les établissements symboles de la domination économique anglo-saxonne sur la majorité francophone, dénonçant les
inégalités sociales dont étaient victimes les francophones, ainsi que la pauvreté, le chômage, qui ne trouvait presque pas d'écho dans le système partisan à deux partis de droite où la gauche n'arrivait pas à percer.

De plus en plus de personnes arrêtèrent de croire en la démocratie et la violence, les émeutes des étudiants, des travailleurs et des autres secteurs sociaux se heurtaient à un gouvernement qui avait choisi la répression pour calmer le jeu. Cependant, cette répression ne fit qu'augmenter le nombre d'émeutes et d'attentats. La violence atteignit son paroxysme quand le FLQ tenta un grand coup: on séquestra un diplomate britannique et le numéro deux du gouvernement du Québec.

La première réaction du gouvernement fut de céder sur une des revendications: faire lire le manifeste du FLQ à la télévision d'État. Cependant, devant la sympathie que suscite la lecture du manifeste, le gouvernement proclame l'État d'urgence et fait enfermer plus de 400 dirigeants syndicaux, communautaires, chanteurs, poètes et autres sans aucun mandat et plusieurs ne pourront donner de nouvelles à leur famille pendant des mois. Le but de cette opération était de semer la panique en faisant croire à une insurrection imminente qui s'est révélée par la suite être inexistante. De tous les prisonniers faits dans cette opération, aucun d'entre eux n'eut d'accusation portée contre lui. On voulait plutôt profiter de l’occasion pour faire le « ménage » dans les groupes de gauche.

Pendant, ce temps, aux élections municipales de la métropole, Montréal, le maire et plusieurs personnalités n’ont pas hésité à accuser le principal parti d’opposition de collaborer avec la guérilla felquiste. De 40% d’intentions de vote qu’avait ce parti (le FRAP) avant les événements, résulta que ce parti ne put faire élire personne le jour des élections. Ainsi, on peut constater l’effet de la psychose volontairement générée : les gens cherchent la stabilité, et ceci favorise l’ordre et les partis en place, malgré les conditions sociales des gens. Le gouvernement mata le FLQ deux ans après ces événements.

Le gouvernement vint ainsi à bout de cette guérilla, mais les problèmes sociaux et politiques subsistèrent. L'instabilité politique et sociale continua, mais fut reprise par les mouvements sociaux et les syndicats qui s'agitèrent de plus en plus devant la fin de non-recevoir du gouvernement Libéral. Deux ans plus tard, le Québec connut la plus ample grève générale de son histoire qui paralysa la province pendant des mois. Malgré les lois forçant le retour au travail des employés, ceux-ci refusèrent de rentrer. On emprisonna les trois chefs des grandes centrales syndicales, mais la contestation continua.

Face au conflit colombien, le gouvernement Uribe utilise également la répression et la peur afin de protéger l'ordre établi et maintient un discours belliqueux et militariste. Toutefois, supposons que le gouvernement d'Alvaro Uribe mate la guérilla. Les problèmes sociaux et politiques qui sont la source de la violence ne seront pas réglés pour autant. La violence se transportera ailleurs. Pourtant, cette psychose sert beaucoup au gouvernement. En temps de crise, la population appuie ses élites. Mais face à l’échec des stratégies militaires (ou économiques face à la crise), cela ne peut durer longtemps. Il s’agit là de notre espoir.

Cependant, pour construire une société nouvelle en Colombie, il faut construire un mouvement. En ce moment, ceux qui travaillent à construire ce mouvement; le syndicalistes, étudiantEs, indigènes, leaders communautaires sont victimes de crimes de lèse-humanité et sont assassinés dans le but de les faire taire, et ce, dans une impunité déconcertante. Ce sont pourtant ces personnes qui se font les porte-parole des exclus des politiques gouvernementales. Tant qu'elles ne bénéficieront pas de garanties démocratiques et qu'elles ne seront pas incluses dans le projet de société de la Colombie, on ne pourra parler de paix sociale.

C'est pourquoi il faut une sortie politique et négociée au conflit. Politique parce que ces expressions de violence doivent se transporter sur le terrain de l'action politique libre et démocratique et posséder une voix dans le parlement colombien. Négociée parce que nous croyons qu'il est impossible pour l'une ou l'autre des parties du conflit, les forces armées ou la guérilla de triompher l'une sur l'autre. Nous connaissons l'exemple de l'Union Patriotique où plusieurs guérilleros ont laissé les armes pour se convertir à l'action politique et où, face au génocide politique du plan Baile rojo plusieurs membres ont fini par rejoindre la guérilla.

L'exemple de l'Union Patriotique montre la nécessité de construire une alternative politique qui saura mettre en place des réformes audacieuses afin de répartir la richesse et réaliser un véritable projet de société et des changements structurels. C’est la façon la plus durable de construire la justice sociale et la paix pour mettre fin à soixante années de conflit. Une solution bien plus forte que toutes les armées aussi puissantes soient-elles. Il faudra cependant que la classe dominante accepte de jouer dans le jeu démocratique et nous savons à quel point dans l’histoire de l’Amérique Latine cela n’est rien d’acquis. Le premier pas cependant sera d’en finir avec l’attitude belliqueuse et militariste du gouvernement d’Alvaro Uribe Velez dans la perspective d’une solution radicale. Radicale dans le sens marxiste : régler le problème à la racine : les inégalités sociales. La répression n'est pas la solution. Exigeons une solution politique négociée au conflit colombien !

Je terminerais en saluant les efforts de la société civile dont le rôle est banalisé par le gouvernement, mais qui joue un rôle crucial. Je pense, bien sûr, à des groupes tels Colombianos y colombianas por la paz, le MOVICE, la sénatrice Piedad Cordoba et j'en passe. La société colombienne vous doit beaucoup et nous sommes convaincus qu'un jour, le travail que vous faites sera reconnu à la juste valeur.

 

David Lanneville
Au nom du PCQ

 

 



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