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( Note : De passage à Paris en janvier, Jaime Caycedo, secrétaire général du Parti communiste de Colombie, fut interviewé par le journal communiste français L'Humanité.  Voici un compte rendu de cette entrevue.  Parce que cette entrevue fut faite il y a déjà quelques semaines, soit avant l'assassinat de Raul Reyes, il n'en est pas fait directement mention, mais les propos tenus gardent néanmoins toute leur pertinence.)

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L’appel du président Chavez à reconsidérer le statut des guérillas a soulevé une vive polémique en Colombie. À vos yeux, quel en est le sens ?

Jaime Caycedo : Il s’agit d’une proposition tout à fait envisageable. C’est un chemin qui cherche, de mon point de vue, à normaliser les conditions en vue de trouver une voie politique, comme solution au conflit interne colombien. Il ne s’agit pas uniquement de faciliter les accords humanitaires qui peuvent se réaliser sans ce type de reconnaissance.
Un traité de paix ne peut naître que d’une discussion où il y a une reconnaissance des identités différenciées, des objectifs recherchés par les uns et les autres. On doit pouvoir aussi convenir d’un agenda commun pour développer un dialogue de négociation.
Jusqu’à il y a sept ans, les gouvernements et l’État colombien reconnaissaient les forces des guérillas comme des mouvements politico-militaires. Ils reconnaissaient qu’il y avait un conflit auquel il fallait trouver une solution via un dialogue. Ce virage, dont l’ex-président Pastrana porte la responsabilité, a été pris sous les pressions du militarisme et du paramilitarisme colombiens, alors que se mettait en place la politique d’application du plan Colombie, une politique de belligérance militaire et de contre-insurrection de la part des États-Unis.

Ce statut impliquerait également un changement radical de la part des FARC quant à leur stratégie de séquestration…

Jaime Caycedo : De fait. Pour ce qui nous concerne, nous condamnons fermement la séquestration. Les mouvements insurgés doivent se soumettre aux conditions minimales de « régulation » des conflits telles que préconisées par le droit international afin de respecter la population civile. Sur ce point, le gouvernement colombien a clairement manifesté qu’il n’existe pas, selon lui, de neutralité. Le statut dit de « non-combattant » ne serait pas possible. Pour cette raison, il fustige de manière permanente les défenseurs des droits de l’homme, et les secteurs de l’opposition, sous prétexte que celui qui n’appuie pas la posture officielle face à la guerre est forcément partisan et auxiliaire de la guérilla. C’est aussi une infraction très nette du droit international humanitaire.

 Quelle attitude devrait, selon vous, adopter la communauté internationale ?
Jaime Caycedo : Je voudrais faire référence à l’expérience de la France et du Mexique qui, en 1982, avaient reconnu le mouvement de guérilla du FMLN. À l’époque, le conflit salvadorien n’en était pas moins dur ou cruel. Les mines « rompe pata » (casse-jambe) ont été utilisées avec encore plus d’intensité du fait d’un territoire géographique bien plus petit que la Colombie par exemple.
S’il a été possible, il y a vingt-cinq ans de cela, de reconnaître cette guérilla pour ouvrir une voie à une solution négociée, avec des espaces internationaux, pourquoi cela n’est-il pas envisagé dans le cas colombien ? La question soulevée par Chavez pointe la nécessité de chercher une solution de fond. Parce que le conflit colombien affecte également aujourd’hui l’Amérique du Sud et les relations hémisphériques. La politique dite de sécurité démocratique du président implique une militarisation de la vie nationale, du traitement de l’opposition, un renforcement de la répression sociale. La lutte en faveur de la paix est maccarthysée. La politique du gouvernement d’Alvaro Uribe alimente la psychose de la guerre.

 

Dès lors  comment revenir à une  normalisation  à même de pouvoir penser la paix ?

Jaime Caycedo : Il faut des changements dans la politique de l’État et du gouvernement, une attitude différente des hauts commandements des forces militaires du pays. Les États-Unis doivent également supprimer leur aide militaire à la Colombie, qui ne prend pas seulement la forme de fonds. Le Pentagone protège les oléoducs considérés comme stratégiques pour les États-Unis dans l’administration des ressources énergétiques.

Il faut être cohérent. Il se dit que Chavez s’immisce dans les affaires colombiennes, mais le Venezuela n’apporte aucune aide militaire au pays et encore moins à la guérilla. Nous avons besoin de créer des conditions internes et externes, dans le cadre de la communauté internationale, pour avancer en direction d’un changement de posture de l’État colombien. Pour que se produise également un changement d’attitude des FARC et des autres mouvements insurgés à même de faciliter leur reconnaissance politique nationale et internationale.

 



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